PRISE D’OTAGES : 500 millions Fcfa de rançons payées dans l’Adamaoua en 2015
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Le phénomène a atteint des proportions jamais égalées.

Il ne se passe plus un seul jour dans la région de l’Adamaoua sans qu’on ne parle d’enlèvements ou de prise d’otages, avec à la clé de fortes demandes de rançon. Ici, bergers, éleveurs et leurs enfants sont les principales cibles. «La situation est très grave. Nous avons actuellement des éleveurs qui n’ont plus de bergers, car ils ont abandonné les troupeaux dans la brousse. Le boeuf est un animal qu’il faut suivre au jour le jour. Lorsqu’il est abandonné pendant une semaine par exemple, vous n’allez plus le retrouver», explique un membre de l’Association pour la Promotion de l’Elevage au Sahel et en Savane (Apess). Celui-ci préfère parler sous anonymat, par peur des représailles.

«Nos bourreaux disposent des armes modernes et nous harcèlent sans cesse au téléphone. Nous n’avons pas de protection», regrette-t-il. A l’exception du département du Mayo-Banyo qui, depuis 17 ans aujourd’hui, ne connaît plus le phénomène de coupeurs de route, d’enlèvements et de prise d’otage et ce à cause d’une véritable implication de l’autorité traditionnelle, les quatre autres départements de cette région (la Vina, le Mbéré, le Djérem et le Faro et Déo) sont devenus la chasse gardée de ces hommes sans foi ni loi. Des localités telles que Bélel, Nyambaka, Ngan-Ha, Martap, Dir, Mbang-Foulbé, Libong, Kodjoli, Kognoli, pour ne citer que celles-là, sont désormais considérées comme leurs fiefs.

Les pertes sont considérables pour les éleveurs. Pour l’année 2015  qui vient de s’achever, l’Apess estime à plus de 500 millions Fcfa le montant des rançons versées aux preneurs d’otages sans compter les milliers de têtes de boeufs emportées par les ravisseurs ou simplement égarées dans la nature. «Bientôt, on parlera d’une catastrophe alimentaire dans la sous-région. C’est connu de tous qu’aujourd’hui, ce sont les boeufs de l’Adamaoua qui nourrissent non seulement le Cameroun, mais aussi toute la sous-région Afrique centrale.

Il faudra ajouter à cette catastrophe, l’impact psychologique des victimes et surtout, de leurs enfants. Actuellement par exemple, les familles fuient les villages de l’arrondissement de Martap pour la ville, et les enfants qui fréquentaient dans ces villages n’arrivent pas à trouver un établissement scolaire ici en ville», avoue Abdoulaye, membre de l’Apess.

EFFECTIFS RÉDUITS

En tout cas, ce n’est pas la première fois que la région de l’Adamaoua est en proie à l’insécurité. Les coupeurs de route y régnaient en maîtres avant que le Bataillon d’Intervention Rapide (BIR) ne réduise le phénomène à sa plus simple expression. Mais la guerre contre Boko Haram a aspiré les forces en direction de l’Extrême-Nord, privant ainsi d’autres régions, dont celle de l’Adamaoua, des effectifs capables d’offrir une véritable sécurité aux populations. Ce d’autant plus que, pour la région Château d’eau du Cameroun, la guerre en Centrafrique apportait son lot de réfugiés et de rebelles en quête d’espace vital et de moyens de survie. «Lorsque le BIR est entré en action contre les coupeurs de route, nous avons tout de suite vu les résultats. Aujourd’hui, les effectifs sont très réduits à cause de la guerre contre Boko Haram et les ex-coupeurs de route se sont reconvertis en preneurs d’otages. Ils possèdent désormais un boulevard», témoigne Ibrahim, habitant de Ngaoundéré. Les forces de défense et de sécurité ne nient pas les difficultés. «Nous avons un problème d’hommes et de logistique.

Ces preneurs d’otages et autres empruntent des pistes où seules peuvent passer des engins à deux roues. Il nous faut donc des motos. Je peux vous assurer qu’avec les hélicoptères, on n’a pas trois jours pour qu’on ne parle plus de prise d’otage dans cette région. Malheureusement, tout est concentré à Yaoundé, Douala et à Maroua et pour qu’un hélicoptère décolle, il faut l’autorisation du chef de l’Etat», affirme un officier. En attendant, les éleveurs essayent tant bien que mal de se défendre avec les moyens de bord. «Autrefois, nos bergers se baladaient avec les couteaux, sabres et même des flèches. Mais aujourd’hui, l’Etat les a désarmés et ils n’ont plus de quoi se défendre. Nous réfléchissons à une formation en auto-défense même comme les armes ne seront pas les mêmes que celles de nos ravisseurs. Mais avant cette phase, nous allons sensibiliser les nôtres sur la nécessité de communiquer la bonne information aux forces de maintien de l’ordre. Il est temps pour nous de créer une sorte de solidarité dans les villages», fait savoir Harissou, un éleveur. Et ce dernier de poursuivre : «Nous constatons un abandon du secteur de l’élevage par l’Etat. Certes, il y a des écoles de formation des vétérinaires, mais nous voulons aussi des centres de formation des bouviers. Il faut que les bergers soient professionnels. Pour ce faire, il faut organiser les états généraux du secteur de l’élevage. L’apprentissage traditionnel a montré ses limites», énonce-t-il. A l’allure où vont les choses, le Cameroun sera émergent sans la région de l’Adamaoua, car sa principale source de revenus se trouve aujourd’hui plombée par l’insécurité, fait remarquer pour sa part un opérateur économique local.

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