PREDICATION DU DIMANCHE 30 JANVIER 2022 PAR LE REV. DR JOËL HERVE BOUDJA
FRANCE :: RéLIGION

FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 30 JANVIER 2022 PAR LE REV. DR JOËL HERVE BOUDJA

Textes : Jérémie 1,4-19 ; 1Corinthiens 12, 31-13,13 ; Luc 4,21-30

Dans la synagogue de Nazareth, après la lecture du livre d'Esaïe, Jésus déclara :

« Cette parole de l'Ecriture que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit ».

Tous lui rendaient témoignage et ils s'étonnaient du message de grâce qui sortait de sa bouche. Ils se demandaient : « N'est-ce pas là le fils de Joseph ? »

Jésus aurait fait une exégèse détaillée de ce passage biblique ou bien il aurait répété, à la suite de tous les prédicateurs, qu'il fallait tenir bon et croire qu'un jour Dieu réaliserait ses promesses de bonheur pour Israël, que tous l'auraient félicité pour son savoir, son éloquence et son espérance. Mais prétendre, comme il le fait, qu'il a été « oint par le Seigneur Dieu » et qu'il est ce personnage qui va accomplir aujourd'hui, c.à.d. tout de suite, ce programme de libération des pauvres, cela paraît totalement incroyable. « De quoi se mêle ce fils de Joseph ? »

Jésus leur dit : «  Sûrement vous allez me citer le dicton : « Médecin guéris-toi toi-même ».

Nous avons appris tout ce qui s'est passé à Capharnaüm : fais donc de même ici dans ton pays »

Après son baptême, Jésus a dû remonter de Judée par la vallée du Jourdain et, passant d'abord par Capharnaüm au bord du lac de Galilée, il a dû effectuer des guérisons dont l'écho est déjà parvenu dans son village. Aussi Jésus devine-t-il la demande de son auditoire : avant d'entreprendre ton œuvre de libération, refais chez nous ces guérisons que, paraît-il, tu as accomplies à Capharnaüm (Et que, très curieusement, Luc ne rapportera qu'ensuite !)

Jésus poursuit : «  Amen je vous le dis : aucun prophète n'est bien reçu dans son pays ».

Et afin d'expliquer ce dicton, il prend deux exemples tirés des Ecritures où l'on voit que des prophètes juifs, pas toujours appréciés par leurs compatriotes, ont opéré des guérisons chez des païens ennemis !

Alors que le pays souffrait d'une longue et dure famine par manque de pluies, le prophète Elie fut envoyé par Dieu non chez des compatriotes mais chez une veuve du village de Sarepta, précisément en pays de Phénicie d'où était originaire la princesse Jézabel, païenne et ennemie jurée du prophète. Et là une pauvre femme accepta de partager ses dernières provisions avec le prophète. Plein de gratitude, celui-ci lui assura la nourriture pour la suite de ses jours et même il rendit la vie à son fils qui venait de mourir (1er Livre des Rois 17, 8 à 24).

Quant à Elisée, successeur d'Elie, il guérit de sa lèpre le général syrien Naaman qui lui faisait confiance et qui alla se plonger dans le Jourdain, alors même qu'il dirigeait l'armée qui venait d'écraser les troupes israélites (2éme livre des Rois chap. 5).

Ainsi donc, conclut Jésus, ces païens ont montré leur charité et leur foi. Et de grands prophètes juifs, au lieu de s'enfermer dans leur nationalisme, ont accepté de les rencontrer et de les combler de bienfaits.

A ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville et le menèrent jusqu'à un escarpement de la colline où la ville est construite pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d'eux, allait son chemin.

En quelques minutes, le climat de la synagogue a viré du tout au tout. L'auditoire avait d'abord admiré les belles paroles de Jésus. Puis il s'était braqué lorsque le fils de Joseph, le charpentier, affirmait être le Messie qui allait tout de suite accomplir ce que les Ecritures annonçaient.

Le scepticisme augmentait lorsqu'il refusait d'accomplir sur le champ un miracle pour prouver ses dires. Et le refus tournait à la furie lorsque Jésus semblait insinuer que des païens étaient plus ouverts à la Révélation divine qu'eux, bons Israélites pratiquants.

C'en était trop : on doit supprimer cet imposteur. La rage tourne au meurtre. Mais Jésus leur échappe et poursuit ailleurs sa mission.

On comprend pourquoi Luc a attribué tant d'importance à cette scène originelle de l'Evangile : elle est exemplaire de ce qui va se produire. Jésus va en effet se heurter à ses compatriotes qui, en majorité, ne l'accepteront pas. « Nul n'est prophète dans son pays » dit-il et « pays » désigne non seulement son village et sa province mais sa nation entière ! Ils iront même jusqu'à le mettre à mort. Non en le « jetant en bas » mais en « l'élevant » sur une croix. Mais Jésus « passera » la mort et, par ses disciples, rejoindra les peuples païens où beaucoup lui feront confiance et croiront en lui.

Frères et Sœurs dans le Seigneur,

" Nul n'est prophète en son pays. Qu'en pensez-vous ? " Voilà un bon point de départ pour une dissertation dans le cadre du cours de français. Il s'agirait alors de dire qu'il est parfois difficile d'être entendu par des gens qui nous connaissent bien. Lorsque j'ai annoncé ma décision de devenir pasteur, certains proches n'ont pas reçu cela comme une bonne nouvelle : " Un beau grand garçon comme cela qui veut servir Dieu", " un jeune homme intelligent comme toi ", et j'en passe. A l'inverse, j'ai été entendu et encouragé par d'autres qui disaient par exemple : " Toi, au moins, tu as trouvé ta voie ". J'avais exprimé mes convictions et elles ont été diversement appréciées. Il est difficile d'être prophète dans son pays. Est-ce pour autant impossible ?

D'abord, qu'est-ce qu'être un prophète ? Nous avons en tête Jean le Baptiste, avec sa tunique en poil de chameau, critiquant les bien-pensants de son temps. Nous pouvons penser aussi à des grandes figures de l’Eglise. Ce sont des prophètes qui disent que Dieu est proche des pauvres. Jésus lui-même était un prophète.

Dans la Bible, le prophète est quelqu'un qui est choisi par Dieu pour annoncer un message aux hommes. Le message est souvent une invitation pressante à changer notre cœur, à remplacer notre cœur de pierre par un cœur de chair. Jésus est lui aussi dans cette ligne. Il est porteur d'une bonne nouvelle, à savoir que Dieu est avec nous pour nous délivrer de nos esclavages et avoir un cœur sensible. A Nazareth, ville où il a grandi, Jésus annonce cette nouvelle libératrice. Dieu est ami de l'homme, de tout homme et de toute femme, quel que soit sa nationalité, sa religion, sa condition sociale.

Malheureusement pour lui, les gens qui l'écoutent se mettent en colère. C'est le fils de Joseph, comme on dirait le fils du voisin, qui leur parle au nom de Dieu. Non seulement il se prend pour un prophète mais en plus il raconte que Dieu est là pour tous les peuples et pas seulement pour les juifs. Devant la communauté juive incrédule, Jésus rappelle que Dieu est mieux accueilli par les étrangers, les veuves et les lépreux. En disant tout cela, Jésus exprime ses convictions les plus profondes. Il dit ce qu'il pense et tant pis si cela se gâte. Jésus ose annoncer le message d'amour universel de Dieu. Dieu n'a pas de chouchou. Mais certaines personnes sont plus ouvertes, plus réceptives que d'autres. Chacun reste libre d'accueillir ou non le message.

Nous aussi nous sommes appelés à devenir prophète. Quel genre de prophète ? Je pense que nous pouvons, dans les petites choses de la vie, laisser transparaître nos convictions les plus intimes. Ainsi, mes paroles et mes gestes témoigneront que le Dieu auquel je me fie est Celui qui me fait aimer encore plus, espérer encore plus, croire en moi et en l'autre encore plus. Autrement dit, Dieu apporte de l'intensité dans notre vie et nos relations. Cela ne veut pas dire que tout devient facile. La vie demeure un combat journalier. Mais au fond, ne savons-nous pas quelque part que Dieu a vaincu les obstacles ?

Parfois, il arrive qu'on exprime explicitement ses croyances. Je dis alors à un groupe d'amis que je vais au culte à la paroisse de l’Ascension. Je dis à un collègue que je refuse telle attitude car je suis chrétien. Tout peut alors basculer : regards d'incompréhension, voire de colère, mais aussi interpellation et émerveillement devant quelqu'un qui croit en quelque chose de fort. Il est souvent difficile de prévoir les réactions et on préfère parfois rester le plus discret possible.

Finalement, nous pouvons être des prophètes en posant des actes sans nécessairement faire de grands discours. Tout le monde n'est pas l'Abbé Pierre. Mais j'ai aussi besoin de dire mon identité de croyant, de parler explicitement du Dieu qui me fait vivre. Et vous ? Que là où nous sommes, Dieu nous aide à vivre de nos convictions et à prophétiser son amour. Amen.

 
 

Lire aussi dans la rubrique RéLIGION

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo

L'actualité en vidéo