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© Correspondance : Marlyse SINCLAIR
- 22 Nov 2025 12:51:04
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AFRIQUE :: MISS UNIVERSE : OLIVIA YACE VUE PAR EMMANUEL KEITA :: AFRICA
Les élections Miss Universe de cette année ont laissé dans leur sillage une autre allure de couronnement controversée ; elles ont ouvert une brèche, réveillé des émotions enfouies, ravivé des questions que l’on croyait apaisées. Sous les projecteurs, au-delà des paillettes et des sourires étudiés, s’est joué quelque chose de plus profond, de plus intime, presque de plus politique. Car derrière l’élégance des candidates et l’apparente neutralité du verdict, une histoire s’est écrite, celle d’une injustice ressentie, d’une fierté blessée et d’un combat qui, malgré les années écoulées et les victoires symboliques, continue de réclamer sa pleine reconnaissance. Cette édition n’a pas seulement couronné une reine ; elle a mis en lumière un système, ses failles, ses hésitations, et ce souffle brûlant qui anime encore ceux qui refusent d’abandonner la quête d’équité et de vérité. Il y a dans cette édition de Miss Universe quelque chose qui a remué les profondeurs, quelque chose d’intime et de douloureusement familier. Quand Olivia Yacé est entrée dans l’arène, elle semblait porter sur elle non seulement une couronne possible, mais une lumière, une assise, une maturité qui n’avaient rien à envier aux grandes reines de ce monde. Elle avançait comme on avance quand tout en soi est prêt ; la tête haute, le regard franc, la présence précise, taillée pour la victoire. Et il faut être honnête ; elle méritait de gagner. Pas par sentimentalisme, pas par patriotisme, et encore moins par complaisance. Par mérite. Par évidence. Par éclat. Et pourtant, elle n’a pas gagné. Alors quelque part, dans un coin discret mais tenace du cœur, s’est réveillée la vieille question, cette fatigue séculaire qui colle à la peau des Noirs comme une ombre.

Ce doute lancinant… serons-nous jamais pleinement reconnus, pleinement reçus, pleinement célébrés sans que cela ne prête à discussion ? Oui, il y a eu du progrès. Oui, le temps a avancé, et les murs qu’on croyait infranchissables se sont fissurés. Barack Obama a ouvert une porte monumentale ; Oprah s’est installée dans tous les salons du monde ; Naomi Campbell a brisé les vitrines de la mode ; d’autres encore ont renversé l’ordre établi, redessiné le paysage culturel, donné un visage à cette excellence noire que nul ne peut plus nier. On a progressé, lentement peut-être, mais sûrement. Et puis, au beau milieu du spectacle, il y eut ce moment étrange, cette scène surgie de nulle part lorsque Miss Mexique s’est levée, a frappé la table pour marquer son désaccord. Un geste théâtral, inattendu, presque trop parfait pour n’être qu’une réaction spontanée. Celles et ceux qui connaissent les coulisses des concours ont reconnu ce langage silencieux : dans un univers où la bienséance est un rôle que toutes apprennent par cœur, celle qui ose soudain s’affirmer ainsi donne rarement un coup de tête au hasard. Le geste sentait le soulagement de celle qui n’a plus rien à perdre, comme si la route était déjà tracée loin de l’enjeu principal. Ce n’était pas du courage, non. C’était un signe, un aveu involontaire peut-être, mais un aveu tout de même ; tout était déjà joué. Alors revient cette question, la vraie, celle qui blesse et qui persiste . Faut-il encore participer à des concours que tant estiment biaisés ? Moi, je réponds oui. Parce que ce combat-là n’est pas un caprice d’ego.

Ce combat-là n’est pas un murmure du présent. Il est une offrande aux générations futures. Il est un chemin que l’on pave, une voix que l’on laisse ouverte pour celles qui viendront. On n’est plus loin du but. On n’est plus loin du camp. Mais il faut continuer d’avancer avec lucidité. Ne me parlez pas de cette Miss Universe noire à cheveux courts que certains brandissent comme argument d’équité. On connaît ce mécanisme ; l’alibi visuel. L’exemple commode. Le symbole présenté comme garantie d’impartialité. On en place une, brillante, sublime, méritante, mais souvent assignée à la fonction de caution. On équilibre la scène, oui, mais pas le système. Hier soir, lorsque le nom de la quatrième finaliste a été prononcé, j’ai vu le visage d’Olivia Yacé. Une lueur, un tressaillement, un souffle de désillusion. Ce n’était pas un effondrement, non. C’était pire. C’était la prise de conscience silencieuse de celle à qui l’on retire quelque chose qu’elle avait conquis. Non pas parce qu’elle n’était pas au niveau, ni parce qu’elle manquait de grâce ou de charisme. Mais parce qu’elle ne cochait peut-être pas les cases invisibles, celles qui définissent les préférences d’un système qui hésite encore à célébrer la peau ébène comme elle le mérite. Peut-être était-elle trop chocolat, là où l’on préférait soudain une vanille plus flatteuse pour certains imaginaires.

Dans les heures qui ont suivi, les réseaux ont grondé. Des rumeurs ont circulé. Des fans, convaincus qu’Olivia avait gagné « dans les faits », parlaient de vol, de manipulation, parfois même de malédiction, ces mots excessifs qui naissent de la frustration et de l’amour déçu. Certains évoquaient même des confidences prêtées à une ancienne Miss Universe, qui aurait affirmé que le jury entier penchait pour Olivia avant que le résultat final ne surgisse, inattendu, presque déroutant. Personne ne sait la vérité. Les certitudes s’effritent, les récits s’entremêlent, les opinions s’enflamment, mais une chose demeure claire : cette victoire est contestée par une partie du public mondial. Et au fond, c’est cela qui reste : la sensation que quelque chose n’a pas été dit, que quelque chose a glissé entre les doigts d’une jeune femme qui portait en elle les espoirs de tant d’autres. Mais c’est aussi la certitude que la route ne s’arrête pas là. Tant qu’on laissera au monde le choix entre chocolat et vanille, il faudra rester, persister, se présenter encore, non pas pour être tolérés, mais pour rappeler que la saveur chocolat n’a rien d’un second choix ; elle est, elle aussi, une saveur royale, puissante, irrésistible, et qu’elle ne demande qu’une scène équitable pour briller à sa juste mesure
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