Etam-Bafia : Les espoirs perdus des populations
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Le retour de la poussière, du grand banditisme et la misère ambiante trouvent leur terreau dans ce quartier de Yaoundé.

Samedi, O4 août dernier, difficile de se rendre au quartier Etam-Bafia à Yaoundé sans se protéger les yeux et le nez. Le trafic étant dense puisque c’est un jour de marché, la poussière est au rendez-vous à partir de la Chapelle Mvog-Mbi. Impossible donc d’emprunter une autre bretelle. Dame poussière dicte sa loi. Tous les travaux engagés sur les axes sont aux arrêts depuis plus d’un mois (juillet). Aucun engin de l’entreprise Arabcontrator n’est visible. On ne retrouve que les balustrades laissées par ses ouvriers non loin de la maison de Dieu. Or, le 07 février dernier lorsqu’ont débuté les travaux de la construction des artères de ce quartier, les populations charriaient beaucoup d’espoir de tourner définitivement la page de la poussière. «Bien que les engins faisaient trop de bruits, nous étions très heureux de les voir à l’oeuvre», lance nostalgique un habitant du quartier.

Cette couche fine teinte tout sur son passage. Depuis l’abandon du chantier, elle est de trop. Sur l’axe menant au lieudit«carrefour Instic», c’est de l’air mélangé à des bribes de gravats que les populations inhalent au quotidien s’exposant ainsi aux maladies. Les habitations et les meubles ne sont pas épargnés. Elle laisse ses marques au passage. Pour preuve, en face d’une boutique de fortune, des vêtements blancs séchés à l’extérieur d’une maison perdent leur éclat au contact régulier de cet air pollué de particules de terres. «C’est avec regret que nous séchons nos habits sur cette corde. Même manger sainement devient un problème puisque la poussière infestée de microbes et entraînée par le vent se pose sur nos repas. La solution serait de déménager. Mais faute de moyens nous sommes contraints de subir ma famille et moi», se désole Jean Claude Temma.

Nous sommes autour de 10h. Le soleil se lève progressivement sur le quartier, les portes et les fenêtres des habitations sont déjà grandement ouvertes. Les motos et voitures vont et viennent dans toutes les artères de cette banlieue. C’est le début du weekend. Des groupes d’enfants jouent sur les tas de sable laissés par l’entreprise ArabContractor tandis que d’autres aident leurs parents aux travaux domestiques. C’est le cas de Carine. Cette adolescente de 13 ans, qui, vêtue d’une vieille petite jupe et d’un T-Shirt autrefois blanc défraichie aujourd’hui par la poussière. Récipients en mains, elle se dirige comme ses aînés vers l’un des points d’eau puisque les robinets sont rares et à secs. Une corvée qui crée des gorges chaudes au sein de la population. «Cela fait plus de trois mois que nous vivons dans ces conditions. Pas d’eau, trop de poussière. A cette allure comment empêcher que nos enfants ne tombent malades», se plaint, Patrick Essama.

Insécurité

A quelques mètres de Patrick E., sur la véranda d’une maison partiellement détruite, un groupe de jeunes garçons est installé (d’autres se retrouvent dans les débits de boisson). Ils rient aux éclats, ils discutent. Leurs sujets de conversations tournent autour du sexe, de l’argent, des jeux de hasard et de l’alcool. Ils tiennent chacun un sachet de whisky tel un trophée, un gage de maturité. La quantité de plastiques de ces sachets vides qui jonchent le lieu témoigne du niveau de leur consommation. Ils sont ou font semblant d’être saoulent.

Oisiveté

Ils invitent amis et inconnus à les rejoindre. Des mots flatteurs fusent de partout. «Grand-frère, le boss, il n’y a rien ?», demandent-ils. Ils espèrent que ce dernier fera preuve de générosité en leur offrant quelques pièces pour gonfler le chiffre de leurs sachets. Si la personne ascencée ne coopère pas, elle est menacée. Il y en a qui cèdent par peur des représailles comme Landry Balla. Cet adolescent a été contraint de débourser la somme de 1000Fcfa sous le regard amusé des badauds pourtant, il fait encore jour. Loin du danger, tremblotant, il se confie «Je ne les connais pas. L'information claire et nette. Quand je passais, ils m’ont appelé. Un disait qu’il est l’ami de mon grand-frère et il m’a demandé si je me souviens de lui. Quand j’ai dit que je ne me rappelle pas de son visage, il m’a demandé de lui acheter du whisky. Je lui ai répondu que je n’ai pas d’argent mais, il a insisté. Puis, j’ai pris peur. Pour ne pas être brutalisé, je lui ai donné 1000Frs».

Ces sous, ils l’ont directement utilisés pour acheter de nouveaux sachets de whisky. «Je bois tous les jours. Je sais qu’il est très tôt pour boire, mais je m’en fou», grogne l’un d’eux en ingurgitant d’un trait le liquide. Il dégage un mélange de cigarette et d’alcool. Ses yeux rougis par les effets du whisky en sachet, il est menaçant. «Nous sommes certes une nouvelle génération mais nous sommes toujours les gars d’Etam-Bafia. On garde la même mentalité. Des maisons ont été détruites pour construire des routes. Si les travaux ne reprennent pas, on va se rebeller», hurle-t-il avant d’être distrait par l’un de ses acolytes. Puis, se rendant vers la vendeuse de beignets, il se lâche : « Nous sommes fâchés et déçus». Devant la misère ambiante des populations, tout se monnaie ici. Même le renseignement. «Il n’y a que le chef du quartier ou un fumeur comme moi pour vous raconter notre histoire. Achètes-moi un sachet de whisky avant tout renseignement », lance un jeune, la vingtaine dépassée. L’autorité de son ton fait peur à tout étranger. Nous cédons à sa doléance. Ainsi, on apprendra que le reste des maisons démolies sert de lieu de partage de butin des hors la loi. «Depuis la démolition des maisons, le banditisme a pris plus d’ampleur et s’est généralisé ici», indique-t-il.

Petits métiers

«Malgré le climat d’insécurité, il faut bien manger», argue à sa suite Séraphine Abomo, une dame d’Etam-Bafia qui a pu s’accommoder au problème d’insécurité. Elle, y vit depuis des années. Comme elle, beaucoup d’autres femmes ont mis de côté la peur pour être à même de nourrir leurs progénitures. Toutes sortes de petits commerces ont alors la part belle ici. Call-box, petits restaurants, débits de boissons ou boutiques, salon de couture et autres, chacune y va de ses moyens pour arriver à se faire une place sous le soleil. Pour d’autres, bien qu’il ne s’agisse pas de nourrir leurs enfants, il faut tout faire pour gagner un peu d’argent question de joindre les deux bouts. La tombée de la nuit n’est nullement un obstacle pour elles.

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