Dans l’histoire politique récente du Cameroun, peu d’hommes auront autant marqué les esprits que le professeur Maurice Kamto. Juriste éminent, intellectuel rigoureux et homme de principes, il aura marqué  une génération d’élites qui ont su relier la science du droit à l’action politique. Tout compte fait, Kamto demeure ce grand homme qui, sans jamais accéder au pouvoir, aura profondément révolutionné la manière de penser la politique dans son pays. Durant près de sept années, presque jour pour jour, le Cameroun a été le théâtre d’une véritable éclosion de la pensée, d’une vitalité intellectuelle exceptionnelle qui a profondément marqué le paysage national.

Les médias, jour après jour, ont révélé un pays foisonnant de talents, une nation où brillent des étoiles de la connaissance  et en leur sein, Maurice Kamto s’est imposé comme l’un des esprits les plus lumineux, véritable mentor d’une génération en quête de sens et de rigueur. Il convient de lui rendre hommage, notamment pour la clarté et la profondeur de ses interventions, en particulier lorsqu’il s’est agi de débattre du mandat impératif, sujet complexe qu’il a su éclairer avec une rare maîtrise. À bien des égards, on pourrait le qualifier d’Aristote des temps modernes, tant son discours allie raison, éthique et vision. Autour de lui, d’autres figures du savoir ont également brillé, chacun apportant sa pierre à l’édifice intellectuel : le Pr Louison Essomba, Valère Bessala, Bahebeck, Owona Nguini, Élimbi Lobè, Blériot, Cabral Libii et bien d’autres encore.

Ensemble, ils ont incarné cette effervescence comparable à celle des grands penseurs des Lumières  à l’image d’un Montesquieu,  nous offrant des démonstrations aussi brillantes qu’inspirantes, qui ont nourri l’imaginaire collectif et redonné ses lettres de noblesse au débat public. L’histoire, quant à elle, poursuit sa marche. Et les traces laissées par ces esprits éclairés continueront d’illuminer les consciences, bien au-delà de leur époque. L’épisode de 2018, qui restera gravé dans la mémoire des juristes et des observateurs de la vie politique, l’a propulsé au centre du débat national.

Ce scrutin, certes contesté, a produit une jurisprudence historique qui porte son nom  un arrêt de principe désormais étudié dans les facultés de droit, notamment en droit constitutionnel et en droit public. Pour les profanes, cela peut sembler anodin. Mais pour les juristes, il s’agit d’une pierre angulaire : Kamto a déplacé la politique camerounaise du terrain de la violence vers celui du droit, dans un pays où le droit a longtemps été soumis au bon vouloir du pouvoir. Il est évident que le professeur Kamto n’est pas seulement un esprit brillant. Il est également un homme de courage, capable de défier l’ordre établi avec dignité, dans un contexte politique dominé par des institutions bourrasques, taillées sur mesure pour protéger les intérêts du pouvoir en place.

S’il s’était présenté 50 ans plus tard, dans une démocratie consolidée, son destin aurait sans doute été tout autre. Mais il a eu l’audace de se lever à contre-courant, dans un environnement où la culture politique sacralise le statu quo. Toutefois, même les plus grands esprits ne sont pas exempts d’erreurs. L’homme de droit n’est pas toujours l’homme politique, et l’intelligence seule ne suffit pas à conquérir le pouvoir. La politique exige autre chose : de l’humilité, de l’écoute, de la patience et une lecture fine de l’histoire nationale. L’alliance avec des partis aux extrêmes idéologiques, tels que le MANIDEM, a pu sembler maladroite, trahissant parfois une forme de précipitation stratégique. En politique, comme en droit, il faut parfois savoir attendre que le moment soit juste. Malgré tout, Kamto n’a jamais sombré dans la compromission.

Il n’a pas cédé aux sirènes de la politique spectacle ni à celles de la politique alimentaire. Sa démarche, bien qu’imparfaite, demeure empreinte de rigueur et de convictions. Il est de ces rares hommes pour qui la politique n’est pas une carrière, mais un combat d’idées, un engagement pour une certaine vision du Cameroun. Le temps finira par faire son œuvre. Et dans ce temps long, Kamto restera une figure de référence, un jalon essentiel dans l’histoire politique et intellectuelle du Cameroun. Son nom est déjà inscrit dans les livres de droit ; demain, il s’inscrira peut-être dans ceux de l’histoire politique, non pas seulement pour ce qu’il a été, mais pour ce qu’il a tenté de bâtir : un Cameroun où la dignité, la justice et la vérité auraient enfin droit de cité.

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