

-
© Correspondance : Nyeck Wilfried Junior
- 07 Oct 2025 09:17:39
- |
- 545
- |
CAMEROUN :: Les dirigeants politiques doivent cesser de multiplier les mensonges :: CAMEROON
Dès notre plus jeune âge, on apprend que mentir est un vilain défaut. Une règle essentielle dont les responsables politiques s'exonèrent trop souvent. Il est en
effet « communément admis que l’exercice du pouvoir ne va pas sans la pratique du mensonge et de la manipulation » constate amèrement la philosophe Myriam Revault d’Allonnes dans son livre La faiblesse du vrai publié en 2018. Vingt ans
plus tôt, Roger-Gérard Schwartzenberg, ancien Professeur en sciences politiques et Ministre, tirait déjà la sonnette d’alarme dans son ouvrage La politique mensonge.
Aujourd'hui, la situation s'est encore aggravée, le mensonge en politique est désormais généralisé selon le spécialiste en rhétorique Clément Viktorovitch : « La langue politique s'est déconnectée du vrai, raconte n'importe quoi, les yeux dans les yeux, parce qu'à partir du moment où on n'a plus à assumer ce que l'on a fait ou les décisions qu'on a prises et qui éventuellement n'ont pas porté leurs fruits, alors on peut se faire réélire » s'insurge-t-il.
Une généralisation du mensonge qui pourrait, peut-être, s'expliquer par la prolifération dans le champ politique de la post-vérité. Désormais, « les faits objectifs ont moins d’importance que leur appréhension subjective, que ceux qui font appel à l’émotion et aux croyances personnelles » explique Myriam Revault d’Allonnes. Le danger de la post-vérité ? Que les vérités de faits soient transformées en opinions, permettant ainsi de se débarrasser de leur évidence factuelle et de les rejeter.
Le salaire du péché
Si les responsables politiques mentent, c'est parce que cela paye au niveau électoral. « Il est incontestable que ce sont plutôt des menteurs éhontés et récidivistes qui parviennent à être élus aux plus hautes responsabilités » insiste Thomas Guénolé, soulignant que tous les Présidents de la Ve République ont été de gros menteurs.
Avant d'aller plus loin dans l'analyse, il paraît indispensable de définir clairement ce qu'est un mensonge. Pour le linguiste Patrick Charaudeau, c'est l'acte de langage consistant à énoncer, consciemment, le contraire de ce que l’on sait ou pense et à donner à son interlocuteur des signes qui fassent croire à celui-ci que ce que l’on énonce est identique à ce que l’on sait ou pense.
Il existe trois principales techniques utilisées par les dirigeants politiques pour mentir aux citoyens selon le politologue Thomas Guénolé, auteur du Petit guide du mensonge en politique : le mensonge "droit dans les yeux", à la manière du ministre du Budget Jérôme Cahuzac niant avec force devant les Députés détenir un compte bancaire un Suisse, ce qui s'avéra faux et qui entraînera sa condamnation pénale pour fraude fiscale ; la "méthode Monoprix" consistant à modifier l'emballage, à faire du rebranding de l'image du dirigeant politique ou du parti politique ; la technique des boucs émissaires pour donner aux citoyens un coupable et une réponse simple à un problème complexe et multifactoriel.
Pour Patrick Charaudeau, les dirigeants politiques maîtrisent l'art de mentir et savent s'appuyer sur des stratégies discursives bien rodées : celles de l’oubli, du flou, de la dénégation et de la raison d’Etat.
Traquer et sanctionner les mensonges
Que faire face à cette situation ? Qui doit agir et de quelle façon ? S'agissant des responsables politiques, même si seuls 26 % des Français déclarent avoir confiance dans la politique (contre 47 % en Allemagne et 39 % en Italie) selon le
Baromètre 2025 du CEVIPOF, ils n'arrêteront pas de mentir car le jeu n'en vaut pas la chandelle. D'abord, il n'existe pas de sanction au mensonge en politique. Le projet de loi proposé par le Gouvernement travailliste du Pays de Galles visant à exclure du Parlement et sanctionner d’une inéligibilité pour une période donnée le responsable politique reconnu coupable (par le biais d’un processus
judiciaire indépendant) de tromperie délibérée, semble peu réaliste, voire totalement inapplicable. Par ailleurs, être un dirigeant politique qui dit la vérité, à l'instar
d'un Pierre Mendès-France ou d'un Raymond Barre, met trop de poids sur les épaules du dirigeant politique qui sait qu'au moindre mensonge sa crédibilité et sa posture seront anéanties.
Quant aux médias, ils doivent recruter davantage de journalistes spécialisés dans la recherche et la mise en lumière des mensonges et des fake news, c'est-à-dire des fausses informations diffusées dans les médias et notamment via les médias sociaux. Cette traque des mensonges politiques et des fake news est aussi - voire en premier lieu - l'apanage des journalistes politiques lorsqu'ils interviewent, notamment à la télévision, des dirigeants politiques. Les responsables politiques doivent être questionnés sur les chiffres, les rapports et les ouvrages qui justifient telle ou telle déclaration politique. Quant à l'Etat, il doit investir dans l'éducation aux médias de tous les citoyens, des plus jeunes aux plus âgés afin que chacun puisse apprendre à s'informer, avoir un regard critique sur l'information diffusée.
Quant aux citoyens, ils doivent refuser de voter pour les dirigeants politiques qui mentent continuellement. Si pour Patrick Charaudeau il serait impossible de ne pas mentir en politique, au moins par omission, il faut que les responsables politiques mentent « le moins possible » selon le sociologue Dominique Wolton. Seul le mensonge destiné à préserver l'intérêt général serait acceptable : « Si l'on présuppose que le rôle d'un homme politique est de garantir les droits et d'assurer le bien d'une collectivité, on peut considérer qu’un mensonge est tolérable (ou pardonnable) dès lors qu'il est une manière de préserver l’intérêt général ou bien si le fait de dire la vérité devait nuire à l’intérêt général » estime Stéphane Robert, chef du service politique de la rédaction de France Culture. La lutte contre les mensonges en politique relève donc de notre responsabilité collective, elle est l'affaire de tous.
Pour plus d'informations sur l'actualité, abonnez vous sur : notre chaîne WhatsApp
Lire aussi dans la rubrique POLITIQUE
Les + récents
Le retrait troublant d'un sondage WhatsApp par la CRTV
Présidentielle 2025 : Jean Blaise Gwet, appelle l’opposition à se rallier derrière Paul Biya
RDPC au Cameroun : la mainmise sur les bureaux de vote dénoncée à la présidentielle
Issa Tchiroma, un outil pour reprendre le pouvoir ? L'analyse percutante de Rebecca Enonchong
Le billet d’Alain Ndanga : irrecevable
POLITIQUE :: les + lus

.jpg)
Le président Paul Biya au plus mal
- 09 February 2018
- /
- 112517

Cameroun, Présidentielle 2018:Cet homme veut chasser Paul Biya
- 14 April 2016
- /
- 103019


Cameroun:Paul Biya brise les réseaux de Séraphin Fouda et Motaze
- 16 November 2015
- /
- 82407
LE DéBAT




Afrique : Quel droit à l'image pour les défunts au Cameroun ?
- 17 December 2017
- /
- 209940

Vidéo de la semaine
évènement
