Climat social : Comment sortir de la crise ?
CAMEROUN :: POLITIQUE

CAMEROUN :: Climat social : Comment sortir de la crise ? :: CAMEROON

Régions anglophones, revendications post-électorales, dérive tribale… Le climat social au Cameroun est marqué depuis des mois par des crises qui s’enlisent. Y a-t-il des pistes vers l’apaisement ?

L’affaire, jusque-là, pouvait être cantonnée à la toile. A ces réseaux sociaux qui, progressivement, lentement et sûrement ont pris une place de choix dans la vie camerounaise. Avec la crise anglophone d’abord qui a vu les populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest soulever un certain nombre de revendications, puis l’élection présidentielle d’octobre 2018 et ses suites, le Cameroun vit une véritable crise sociale. La paix, souvent brandie par le régime en place comme un trophée, a été sérieusement mise à mal. Tout comme l’unité ou l’intégration nationale régulièrement évoquées dans les discours.

D’ailleurs le concept de « vivre ensemble » est sorti des tiroirs et a été mangé à toutes les sauces pour bien montrer qu’il est loin d’être aujourd’hui un acquis. Aux cris de détresse des populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, des explications selon lesquelles toutes les régions du Cameroun avaient des problèmes et que ceux qui revendiquaient n’avaient aucune raison de le faire. Et la montée en puissance de revendications fédéralistes, puis sécessionnistes, l’amalgame s’est vite installé dans certains esprits. Certains Camerounais étaient soudain devenus des «Ambazoniens » et considérés comme tels. Même ceux qui n’avaient jamais émise la moindre velléité séparatiste.

Puis, il y a eu l’élection présidentielle. Si les Camerounais avaient déjà montré des signes de division avec la crise anglophone et que le «vivre ensemble » n’était plus du tout un acquis, la crise a pris un autre tour avec les joutes électorales qui se sont transformées en joutes tout court. En véritables batailles où, souvent, la tribu a été mise en avant. «Pour le tribaliste tout n’est que fonction de la tribu. Il est incapable, soit par mauvaise foi soit par incapacité réelle, de s’affranchir d’une vision antagoniste ou belliqueuse des tribus. Et dans un décor déjà fortement délétère, les mots tels que « tontinards » et « sardinards » n’aident vraiment pas à apaiser les discussions », affirme Christian Djoko, expert en droits de l'homme et enseignant à l’Université de Laval au Canada.

La sortie récente du ministre délégué auprès du ministre de Justice, Jean de Dieu Momo qui, pendant une heure sur les antennes de la télévision nationale s’en est pris à une ethnie (les Bamilékés) a porté la question à un autre niveau. Pire, il a fait une allusion au génocide des Juifs, poussant des Camerounais à se demander si un génocide se préparait au Cameroun. Dimanche dernier, la chaîne de télévision a fait lire une note d’information. « Au cours de l’émission « Actualité Hebdo » du dimanche 03 février 2019, Maitre Jean de Dieu Momo, reçu en sa qualité de Président national du Paddec, le parti des Patriotes démocrates pour le développement du Cameroun, a fait des déclarations inappropriées sur l’histoire juive.

Ces déclarations ont pu être interprétées comme une légitimation de la Shoah. Dans la même émission, l’invité a eu une sortie controversée sur le groupe ethnique Bamiléké dont il est lui-même issu. La CRTV, consciente du rôle qui est le sien dans la promotion du vivre ensemble, de la solidarité et du respect entre les peuples et tenant compte du fait que les propos de l’invité de l’émission ont choqué des sensibilités d’ici et d’ailleurs, présente ses sincères excuses à tous ceux qui ont été heurtés par la controverse ainsi provoquée », indiquait le texte lu par Ibrahim Chérif, le présentateur du programme à problème.

Mais la question demeure : comment en est-on arrivé là ? Comment a-t-on pu parvenir à une telle banalisation du discours de haine ? Les différentes prises de position sur les questions publiques sont désormais déchiffrées par plusieurs sous le prime de l’appartenance tribale. L'info claire et nette. « S’il est un constat implacable à poser sur le Cameroun d’aujourd’hui, c’est l’échec cuisant de l’expérimentation in vitro de la République des citoyens, corollaire de l’Etat-nation dont on aura, à tort, bien tardé la levée du deuil », indique le philosophe Pascal Touoyem. Pour d’autres observateurs, l’ethnie est simplement instrumentalisée aujourd’hui pour détourner le peuple du véritable débat sur la gouvernance. Ce qui entraîne une autre question, bien préoccupante : comment en sortir ?

Lire aussi dans la rubrique POLITIQUE

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo