« Malheur à ceux qui font mourir et qui vont mourir », ainsi s’exclama Monseigneur Thomas Nkuissu, aujourd’hui décédé, lors de son allocution aux obsèques de Mgr Albert Ndongmo, ancien évêque de Nkongsamba, décédé le 29 mai 1992 au Canada à l’âge de 66 ans. Le disant, il plantait malgré lui, un décor, qui aujourd’hui participe de l’esprit morbide qui semble habiter le Cameroun.

Avec les innombrables accidents mortels de la route, la cascade d’assassinats de personnalités publiques, les ténors de la classe politique, sociale et culturelle qui occupent la scène depuis des décennies et qui tirent leur révérence un a un, et maintenant la guerre à la frontière septentrionale et dans l’outre-Moungo qui se révèlent comme les plus grands pourvoyeurs de morts actuels, les camerounais ont de quoi s’occuper en matière de comptabilité macabre.

Si ce n’était que cela ! Mais la rumeur amplifiée par les réseaux sociaux, alimentée par des acteurs insoupçonnés s’ajoute avec délectation à cet esprit morbide et met en péril la fragile cohésion sociale, en s’attaquant à l’une des plus hautes institutions de la république qu’est le chef de l’Etat en personne.

Déjà,en avril 1984 durant les folles journées qui ont endeuillé le Cameroun lors du coup d’Etat manqué, les rumeurs avaient donné brièvement le président de la République pour mort. Le 9 juin 2004, à sa descente d’avion àYaoundé Nsimalen, le chef de l’Etat, répondant à une question de journaliste sur la rumeur de sa mort qui avait circulé et affolé les camerounais de tous bords, dira, un brin ironique : « le fantôme vous salue bien. Certains apparemment étaient pressés d’assister à mes funérailles. Rendez-vous dans 20 ans ! » 14 ans plus tard et 6 ans avant cet échéance, certains s’impatientent de le voir tirer sa révérence…mais combien ont déjà lâché la rampe ? En moins ou plus âgé !

Pour un commentateur, « Chacun a le sentiment que Paul Biya est en fin de règne et livre son dernier combat soit pour se maintenir au pouvoir soit pour se maintenir en vie. » Avant la fête de la jeunesse du 11 février, la rumeur avait repris du service, faisant état de la santé dégradante du président ou carrément de sa disparition. Il a fallu le discours du 10 févrierdernier et les activités diplomatiques qui ont rendu le chef de l’Etat ‘visible’, pour faire taire la rumeur. Provisoirement sans doute…

Est-ce la lassitude trentenaire d’un président de 85 ans qui cumule tout de même 35 ans au pouvoir ? « Je l’ai devant moi, lui Biya, et j’ai un fusil, je vais lui donner une balle exactement dans le front », disait avec un excès d’outrance, l’écrivain Patrice Nganang. Mais au-delà de cette ‘provocation’ qui frise le ridicule, d’aucuns pensent qu’une communication adéquate entre autres, permettrait de tordre le coup à ces rumeurs déconcertantes pour dire le moins. Mais ceci est une autre paire de manches…

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