Unan Après le décès de Mgr BALA : L'Eglise catholique réclame la vérité et tance la justice
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Après une neuvaine de prières, le diocèse de Bafia, situé dans le Centre du Cameroun, qui célèbre cette année ses 50 ans d’existence, a commémoré sous le signe de l’espérance, le premier anniversaire de la mort tragique de son troisième évêque. Occasion pour l’Eglise catholique qui est au Cameroun de se montrer solidaire, et de demander à l’Etat du Cameroun et à sa Justice, de clarifier définitivement les circonstances dans lesquelles Mgr Jean Marie Benoit Bala a trouvé la mort. Evocations.

1- Retour sur le lieu du drame
Ce 2 juin 2018, marque le premier anniversaire de la sortie de l’eau de la dépouille mortelle de Mgr Jean Marie Benoit Bala. Les chrétiens catholiques du diocèse de Bafia et ceux venus d’autres diocèses du Cameroun, se sont ainsi retrouvés ce jour au bord du fleuve Sanaga, précisément à l’endroit où il y a un an jour pour jour, le corps du troisième évêque de Bafia a été sorti de l’eau. La foule était immense et l’émotion forte au sein des populations de cette ville d’Ebebda qui, il y a un an, a été tristement projetée au-devant de l’actualité nationale et internationale. La messe pontificale programmée en ce lieu où le corps inerte et profondément maltraité, (si l’on s’en tient aux confidences d’alors des témoins oculaires) a été sorti de l’eau, a vu la participation du sous-préfet de l’arrondissement d’Ebebda en tenue d’apparat, ainsi que le maire du coin, Owono Syrinus à qui la parole a été donnée au début de l’office.

« Notre ville, carrefour de rencontres des hommes et femmes venus de tous les horizons du monde, est réputée pour son hospitalité légendaire qui n’a rien à voir avec le triste évènement qui lui a été imposé il y a un an de cela, à savoir, la sortie de l’eau de la dépouille de Mgr Jean Marie Benoit Bala que nous pleurons tous aujourd’hui encore ». Il a donc fallu revenir à Ebebda ce jour, non seulement pour prier pour certains, mais pour d’autres, exorciser ces images troublantes d’un corps étalé piteusement dans une pirogue de pécheur, et qui n’était fatalement autre que celui de feu Mgr Jean Marie Benoit Bala, que le peuple de Dieu qui est à Bafia recherchait depuis deux jours.

Si la douloureuse affaire avait en son temps provoqué une vive émotion au Cameroun, chacun essayant de comprendre comment une fois de plus, notre pays peut enregistrer la mort tragique d’un prélat, ce 2 juin 2018, l’élite gouvernante du Cameroun a brillé par son absence à la messe pontificale dite en mémoire de feu Mgr Jean Marie Benoit Bala. Aucun membre du gouvernement n’a fait le déplacement. Même pas ceux originaires du département de la Lékié qui avait été témoin de ce drame, ni du Mbam et Inoubou qui en été le principal acteur. Mêmes les élites et les élus du peuple du Grand Mbam et de la Lékié et tous ces « médiateurs autoproclamés » d’il y a un an qui appelaient au calme, face à la colère légitime de tout un peuple témoin de ce drame, se sont tous également inscrits aux abonnés absents. Il est à croire que la violence d’Etat qui fait le système qui nous gouverne en est pour quelque chose ? Difficile à dire…Toujours est-il que, quelques amis et fidèles inconditionnels ont fait le déplacement d’Ebebda, ville magnifique par la qualité de l’accueil de ses citoyens, et qui n’avait vraiment pas besoin que des criminels sans foi ni loi lui imposent une telle situation.

2)- Parole d’archevêque métropolitain
« Nous sommes venus ce jour poser un acte de foi en Dieu notre Père, et d’affection envers notre Père et frère, Mgr Jean Marie Benoit Bala, et dire à sa mémoire, une parole d’espoir selon laquelle, nous avons envie de quitter le deuil. Mais avant cela, nous voulons savoir ce qui s’est passé. Car il y a un an, notre mémoire collective a été profondément troublée », a indiqué d’une voix émue aux nombreux fidèles présents à la célébration eucharistique en ce lieu, Mgr Abraham Kome, l’évêque du diocèse de Bafang, dans la région de l’Ouest du Cameroun, et administrateur apostolique du diocèse de Bafia depuis la mort de Mgr Jean Marie Benoit Bala. Entre tristesse et sanglots étouffés, la messe va se déployer, animée par une chorale aux sonorités artistiques généreuses. Puis vint le temps de la parole de Dieu lue et expliquée. Prenant la parole au cours de l’homélie, Mgr Jean Mbarga, archevêque métropolitain de Yaoundé a tenu à repréciser le contexte de la présence du peuple de Dieu ce 2 juin 2018, sur le sol sablonneux de la rive gauche du fleuve Sanaga à Ebebda, là où le corps de Mgr Jean Marie Benoit Bala a été retrouvé : « Il y a un an, Mgr Samuel Kleda, archevêque de Douala ici présent, l’ancien nonce apostolique, Mgr Piero Pioppo et moi-même, avons été transportés ici même à Ebebda par l’émotion, pour accueillir sortant de l’eau, le corps sans vie de notre cher frère, Mgr Jean Marie Benoit Bala.

Refaire donc ce voyage pour cette célébration eucharistique ici même n’était pas facile pour moi. Mais aujourd’hui, nous sommes venus une fois de plus sortir Mgr Jean Marie Benoit Bala de l’eau, pour qu’il vive éternellement ». Et l’archevêque de Yaoundé de poursuivre : « Nous voulons mettre en forme, la puissance de Dieu, et dire que celui qui était inerte ici hier, sache que nous célébrons sa résurrection, et que son esprit survit de manière éternelle. » Se rappelant de ce qui s’est passé il y a un an, Mgr Jean Mbarga indique que « les eaux furieuses et féroces du fleuve Sanaga, qui généralement emportent et dévastent tout sur leur passage, ont été favorable à Mgr jean Marie Benoit Bala, en refusant d’avaler son corps dans ses profondeurs abyssales. Le fleuve Sanaga a rendu le corps presque intact de Mgr Jean Marie Benoit Bala au peuple de Dieu, pour qu’il repose désormais aujourd’hui en sa cathédrale à Bafia. La mort de Mgr Jean Marie Benoit Bala apparait comme une injustice, et en cette commémoration, nous exigeons la clarification sur les circonstances de sa mort ». L’archevêque de Yaoundé poursuit en exhortant le peuple de Dieu à la prière et à la patience car « nous n’avons pas le droit de faire entrer le décès de Mgr Jean Marie Benoit Bala dans l’oubli. Nous n’en avons pas le droit ». Et pour finir : « Nous pouvons être sûr que le Seigneur qui a vénéré Mgr Jean Marie Benoit Bala nous aidera à transcender cette douleur en sachant que les souffrances de ce monde sont vaincues par la puissance de la Résurrection du Christ ».  

3)- Mgr Kleda : « Il a été assassiné »
Dans ce contexte à la fois troublant et intrigant, la parole de Mgr Samuel Kleda, archevêque de Douala, et président de la conférence épiscopale nationale du Cameroun, était très attendue. Notamment par les nombreux « mouchards » et autres agents des services de renseignements certainement en mission ce jour à Ebebda. Et Mgr Kleda d’affirmer qu’« il est impossible d’oublier notre frère Mgr Jean Marie Benoit Bala qui nous a quittés dans des circonstances troublantes. Il a été assassiné ». Mgr Kleda rappelle alors aux fidèles que l’Eglise catholique qui est au Cameroun, a porté plainte devant la justice camerounaise et s’est constituée partie civile suite au décès du troisième évêque de Bafia.

« Nous continuons à poser des questions sur les circonstances de sa mort. Pourquoi a-t-il été tué ? L’amour que nous avons pour notre pasteur si brutalement assassiné vous a imposé une semaine de prière chers fidèles de Bafia. Ce n’est pas la mort que vous avez célébré chers fidèles. Mais la Résurrection ». Poursuivant dans son exhortation Mgr Kleda indiquera que « Mgr Jean Marie Bala était réputé travailleur. Il n’avait pas un style de vie extravagant qui provoque des problèmes pour qu’on pense à venir l’assassiner. Si quelqu’un s’élève contre l’Eglise arguant qu’elle avilie les peuples, cette personne se fourvoie lamentablement. »

Pour souvenir, déclaré « porté disparu » le 31 mai 2018, la voiture de Mgr Jean Marie Benoit Bala avait été retrouvée sur le pont du fleuve Sanaga à Ebebda avec sur son siège arrière, sa carte nationale d’identité et un mot indiquant « Je suis dans l’Eau ». Sa dépouille a été sortie de l’eau le 2 juin 2018. La justice camerounaise qui a été saisie et qui s’était du reste déjà autosaisie, avait conclu avant les obsèques de Mgr Jean Marie Benoit Bala intervenu au mois d’août 2017 que « Mgr Jean Marie Benoit Bala est mort par noyade ». En réalité, ces paroles du procureur général de la région du Centre, et dont certains esprits hargneux semblent vouloir mettre à tort ou à raison dans le registre de la « pitoyabilité de notre justice » (pour reprendre un néologisme d’un pourfendeur du régime en place au Cameroun) ont semé le doute dans l’esprit des chrétiens et considérablement ébranlé la foi de certains adeptes de l’Eglise catholique.

Le problème est que depuis là, la justice camerounaise que l’on sait pourtant prompt à traiter des dossiers dont le régime en place à des intérêts semble se murer dans le silence. Pour l’archevêque de Douala, Mgr Samuel Kleda, « le silence total actuellement imposé, est un silence complice. Nous voulons connaitre la vérité ». Il continue en indiquant que, « cet assassinat de Mgr Jean Marie Benoit Bala est à classer dans le registre des assassinats des hommes d’Eglise de notre pays. Et le Cameroun, vient de gagner la palme d’or d’Afrique, et même du monde, de l’assassinat des prélats » avant de conclure que « Mgr Jean Marie Benoit Bala tu as été victime de la violence de ton temps ». Mgr Kleda va davantage assommer la mémoire collective camerounaise. « Pourquoi avons-nous peur alors que nous disons que nous sommes libres ? Chaque jour, en vous levant, nous proclamons que nous sommes jaloux de notre liberté. Alors soyons donc libre ! » La partie plus qu’émouvante de cette cérémonie de commémoration s’est vécue à la fin de la messe. Les évêques du Cameroun présents à Ebebda ce 2 juin 2018, accompagné des prêtres et fidèles sont allés jeter des fleurs dans le fleuve Sanaga dont les eaux semblaient bien calmes. Comme pour dire à Mgr Jean Marie Benoit Bala « nous ne t’oublierons jamais ! »

Au final, le diocèse de Bafia qui reste jusque-là sans évêque nommé, a prié pendant 9 jours en mémoire de son pasteur. La neuvaine observée dans la quarantaine des paroisses que compte ce diocèse s’est achevée le 1er juin 2018 par une messe pontificale à la cathédrale Saint Sébastien de Bafia. Elle a été suivie d’une veillée de concert de chants religieux.

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