Décryptage : Discours et militantisme d’Aminatou Ahidjo
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La fille de l’ex-président vit son mariage de raison et d’intérêt avec Paul Biya et le Rdpc.

Au moins trois prises de parole d’Aminatou Ahidjo sont à retenir depuis son adhésion au Rdpc en septembre 2013. Il y a sa déclaration à la presse au sortir de l’audience à elle accordée le 7 septembre 2013 par le secrétaire général du comité central, Jean Nkuété. Depuis sa nomination au poste de présidente du conseil d’administration du Palais des Congrès de Yaoundé, le 29 juin 2016, Aminatou Ahidjo a accordé deux interviews à la Crtv : sur les antennes radio du Poste nationale, puis à la télé comme invitée de l’émission « Présidence Actu » consacrée à l’actualité de la présidence de la République.

Voilà des tribunes de choix pour la fille cadette de feu Ahmadou Ahidjo, premier président du Cameroun. De toute évidence, le pouvoir de Yaoundé a bien voulu mettre sur la scène sa nouvelle égérie. Elle n’est pas n’importe qui. Aminatou Ahidjo a donc déroulé son discours. Celui-ci présente des constantes. Cette belle dame est bien rentrée dans les rangs au Rdpc ; et c’est un truisme de le dire. Mais il est intéressant de voir combien elle a assimilé le discours structurant du parti au pouvoir : faire une allégeance totale, voire sacrificielle, au président national, Paul Biya, qui est aussi le président de la République.

Morceaux choisis des propos d’Aminatou Ahidjo : « Je soutiens son excellence M. le président Paul Biya parce que c’est un homme de paix, c’est un homme de sagesse, c’est un visionnaire, c’est un pédagogue, c’est un éducateur, c’est un bâtisseur (…) C’est un grand humaniste parce qu’il a compris ma détresse, ma souffrance, mes angoisses. » Le ministre Grégoire Owona, secrétaire général adjoint du comité central du Rdpc, fait bien de noter chez Aminatou Ahidjo un « un engagement et un attachement personnels ». On se souvient alors que, parlant de Paul Biya, elle assume la relation « d’une fille à son père ». Elle ajoute même : « c’est une personne vers qui tout me ramène ».

S’effacer pour exister

En bonne militante du Rdpc, Aminatou sait témoigner sa gratitude à qui de droit : « Merci M. le président. Merci mille fois. Merci encore et encore. Merci de me faire confiance. Merci d’avoir accepté que je revienne au Cameroun. Merci d’avoir cru en moi » Tout ce qui lui arrive est la bonne volonté du même homme. Elle a bien compris qu’il ne faut laisser poindre la moindre velléité d’émancipation vis-à-vis du président. Aminatou affirme donc qu’elle n’a rien demandé, n’attendait, et se satisfait de sa nomination au poste de Pca.

Seuls les autres voient que c’est « rien du tout ». Agée de 50 ans et considérée comme une jeune, la militante de base ne revendique aucune ambition. Seul Paul Biya sait ce qui est bon pour elle. Le discours d’Aminatou Ahidjo fait penser à tant de personnes dans le Rdpc et au sein du gouvernement. Ses mentors et coachs seraient Issa Tchiroma Bakary, ministre de la Communication, Foumane Akame, conseiller juridique à la présidence de la République, et Martin Belinga Eboutou, directeur du cabinet civil de la présidence de la République.

Ce sont là des révélations contenues dans une lettre adressée à Aminatou par deux de ses cousines. A ses détracteurs, la cadette des enfants d’Ahidjo répond : « j’ai ma conscience, je sais ce que je fais, je sais ce qui se passe, je sais pourquoi je le fais, je suis une intellectuelle. Je communique avec mes mots, avec mon émotion, avec ma sensibilité, avec mon énergie. »

Il y a lieu de se souvenir qu’elle est présentée comme une spécialiste de la communication politique. Aminatou n’a certainement pas oublié qui sont ses parents. Son père, Ahmadou Ahidjo, premier président du Cameroun, est mort en exil, condamné à mort par contumace dans son pays où ses biens ont été confisqués. Malgré la loi d’armistice, la famille Ahidjo n’est jamais rentrée dans ses droits, l’ex-président n’a toujours pas droit à des obsèques officielles et sa dépouille demeure dans un cimetière de Dakar au Sénégal. Germaine, veuve du défunt président, et ses deux filles aînées (Fadimatou et Aïssatou), demeurent dans ce pays et continuent de ruminer la rancoeur vis-à-vis du président Biya qu’elles considèrent comme l’auteur de leurs malheurs.

Pardonner pour exister

A l’évidence, Aminatou est en rupture. Elle l’assume mais rejette toute trahison. « Je crois qu’on n’est esclave de rien, ni de personne, ni de la mémoire, ni de l’histoire. Je trace ma route », martèle la benjamine de la famille. Amina a fait le pas, comme son demi-frère, Mohamadou Badjika. Et même qu’elle dit avoir tout pardonné.

Aux autres, elle adresse cette leçon : « le pardon est un maître si on veut être ses élèves pour la vie. Le pardon n’est pas hâtif. Il se fait par étapes successives. On a tendance à réduire le pardon à un fait ponctuel. Ça demande plutôt le courage d’aller chercher au fond de nous le coin où se cachent les ressentiments, d’essayer d’éclairer ces ressentiments et de les faire disparaître. Il y a trop de messages porteurs de vérité. C’est mon cas. Je ne désespère pas que d’autres me rejoignent. »

Aminatou Ahidjo a suivi le chemin du pardon et trace sa route au Cameroun, au sein du Rdpc. Le parti au pouvoir n’a guère dévoilé la stratégie derrière le recrutement en grande pompe d’une Ahidjo et le poste à elle donné. Mais personne n’ignore qu’elle peut permettre
au régime de Yaoundé de se réconcilier avec la frange des Camerounais meurtris par le passé douloureux autour du président Ahidjo.

Surtout, la fille d’Ahidjo peut aussi servir à contrecarrer le discours vengeur et accusatoire de Germaine dont le seul nom reste un caillou dans la chaussure du régime. Mais ce ne sont que des conjectures, car la vérité viendra du terrain politique. Pour le moment, le militantisme d’Aminatou se manifeste davantage par son discours d’allégeance à Paul Biya, ses appels à la mobilisation générale derrière lui, enfin ses appels au travail et à la persévérance lancés en direction des jeunes.

« Le militantisme n’est pas automatiquement le fait d’être toujours sur le terrain. Je me tiens au courant, j’écoute, je m’interroge, je réfléchis, j’anime de petites discussions avec ceux qui m’entourent, c’est déjà militer. » Voilà donc sa démarche actuelle ; hormis le fait qu’elle revendique une participation à la campagne du Rdpc à l’occasion des élections couplées municipales et législatives de 2013.

Et Grégoire Owona fait encore bien de dire : « il appartient aux instances dirigeantes du parti et au président national de faire appel aux talents et aptitudes de Mme Ahidjo pour des missions qu’ils voudront bien lui confier. Elle a des talents et des atouts à mettre à la disposition de son parti. » De toutes les façons, il y a bien eu mariage de raison et d’intérêt entre Aminatou Ahidjo d’une part, et Paul Biya et le Rdpc, d’autre part.

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