Astou Camara: «Je suis devenue lesbienne à cause du milieu sportif»
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Condamnée à 3 mois ferme pour acte contre-nature, Astou Camara qui souffre atrocement de cette situation, veut un accompagnement social pour se remettre sur le droit chemin. Au creux de la vague, elle dit tout sur sa vie cachée de lesbienne qu’elle veut quitter pour fonder un foyer.

Présentez-vous ?

Je m’appelle Astou Camara. Je suis née en 1990 à Thiès au quartier Takhikao. J’étais joueuse de basket à l’Us Rail. J’ai aussi joué à Dakar avant de partir au Maroc. J’ai été condamnée à 3 mois ferme pour acte contre-nature. Aujourd’hui, je me sens très à l’étroit à Thiès où je vis difficilement. J’ai des problèmes avec ma famille qui m’a rejetée comme un moins-que-rien. J’ai l’impression que je suis toujours en prison. Les gens portent sur moi un regard de mépris. Je n’ose plus sortir. Je ne peux plus aller en boîte ni aller voir mes parents. Je ne me sens pas bien dans ma peau. Je peux dire que je n’ai pas de père. D’ailleurs, je n’ai jamais senti l’amour de mon père. Il ne s’est jamais occupé de moi. Il est en vie et m’entend.

Pourquoi dites-vous cela ?

Ma famille m’a rejetée. Il n’y a pas un seul membre de ma famille qui me porte dans son cœur. Et je peux dire que c’est depuis mon enfance. Mes démêlées avec la justice sont venues aggraver les choses. J’ai toujours souffert dans ma vie. Si je suis devenue lesbienne, c’est parce que je n’ai pas eu l’encadrement nécessaire. J’ai été laissée à moi-même par mon père. Mon père a failli à sa mission pour n’avoir pas été à mes côtés pour m’inculquer une bonne éducation. Dans ma vie, il n’y avait que ma grand-mère maternelle qui prenait soin de moi. Personne n’a jamais été là pour moi. Je me suis toujours débrouillée pour m’en sortir toute seule.

Qu’est-ce qui a été à l’origine de ton emprisonnement ?

J’ai eu des problèmes avec une femme (M.D. Sow, domiciliée à Dakar). Elle a détruit ma vie. Je l’ai connue, il y a 3 ans. J’étais au Maroc, elle à Dakar. On s’est connue sur Facebook. On échangeait beaucoup. Quand je suis revenue au Sénégal, on a engagé une relation amoureuse. Elle faisait tout pour moi. Je ne dirais pas qu’elle était riche mais elle m’offrait tout ce que je voulais. Elle s’est substituée à mes parents qui n’ont jamais rien fait pour moi. Mais cette dame a fini par me menacer en me disant que, si je la quittais, elle allait dire à mon père que je suis lesbienne. Notre relation a duré 2 ans. Un beau jour, elle m’a accusée d’avoir volé ses 45 000 F Cfa et ses 3 chaînes en or. Ce qui est faux. Elle a été frustrée parce que je l’ai battue, après avoir cassé son téléphone et l’avoir renvoyée de ma maison. Elle et moi connaissons le mobile véritable de notre différend. Elle a regretté son geste. Je ne pourrais jamais lui pardonner ce procès. Ce jour de la brouille, elle était venue de Dakar pour faire la fête avec moi. Elle avait dépensé plus de 50 000 F Cfa au Palais des arts. Un problème de sexe ne pouvait donc pas nous opposer. C’est autre chose que ni elle ni moi ne pouvons dévoiler devant un juge. Je n’avais jamais imaginé qu’elle m’enverrait en prison, après tout ce qu’on a vécu ensemble. La prison, c’était mon destin. Si Dieu me demandait de choisir ma vie, je ne serais pas lesbienne. Je n’avais jamais pensé faire la prison dans ma vie.

A quel moment êtes-vous devenue lesbienne ?

Je ne sais pas exactement. Mais cela date de très longtemps. C’était bien avant que je ne parte au Maroc. J’avais arrêté les études. Et j’étais joueuse de Basket à l’Us Rail. Je suis devenue lesbienne en fréquentant le milieu sportif.

Comment cela est arrivé ?

Je ressemblais à un homme quand je mettais mon équipement. J’avais un physique d’athlète. Quand je sortais, les filles me draguaient. Elles me demandaient mon numéro de téléphone que je leur donnais insouciamment, sans arrières pensées. La première fois qu’une fille m’a dit qu’elle m’aimait, j’ai dit à une cousine qui m’accompagnait que celle-là était folle. J’étais choquée. Je me suis demandée comment une fille peut tomber amoureuse d’une autre fille ? Elle m’a fait comprendre que ce sont des choses courantes. Les filles m’offraient beaucoup de cadeaux. Des choses qu’aucun membre de ma famille n’a jamais fait pour moi. La tentation était donc grande.

Comment votre mère a vécu cette histoire ?

Dans la douleur. Elle est choquée parce qu’elle n’a jamais cru que j’étais dans ce milieu. Elle a honte de sa fille. Elle vit dans les liens du mariage avec un autre homme au quartier Diakhao. Je sais que si les membres de ma famille s’étaient mobilisés pour moi, je serais la meilleure fille du monde. Ils ne m’ont jamais conseillée pour être meilleure. Dans cette famille, c’est chacun pour soi. Chacun s’occupe de ses enfants. Les autres ne comptent pas. Quand ma grand-mère a dit à une de mes tantes que j’étais une excellente basketteuse et qu’elle devait m’inviter en France, elle a dit que c’était devenu difficile de sortir du pays. Personne ne m’a jamais aidée dans la vie. Mon père ne me parle plus. D’ailleurs, cela a toujours été ainsi. On a toujours eu des rapports heurtés. Il est ainsi avec tous ses enfants. Certains pères font du tort à leurs enfants. Comme certains enfants font aussi du tort à leurs parents. Moi, je suis une victime. Et j’aurai préféré mourir à la naissance que d’avoir un tel père. J’ai souffert de ce vide. C’est pourquoi je n’ai pas résisté aux provocations de ces lesbiennes qui faisaient tout pour moi. Ce qui a fait que je suis devenue une lesbienne. J’ai été abandonnée à mon propre sort et livrée à moi-même. (Elle se tait). Bon nombre d’homosexuels et de lesbiennes sont des révoltés qui ont vécu l’enfer au sein de leurs familles. On ne s’est pas occupé d’eux. D’autres les ont récupérés et couvés dans leur giron. Cette femme a tout fait pour moi.

Quelle est votre différence d’âge ?

Je ne sais pas. Mais elle est plus âgée que moi.

Est-ce que vous êtes en contact ?

Je n’ai vraiment pas besoin d’être en contact avec une femme qui m’a envoyée en prison. Je préfère mourir que de la voir.

Avez-vous cessé d’avoir des actes contre-nature ?

Je n’en parlerai pas parce que c’est ma vie privée. Même il est vrai que j’ai été emprisonnée pour acte contre-nature.

Quelle est l’ampleur du phénomène des homosexuels et des lesbiennes au Sénégal ?

Je ne dévoilerai rien. Les gens font ce qu’ils sentent. Je sais que si on sortait les homosexuels et les lesbiennes de ce pays, il ne resterait rien de la population. C’est un milieu où les gens recrutent et ils sont capables d’acheter votre dignité pour leur plaisir. J’ai fait des choses répréhensibles que je n’ai jamais penser faire dans mon existence. Je veux travailler et gagner dignement ma vie afin d’aider ma mère.

Et si un homme vous propose de l’épouser ?

Pour le moment, je ne suis pas prête pour le mariage. Quand bien même, je prie pour avoir un époux et des enfants.

Avez-vous eu une fois un homme comme amant ?

Quand les hommes me voient, ils tombent des nues. Je suis belle et séduisante. Mais ils ne me disent rien pour le moment. Je suis dans le creux de la vague. Et les hommes ne donnent pas leur argent gratuitement. J’attends de voir un homme sérieux prêt pour le mariage.

Quelle position aviez-vous dans vos rapports ? Celle de l’homme ou de la femme ?

(Elle rit). Je ne vais pas entrer dans ce débat.

Comment supportez-vous les critiques et la pression ?

J’ai plutôt envie de mourir. Je rase les murs. Si la religion autorisait le suicide, je me serais tuée depuis longtemps. Je traverse le désert en ce moment. Mes proches savent que je souffre (silence).

Est-ce que ce n’est pas parce que vous avez souillé le nom de vos grands-parents connus comme de respectables Thiessois ?

Ces gens-là sont des «Samba Alar». Ils préfèrent aider les autres que les propres membres de leur famille. Ce sont des gens aisés, adeptes du voyeurisme. Je parle aussi bien des membres de la famille de ma mère et que celle de mon père. J’ai toujours été droite dans mes bottes durant mon enfance. J’allais à l’école et aux entrainements. Au retour, je restais auprès de ma grand-mère. On m’indexe alors qu’il y a des gens pires que moi dans la famille. Il y a des gens riches dans ma famille. Mais ils sont mauvais. Ils n’aident pas les membres de la famille.

OUSSEYNOU MASSERIGNE GUEYE

IGFM

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