Chômage des jeunes : Le Renouveau fait-il l'autruche ?
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La politique du gouvernement relativement à ce problème peine à donner satisfaction.

« Le chômage des jeunes est inquiétant au Cameroun, notamment au niveau urbain », constate le ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle (Minefop) dans l’éditorial qu’il signe dans le magazine éponyme, édition spéciale n° 0015 de décembre 2014. Dans un autre document intitulé la « réaction du Minefop à l’article Cameroun, le péril jeune paru dans Jeune Afrique n° 2814, du 14 au 20 décembre 2014 », Zacharie Pérevet persiste et écrit que « le contexte socio-économique du Cameroun montre que le chômage et le sous-emploi en général, et ceux des jeunes en particulier, sont préoccupants. En effet, selon l’enquête sur l’emploi et le secteur informel réalisée par l’Institut national de la statistique en 2005 et 2010, le taux de chômage des jeunes au sens élargi se situe à 13%, dont 22 % à Douala et 30 % à Yaoundé ».

Voilà le diagnostic. Il est implacable. Telle une hydre qui se métastase dans un corps dont le système immunitaire est fragilisé, le chômage des jeunes semble se porter bien. Ce, en dépit de la thérapie gouvernementale articulée essentiellement autour de deux piliers : les recrutements spéciaux et directs à la fonction publique et, la mise en place d’une batterie d’organismes et programmes dédiés à la lutte contre ce « cancer social ». S’agissant du premier pilier de cette politique du Renouveau en faveur de l’emploi (des jeunes), l’on peut observer qu’en 1982, 1500 diplômés de l’Enseignement supérieur avaient été enrôlés par l’Etat dans le cadre d’une opération de recrutement spécial dans la Fonction publique. L’année suivante, ils étaient 1700 à bénéficier de la même campagne. Dans la même logique, en 2011, le président de la République a décidé du recrutement spécial de 25 000 jeunes par l’Etat. A côté de ces opérations sporadiques, des recrutements directs sont régulièrement effectués par le gouvernement.

Quant au second pilier de l’action des pouvoirs publics dans le cadre de la lutte contre le chômage des jeunes, l’observation indique que plusieurs institutions, et organismes ont été créés pour cette cause. L’avènement du Minefop en 2004, qui a été précédé de celui du Fonds national de l’Emploi (Fne) quelques années plus tôt, procède justement de cette option politique. Tout comme les nombreux programmes mis en place par le gouvernement. Au chapitre de ceux-ci, on peut citer : le Programme d’appui aux acteurs des secteurs informels (Piasi), le Programme d’appui à la jeunesse rurale et urbaine (Pajer –U), le Programme d’insertion socio-économique des jeunes par la création de micro-entreprises de fabrication du matériel sportif (Pifmas), le Programme d’appui à l’insertion des jeunes dans l’agriculture (Piaja), le Programme d’appui au développement des emplois ruraux (Pader), le Programme d’appui à l’insertion des diplômés de l’Enseignement supérieur (Prades), le Programme d’appui au retour des immigrés camerounais (Paric), le Programme d’appui à la composante technologique de l’Enseignement supérieur (Pro-Act) et le Programme Emplois diplômés ( Ped).

Cosmétique institutionnelle

Cette politique de l’emploi des jeunes a-t-elle porté des fruits ? Oui, réponds le Minefop qui affirme que « ces programmes et projets ont largement contribué, à l’accroissement de l’offre de l’emploi, à l’amélioration de l’efficacité du marché de l’emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes ». Nul doute, jubile Zacharie Pérevet, qu’à cette allure, « tout porte à croire que nous arriverons à insérer plus de 50 000 chercheurs d’emplois par an». Sauf que cet optimisme étonne et même détonne devant un miroir social qui projette une réalité plus hideuse. Celle « d’une cosmétique institutionnelle, elle-même travaillant dans le sens d’une gesticulation institutionnelle », explique le socio politiste Claude Abé. Pour l’universitaire, il est évident que « les réponses du gouvernement au problème du chômage des jeunes en particulier, n’ont aucune emprise sur la réalité. La preuve c’est que quand on compte le nombre d’institutions engagées pour la même cause, on est surpris d’observer l’aggravation de la situation sur le terrain, qui indique que ces institutions servent davantage à entretenir le problème plutôt qu’à le résoudre ».

D’autant qu’il apparait comme une absence de cohérence dans cette politique, comme le suggère le Minefop lorsqu’il indique que « pour un accompagnement efficace des jeunes à l’emploi, le gouvernement œuvre pour la mise en place d’un Guichet unique pour l’emploi (Gue) pour assurer la cohérence de tous ces programmes ». Sauf que ce Gue évoqué lors des premiers états généraux de l’emploi (Ege) en 2005, n’est toujours pas fonctionnel. La politique nationale de l’emploi (Pne), également évoquée dans le sillage des Ege, a bel et bien était élaborée en 2007, mais tarde depuis à être officiellement validée, même si certains arguent le contraire en se référant au Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (Dsce).

Cacophonie

Ce parfum de cacophonie qui s’exhale de la politique du Renouveau relativement à la question de l’emploi (des jeunes) est encore plus prégnant lorsqu’on scrute les chiffres officiels. Ces derniers précisent qu’en 2012, 2013 et 2014, on a créé respectivement 160 000, 224 000, et 283 443 emplois. Soit un total de 667 443 emplois. Sachant
que le Minefop soutient que l’on enregistre en moyenne 150 000 nouveaux demandeurs d’emplois chaque année depuis 2007, l’on a donc comptabilisé au moins 450 000 chercheurs d’emplois au cours de la période considérée.

En clair, au terme d’une petite opération d’arithmétique faite sur la base de ces données officielles, il ressort qu’au 31 janvier 2014, l’on aurait réussi – sur cette période - l’exploit d’offrir quasiment autant d’emplois que la demande exprimée. Voir plus, puisque la calculatrice affiche un excédent de 217 443 emplois. Un vrai miracle
en somme, susceptible de faire pâlir de jalousie bien des Etats, tant il est vrai que le chômage est un phénomène universel. Pour autant, l’idée que se fait le gouvernement de sa thérapie contre le chômage des jeunes est-elle partagée par cette catégorie de Camerounais ? Pas certain.

© Mutations : Yanick Yemga

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