Confessions d’un vampire : Avant j’étais blogueur, maintenant je suce le sang
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J’ai observé avec attention les derniers événements survenus dans le Royaume des crevettes. En effet, depuis l’accident ferroviaire d’Eséka, conclusion tragique de ce qu’on appelle désormais le Black Friday, les vizirs du Royaume, aidés de quelques tchindas ont eu tôt fait d’organiser une chasse aux sorcières. Le but est-il de détourner l’attention des responsables de la gestion de crise bancale de cette triste journée? Wait and see.

Les chasseurs de sorcières ne manquant jamais de proie, quelques Grands Inquisiteurs ont désigné un coupable tout fait: les blogueurs. Cette « engeance numérique », aidée par ses complices des réseaux sociaux aurait fomenté un complot passant par une désinformation de masse dans le but de… de… On ne sait pas encore, mais tous les réquisitoires assurent que si on les laisse faire, ces « vampires » mettront le Cameroun « à feu et à sang ».

Mes frères, quand j’ai lu ces élucubrations dignes d’un roman de science-fiction mal ficelé, j’ai ri. Chez nous au Royaume des crevettes, quand on voit l’opposition et le gouvernement unis, c’est que le gombo a huilé leur relation. Quand on voit les médias à capitaux publics et ceux privés d’accord, c’est que le mbol a coulé et est venu niveler les esprits. Donc…

Comme ça, les blogueurs représentent une force désormais capable de mettre le Cameroun à feu et à sang. Eh! Ah! Quels blogueurs? Personnellement, je suis via mon outil de veille 148 blogs estampillés « Cameroun ». J’ai vu peu, mais alors très peu de publications à chaud sur cette actualité. Ce qu’il faut expliquer aux Torquemada improvisés de cette cabale stupide, c’est qu’un blog est d’abord une vitrine derrière laquelle s’expose le savoir-faire d’un individu ou ses idées concernant des domaines précis de la vie sociale. Pour d’autres, c’est simplement le miroir narcissique à travers lequel on raconte sa vie à qui veut bien la découvrir.

Mais le blog chez nous est surtout le reflet de l’humeur de celui qui le tient car, même quand on tient un blog sur les cheveux, il arrive qu’un jour on craque parce qu’il n’y a pas d’eau dans le robinet pour laver ces cheveux. Le blogueur est un humain et non une ligne éditoriale et il revendique cette subjectivité et ce regard à la première personne. Le Cameroun est plein de ces soucis quotidiens qui détournent les gens de l’accomplissement de soi via les idées ou la création; des soucis basiques et prosaïques que l’esprit perd un temps précieux à résoudre. Beaucoup réagissent en se fendant d’un coup de gueule. D’une analyse pimentée et poivrée, d’une dénonciation au vitriol. Ils ne se prennent pas pour des journalistes, ils essayent d’être des témoins actifs de leur histoire, de vivre un passif à l’actif en se donnant l’illusion d’avoir fait quelque chose pour que ça change. Sortir de l’analphabétisme de second degré de ceux qui ont appris à lire mais ne lisent pas, qui ont appris à écrire, mais n’écrivent ni ne pensent. Non, M. Xavier Messe, tout le monde n’aspire pas à être journaliste, d’ailleurs certains blogueurs le sont déjà. On a beau dormir dans le même lit, on fait des rêves différents.

Je veux demeurer lucide: Les blogs camerounais existent, mais peu sont vraiment suivis, la majorité parle de progrès social par l’auto-réalisation, la plupart sont des blogs-fantômes, car leurs propriétaires n’ont pas trouvé l’argent dans l’affaire là. Le processus cognitif qui mènera la réflexion produite par certains, à l’état de pensée impactant est long et ô combien aléatoire. Oui c’est ma conclusion assumée: vous nous donnez une importance que nous n’avons pas [encore].

Ce qui dérange vraiment les ndjim tétés du pays et que leurs satrapes des médias n’ont su traduire, c’est l’hydre appelée réseaux sociaux.

A leur arrivée c’était l’affaire des jeunes, de cette génération Y, génération du Renouveau que personne ne prend au sérieux. Avant, L’information, fabriquée ou pas, était maîtrisée via les tours de Mballa 2. La libéralisation de la communication sociale devait être le gage de la liberté d’expression, mais à force d’être abusée et livrée à des viols successifs, une certaine presse a fait de cette dernière une libertine accomplie. Le quatrième pouvoir a disparu pour laisser la place à un aboiement qui n’a jamais ralenti la caravane.

Cette faillite d’une presse gombotisée, aux informations insaisissables car vautrée dans le gombo glissant, a entraîné la chute de son pouvoir. L’info a la couleur de celui qu’elle sert. les grands titres ont la couleur de l’encre fabriquée avec le CFA de celui qui les commande. Le nombre de lignes d’un article est proportionnel au nombre de zéro du per diem versé au journaliste en couverture.

La mission informative est restée, mais le camerounais a appris à se contenter de la une, le développement se fait au quartier, subjectivement, chacun comble les trous comme il peut/veut. Pas de distanciation, pas d’analyse, pas de critique.

La presse camerounaise a vécu l’une de ses heures les plus sombres en 2006 avec la publication, par certains titres, de listes de supposés homosexuels de la République. Qu’est ce qui est aberrant? La naissance du journalisme de caniveau ou l’abrutissement de cette population qui s’est jetée sur les exemplaires dont certaines photocopies se vendaient à quatre fois le prix initial?

C’est dans ce contexte que les réseaux sociaux ont débarqué.

Ces hommes de médias, lestes à la vindicte aujourd’hui, assis sur leurs acquis n’ont pas anticipé. Et c’est de ce manquement que découle cette virulence vis à vis de ces réseaux sociaux et autres nouveaux médias dont beaucoup ne maîtrisent ni le fonctionnement, ni les mécanismes et sur lesquels des illustres inconnus deviennent des stars de la prise de parole, même quand ils prêchent dans un désert de convictions.

Les notables qui dirigent depuis trop longtemps les Institutions de ce pays n’ont pas compris que les réseaux sociaux n’étaient pas un monde parallèle. Ils n’ont pas percuté que ce sont les mêmes camerounais, ceux qu’on croise au marché, dans les ministères, dans les bureaux, que ce sont ces mêmes camerounais qui sont sur les médias sociaux. Ceux qui vous y réveillent avec les blagues à toto et des chaînes de prière pour avoir de la réussite, sont les même qui dans la vie vous pompent les oreilles de blagues graveleuses et qui vont dormir dans les églises de Réveil où seul le pasteur a les yeux et le porte-monnaie ouverts.

Tant que l’usage de ces réseaux consistait à s’envoyer des « amen » à n’en plus finir, à placer le kongossa sur Eto’o, le Parti Communiste Sexuel et les vendeuses de piment, ça ne gênait personne. Mais, ces mêmes réseaux entraînent des kongossa qui mettent à mal des personnes, ces réseaux donnent la parole à des partis politiques qui n’ont plus la contrainte de temps de Expression Directe sur la chaîne nationale. Ces réseaux donnent la parole à une diaspora énervée, déchue de sa nationalité pour avoir rêvé d’un ailleurs, du moins, dans les analyses, ces réseaux partagent des documents, preuve de mangement, censés rester confidentiels…

Le spectre de la prise de parole s’est élargi et a dépassé le cercle des amis du dimanche qui prennent en otage les écrans et les esprits chaque week-end, en donnant au monde l’illusion d’une pluralité démocratique dont ont sait qu’elle est savamment mise en scène.

Ces réseaux ont touché les réseaux de l’inertie et à défaut de les mettre en branle, les mettent à nu.

Ce fut le cas pour l’accident du train 152 de Camrail. La « désinformation », en amont, au sujet d’un accident n’a pas eu d’incidence sur le cours des événements, les photos « truquées » n’ont pas poussé le train hors des rails. Même si je dénonce avec force ces comportements, je suis obligé d’avouer que les réseaux sociaux ne sont que l’accélérateur d’un problème de fond plus grave: en l’absence de source d’informations crédibles, le kongossa et le fantasme, fussent-ils morbides sont devenus la norme. Cela se faisait avant dans les bars. Le procédé a d’ailleurs été catalogué sous l’appellation générique de « divers du bar ». Les camerounais savent que beaucoup de divers du bar se sont souvent retrouvés en une des journaux dits sérieux.

Ma question: Où était donc l’information en ce « Black friday »? Pendant que la « désinformation » arpentait les autoroutes des réseaux sociaux, les responsables, dans leur vieille logique de se faire dérouler le tapis rouge de la radio nationale perdaient du temps et se faisaient dépasser. La situation de crise concernait pourtant les deux capitales du pays, les moins défavorisées, les plus connectées.

Tandis qu’un post Facebook, repris sur WhatsApp fait 30 fois le tour de la terre en l’espace d’une minute, un communiqué lu à la radio peut esquiver plusieurs villes et individus qui auraient eu le malheur de subir l’obscurantisme de ENEO au moment de sa lecture.

Les grands sabitous, ces hommes de medias qui crient haro sur des blogueurs qu’ils ne lisent pas, où étaient-ils, eux grands journalistes de la République, aux poitrines bardées de médailles de l’information? Bah! certains étaient sur Twitter avec nous, d’autres opéraient sur Facebook, et la majorité arpentait les groupes WhatsApp partageant des photos par ci, se drapant d’un conditionnel bâtard à travers des posts dont les like devaient les faire dégorger de joie. Où étaient les médias? Les brèves? Les alertes?

Après avoir pataugé pour trouver un modèle économique numérique, la presse a abandonné le web à des agrégateurs, qui pillent ses articles en distillant insidieusement des papiers faits maison. Des sites mercenaires dont certains sont officiellement répertoriés « medias cybernétiques » et touchent la redevance de l’Etat…

Où sont les nouveaux modèles d’information adaptés aux nouveaux modes de consommation? Où sont les brèves? Où sont les applications? Pendant que Le Monde, RFI, France 24 à 6000km nous délivraient via leurs sites et applications un suivi de la catastrophe, beaucoup de nos grands journalistes arpentaient ces réseaux avec à la bouche le mantra de leur impuissance: qui confirme? Qui confirme?

Minalmi!

En avril dernier, le Président de la République prescrivait à ses notables une plus grande présence sur les réseaux sociaux.

Mais beaucoup en sont restés à la diabolisation des mêmes réseaux propagée insidieusement via des banderoles payées par le contribuable lors des rassemblements staliniens de la République.

Mais il ne faut pas se leurrer, les réseaux sociaux font peur à des individus, pas au système. Les aboiements sur Twitter n’ont jamais sursis au mangement d’un denier public ni empêché que le Roi aille se reposer dans son village en Suisse. Aboyer est un sport que nous pratiquons depuis trente quatre ans. La peur est plutôt égoïste car il est question de se couvrir, de se blanchir individuellement. Hélas, le processus de distribution de per diem, de maquereau ou de gombo à l’échelle des réseaux sociaux n’est pas encore au point.

Une chose est certaine: ce ne sont pas des retweets qui ont fait basculer les wagons du train 152, ce n’est pas un post Facebook qui a tué et estropié des centaines de camerounais, ce n’est pas une Voice Note Whatsapp qui a endeuillé notre république, ce n’est pas un blogueur qui est le coupable. C’est la négligence humaine. Une négligence qui alliée à la corruption et à l’incompétence tue des milliers de camerounais chaque année, dans tous les secteurs. Je suis d’accord d’en appeler à la responsabilité sur les réseaux sociaux, mais ne perdons pas de vue que les premiers responsables de cette tragédie sont là et essayent par tous les moyens de nous détourner d’une affaire qui ne saurait rester impunie.

« Quand tu vois le coq s’agiter ce n’est pas toujours pour montrer sa force, c’est parfois qu’on vient de l’égorger. »

Proverbe bantou.

Peace!

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