EDUCATION : LE VILLAGE GUERVOUM ET SON ECOLE AU MUR DE VENT
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L’école de Guervoum se meurt à petit feu, non seulement sous le poids du manque d’infrastructures et de personnel qualifié, mais aussi à cause de pratiques locales qui détournent peu à peu la mission éducative du cœur de notre village. On nous raconte un scénario devenu trop familier : un fonctionnaire affecté pour servir la communauté découvre, par la grâce et la tentation de l’argent facile, d’autres horizons ;  un lopin de terre enrôné comme source de revenus, un logement de fonction transformé en commerce, des bancs d’école réquisitionnés pour un usage privé.

On rapporte aussi des rumeurs plus graves, touchant aux vies privées et à la réputation des familles ; or, si la parole publique a sa place, elle doit s’appuyer sur des faits vérifiés. Avant toute condamnation, il est indispensable d’enquêter et de distinguer ce qui relève d’une maladresse gestionnaire, d’un conflit d’intérêts, ou d’une diffamation malveillante. Ignorer cette nuance, c’est risquer d’ajouter à la désorganisation une injustice contre des habitants déjà fragilisés. Mais revenons à l’école.  Cette  école de Guervoum fut autrefois un lieu  où l’on venait apprendre, mais qui parfois devenait  la maisonnée du maître à cause de la proximité. L’édifice, minuscule et fatigué, ressemble aujourd’hui à une salle étirée, aux murs trop étroits pour contenir l’espérance des enfants.

 

Faute d’infrastructures, les élèves s’y entassent dans une attente muette, leurs yeux perdus entre l’ardoise et l’horizon, comme si l’école n’était plus qu’un abri de fortune pour leurs rêves suspendus. Pourtant, ce qui devrait être un sanctuaire de savoir s’est transformé en une scène déroutante. Tandis que les enfants désœuvrés fixent le tableau, ils aperçoivent aussi, presque dans le même regard, le maître d’école, un verre de vin de palme à la main, buvant à bouche que veux-tu. L’image est cruelle, mais elle est le miroir d’une désillusion plus vaste : celle d’un système éducatif abandonné à lui-même, où la résignation remplace la vocation et où l’ivresse devient un refuge face au désespoir.

Et puisque l’ironie, parfois, est la seule arme qui reste, osons poser la question. Est-ce cela, l’école que nous voulons pour nos enfants ? Une école-taverne, où l’élève apprend la patience en attendant que son maître finisse sa gorgée, et où le tableau noir devient le décor d’une comédie tragique jouée aux frais de la République ? Si tel est le modèle, alors pourquoi se contenter d’un simple logement de fonction ? Qu’on érige plutôt des bars scolaires, avec comptoir et chaises hautes, afin que l’éducation et la distraction boivent ensemble à la même calebasse ! Peut-être alors les pouvoirs publics, piqués au vif par cette caricature devenue réalité, comprendront-ils l’urgence de redonner à Guervoum une école digne de son nom. Sous ce toit de chaume, où les murs en nattes tremblent au passage du vent, se joue chaque jour une scène qui ressemble davantage à une fable qu’à une école.

 

Les enfants, serrés sur des bancs de fortune, partagent l’espoir comme on partage un morceau de pain trop rare. Leurs regards brillent d’une lueur que ni la poussière rouge ni la pauvreté des lieux ne peuvent ternir. Ici, la dignité se dresse contre la misère, et la soif d’apprendre devient plus forte que le manque d’infrastructures. Mais l’ironie est retentissante ;  à l’heure où d’autres enfants ouvrent leurs cahiers dans des salles carrelées et ventilées, ceux de Guervoum apprennent leurs leçons dans une salle ouverte aux quatre vents, observant leur maître lutter contre les mêmes conditions qu’eux. Faut-il donc ériger ces cabanes de fortune en modèle national ? Peut-être faudrait-il en faire des « écoles patrimoniales », classées monuments vivants de la débrouille, afin que les visiteurs officiels puissent venir applaudir le génie de nos enfants à apprendre malgré tout.

Et quand les pouvoirs publics viendront couper les rubans pour inaugurer une école neuve, qu’ils se rappellent que c’est l’ironie de ce contraste, entre l’abandon d’aujourd’hui et les promesses de demain, qui les y aura contraints. Pourtant, au-delà des anecdotes et des ressentiments, la responsabilité est collective. L’État demeure garante du personnel et des normes ; l’Inspection de l’éducation de base assure le suivi administratif et pédagogique ; la mairie la plus proche  doit soutenir matériellement ; le directeur dirige au quotidien. Lorsque l’un de ces maillons flanche  par abandon, par cupidité ou par laxisme,  c’est tout le système qui vacille. À Guervoum, les effets sont concrets  ; des enfants envoyés étudier ailleurs, des salles paupérisées, une confiance rompue entre la population et les autorités. Ce constat n’appelle ni délation ni acharnement, mais une réponse structurée, rapide et transparente.

 

La première étape doit être un diagnostic officiel : visite sur place conduite par l’Inspection, rapport circonstancié. Si  des négligences sont établis, des sanctions administratives, tout en prévoyant des mesures de transition pour que l’école continue de fonctionner. Parallèlement, la municipalité et la communauté locale doivent se mobiliser pour réhabiliter l’école. Inscrire des actions prioritaires dans le plan de développement local, réfection des classes, construction d’un logement de fonction digne, fourniture de mobilier scolaire est indispensable.

La création ou le renforcement d’un comité de gestion scolaire, composé de parents, d’enseignants, de représentants de la commune et d’un membre de l’inspection, permettra une vigilance citoyenne sur l’usage des ressources et l’organisation des enseignements. Il faut également envisager le classement de Guervoum en Zone d’Éducation Prioritaire (ZEP) : cette reconnaissance ouvrirait la porte à des appuis techniques et financiers de partenaires tels que l’UNICEF, ONG éducatives et bailleurs bilatéraux, et faciliterait le recrutement d’enseignants motivés par des contreparties incitatives. ( ce sont les commentaires sur l’affaire) L’éducation ne se construit pas uniquement par des décisions d’en haut ; elle exige un regain d’engagement au niveau local.

 

Sensibiliser les familles sur l’intérêt supérieur de l’enfant, encourager la scolarisation régulière, et valoriser le personnel enseignant par la formation continue sont des piliers indispensables. Si certains actes relèvent de la responsabilité individuelle,  vendre des terres, céder aux tentations pécuniaires ou transformer un logement en commerce, la communauté qui a permis ces dérives porte aussi une part de responsabilité,  par l’indulgence, par le silence ou par la tentation d’un gain immédiat au détriment du bien commun. Reconnaître cette part, sans se draper dans l’accusation mutuelle, ouvre la voie à la réparation. Enfin, pour retrouver de la dignité et de l’efficacité, il faut restaurer la transparence.

Les décisions concernant les enseignants, les affectations, l’octroi d’appuis et la gestion des ressources doivent désormais être consignées et rendues publiques auprès du conseil municipal et du comité de gestion scolaire. Les mécanismes de contrôle, rapports réguliers de l’inspection, commissions locales de suivi, audits externes ponctuels,  doivent devenir la règle et non l’exception. C’est par la conjugaison d’une communauté  réactive, d’une mairie engagée, d’une inspection vigilante et d’une communauté mobilisée que l’école de Guervoum pourra sortir de l’ornière. L’avenir de nos enfants ne peut pas reposer sur des prétextes et des rumeurs ;  il exige des actes clairs, concertés et durables.

 

Confrontés à la tentation individuelle, choisissons l’intérêt collectif ; face à l’inaction, imposons la responsabilité ; devant la désillusion, cultivons l’espérance éducative. Mais on se demandera toujours s’il  faut vraiment pleurer une journée entière sur cette école de fortune, quand on se souvient que ce même village a donné au monde tant d’élites brillantes, éparpillées aux quatre coins de la planète ?

Ce serait presque une injustice de verser des larmes aussi : mieux vaut sourire avec tendresse devant cette ironie du destin, où la pauvreté des murs contraste avec la richesse des esprits qu’ils ont déjà portés. Après tout, si ces bancs tordus et ce toit de chaume ont pu donner naissance à des hommes et des femmes qui font rayonner Guervoum bien au-delà de ses collines, alors peut-être qu’il n’est pas nécessaire de s’y attarder dans la plainte… mais plutôt d’y voir une promesse, celle de revoir le village où les pères, les mères, ces corps oubliés et repiétiner  aussi là où leur pas tenaient  dur dans les champs pour la chasse et pour la pèche, les récoltes et tant de choses  pour qu’ils soient ce qu’ils sont.

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