Les manoeuvres de Ngoh Ngoh à la Conac
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Le secrétaire général de la présidence de la République s’appuie sur un décret rattachant la Commission nationale anti-corruption à ses services pour l’assujettir.

La publication du rapport annuel sur l’Etat de la lutte contre la corruption au Cameroun se déciderait désormais au secrétariat général de la présidence de la République (SG/PR): «A l’époque, la Conac (Commission nationale anti-corruption) envoyait son rapport au  président de la République en lui indiquant la date de publication.

Et le jour-J, il était rendu public. Mais aujourd’hui, le secrétaire général de la présidence de la République reçoit le rapport et donne le ok pour publication», indique une source au palais de l’Unité. Cette dernière poursuit, «tout a commencé avec le rapport 2013 où le SG/PR a exigé et obtenu que la Conac revoie sa copie provoquant même le report de la cérémonie de présentation du rapport».

On se souvient en effet que cette cérémonie initialement annoncée pour le 18 décembre 2014 avait été reportée la veille alors que tout était fin prêt : invitations acheminées aux membres du gouvernement, aux missions diplomatiques et aux médias, rapport imprimé et salle réservée. Le lendemain, le quotidien Le Jour révélait que le président de la Conac, Dieudonné Massi Gams, a été reçu à la présidence de la République quelques heures avant de publier le communiqué renvoyant l’évènement.

Le document est finalement publié le 25 novembre 2015. On y remarquait deux changements majeurs: les noms des personnes mises en causes dans les contrôles et les investigations de la Conac ne figuraient plus dans le rapport comme par le passé et le document ne faisait plus la part belle aux seules actions de la Conac. Il intégrait les actions de lutte contre la corruption de plusieurs administrations publiques et privées.

Décrets

A la Conac, dont le siège se trouve depuis quelques jours au quartier Golf à Yaoundé, on  avoue, certes à demi-mot, que la présidence de la République n’est pas étrangère à ce report. Pour ce membre du comité ad hoc, mis en place pour la rédaction du rapport 2013, le souci du SG/PR était d’avoir un rapport «équilibré» qui ne met pas seulement  l’accent sur «les dérives».

Lors de la présentation du rapport en fin d’année dernière, François Anoukaha, agrégé de droit et vice-président de la Conac justifiait le retrait des noms des mis en cause, par l’application du principe de la présomption d’innocence. Salutaire ou pas, dans l’opinion, toutes ingérences des autorités politiques dans le travail de cette institution de lutte contre la corruption sont mal perçues. Pour cet expert en droit administratif, «il s’agit là d’un contrôle et donc, d’une remise en cause de l’indépendance de la Conac consacrée dans son décret de création».

Ce texte signé le 11 mars 2011 par le président Paul Biya, indique en effet en son article 2 alinéa 1 que la Commission anticorruption «est un organisme public indépendant chargé de contribuer à la lutte contre la corruption». Pour ce qui est précisément de la publication du rapport, l’article 24 alinéa 3 précise que «la commission élabore à la haute attention du président de la République, un rapport annuel sur l’état de la lutte contre la corruption. Ce rapport est rendu public». Pas plus. Dans l’entourage de Ferdinand Ngoh Ngoh, on réplique que ce dernier est dans son bon droit.

«Le SG/PR a un droit de regard sur l’action de toutes les administrations rattachées au secrétariat général de la présidence de la République» explique l’un de ses collaborateurs. Il s’appuie notamment sur le décret du 09 décembre 2011 portant réorganisation de la présidence de la République. Ce texte dispose en son article 3, alinéa 1 que «le secrétaire général assiste le président de la République dans l’accomplissement de sa mission. A ce titre: (…) il coordonne l’action des administrations rattachées à la Présidence de la République ainsi que précisées aux articles 5 et 37 du présent décret (…)». Et parmi les administrations rattachées et listées par l’article 37 du même décret figure en 8e position, la Commission nationale anti-corruption.  

Animosité

Même si ses responsables ne veulent pas l’avouer, ce rattachement au secrétariat général de la présidence de la République gêne à la Conac. De fait, l’institution de lutte contre la corruption n’est plus seulement «placée sous lʹautorité du président de la République », comme l’indique l’article 1 alinéa 2 de son texte fondateur.

Elle est désormais en plus sous «la tutelle administrative» de Ferdinand Ngoh Ngoh en sa qualité de SG/PR. Lequel est regardé d’un oeil méfiant à la Conac depuis que l’institution a la certitude que c’est de lui qu’est parti «l’ordre verbal» de diligenter en son sein, une mission d’enquête du Contrôle supérieur de l’Etat en milieu d’année 2014. Une mission qui aurait fait long feu: «arrêté par le président de la République », se réjouit-t-on ici. Mais le coup avait déjà été réussi: dégrader l’image de l’institution et intimider son personnel.

Malgré cette adversité, la Conac dit tenir bon. Pour s’en convaincre, l’institution de lutte contre la corruption brandit ses rapports d’activité, documents pleins d’enquêtes qui renseignent sur son audace (voir encadré). Au plus haut sommet de la Conac, on plaide cependant pour un renforcement des pouvoirs de l’institution. Cela passe par la suppression de cette tutelle administrative, la mise à la disposition de l’institution des moyens conséquents, l’application de l’article 66 et surtout l’adoption d’une loi anti-corruption.

L’avant-projet y relatif élaboré depuis 2011, gît depuis dans les tiroirs. Pourtant cette loi, attendue par la majorité des Camerounais  et demandée par les chancelleries occidentales et organisations non gouvernementales de lutte contre la corruption, devrait notamment permettre à la Conac de traire devant la justice les personnes soupçonnées de corruption. Ce que ne lui autorise pas son statut actuel. Une limite qui fait souvent passer l’institution pour un chien qui aboie sans mordre. A chaque fois qu’il en a l’occasion, Dieudonné Massi Gams ne se prive pas de demander son adoption. Mais le parlement et l’exécutif qui ont l’initiative des lois au Cameroun font le sourd.

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