Le Chargé d'affaires de l'ambassade américaine a dévoilé la nouvelle politique de son pays hier à Yaoundé.«L’ancienne époque des grandes nations qui divisaient cette terre pour voler sa richesse est révolue depuis longtemps.

Face aux défis à relever, je souhaite que tous les pays fonctionnant dans ce pays comprennent la nécessité de composer avec une nouvelle réalité». Le ton employé par Matthew D. Simth, le chargé d’affaires de l’ambassade des Etats-Unis au Cameroun, est pour le moins empreint d’une volonté de positionnement du pays de Barack Obama au Cameroun. L’homme s’adressait à la presse ce jour à Yaoundé, pour rappeler l’apport de son pays dans la lutte contre Boko Haram. Ce à travers le message que ne cesse de rappeler le diplomate : «On est ensemble pour la sécurité du Cameroun».

Une sortie que d’aucuns ont vu inopportune pour un pays qui est resté assez éloigné du champ de l’action. «Il y a des événements qui marquent et changent la mentalité d’un peuple. Le 11 septembre chez nous. Je pense que les événements de Fotokol (attentats-suicides de juillet 2015) le sont pour le Cameroun car ils ont provoqué la peur, le doute dans les esprits. C’est pour cela que nous tenions à vous apporter le soutien des Usa», tente-t-il de justifier. Et pour cause ? «Les anthropologues nous disent que l’une des premières origines de la civilisation a vu le jour vers le Mont Cameroun… le patrimoine de cette nation vaut la peine d’être défendu afin de le préserver pour les générations futures, car le patrimoine du Cameroun, c’est aussi notre patrimoine», estime-t-il.

Y ajoutant les richesses de son pays d’accueil. En l’occurrence les forêts, poumons de la planète, les artistes et sportifs de renommée mondiale tels Eto’o, Milla, Mbah à Moute, Manu Dibango, Yannick Noah,… alors, «votre avenir et celui des Etats- Unis sont étroitement imbriqués ; non seulement parce que nous devons empêcher ce pays de devenir un refuge pour les terroristes et les autres individus mal intentionnés, mais parce que les 275 groupes ethniques qui vivent en harmonie depuis si longtemps, méritent un avenir pacifique et prospère qui leur permettra de mettre à contribution leurs capacités intellectuelles dans le monde entier».

Double jeu dans la guerre ?

Le pont est vite trouvé pour déclarer sa flamme pour un pays qu’il dit avoir appris à aimer pour l’hospitalité de son peuple, «un peuple ouvert à un monde qui ne l’a pas souvent ménagé», souligne-t-il. L’homme dénonce ceux qui «voient aujourd’hui le Cameroun uniquement à travers le prisme de richesses à exploiter, plutôt que celui de la contribution positive qu’ils peuvent apporter en vue de garantir le présent et l’avenir e son peuple». Une allusion à peine voilée aux partenaires traditionnels du Cameroun, en première ligne la France. «Les Etats-Unis cherchent d’abord à travailler avec le peuple d’une nations et à donner une voix à l’expression de leurs volontés collectives», enseigne-t-il.

Alors qu’au sein de l’opinion, l’Occident dans son ensemble est de plus en plus soupçonné de jouer un double-jeu dans la guerre contre la secte islamiste qui sévit aux pourtours du Lac Tchad. D’autant plus que la France et les Etats-Unis, pour ne citer que ces deux pays, partenaires du Cameroun et du Nigéria dans cette guerre, accompagnent dans le renseignement. C’est justement sur ce volet que le pays de Barack Obama dit jouer une de ses partitions : «nous aidons le Cameroun, le Nigéria ainsi que les autres pays engagés dans cette lutte en leur fournissant le renseignement. Malheureusement c’est une question de stratégie militaire, et vous comprenez que je ne puisse pas en dire davantage sur ce que nous faisons»,  soutient Matthew D. Smith. Ne tarissant pas d’éloge pour les forces de défense camerounaises «pour la dignité et le courage» dont ils font montre pour neutraliser efficacement ces terroristes qui s’attaquent aux valeurs africaines en général et camerounaises en particulier.

Bolloré dans le viseur Mais sur le terrain, certaines situations ont fait croire que ces partenaires occidentaux jouent un double jeu. En l’occurrence le fait que le Tchad a constaté que «40% des armes saisies chez Boko Haram sont de fabrication française», comme l’a déclaré le ministre tchadien de la Communication lors d’une visite de travail au Cameroun. Mais aussi, la réticence des Etats-Unis à livrer des armes lourdes au Nigéria sous Gudluck Jonathan, l’ancien président nigérian, et même malgré la visite de Muhammadu Buhari, son successeur, aux Etats-Unis après sa prestation de serment. L’homme qui parlait au nom de l’ambassadeur des Etats-Unis, plaide pour sa propre chapelle. «A un moment, il n’y avait plus confiance entre les militaires nigérians et les Usa. Certains militaires nigérians étaient de connivence avec Boko Haram ; ceci a créé de la suspicion», justifie Matthew D. Smith. Mais «Il faut du temps pour que la confiance revienne. Et le président Buhari envoie de bons signaux», se félicite le conférencier. Appelant à un travail de synergie entre le Cameroun et le Nigéria, mais plus globalement, entre les pays de la sous-région engagés dans cette guerre.

L’occasion était aussi donnée de régler son compte avec la France sur le port de Kribi dont le terminal est revenu à la France via le groupe Bolloré. «Les Etats-Unis aiment la concurrence. C’est ce qui permet de déceler les lacunes et de mieux grandir ; nous apprenons à travers la presse que la gestion du port de Douala connait beaucoup de lacunes. Mais le même gestionnaire du port de Douala a remporté le marché du terminal de Kribi. Il n’y aura pas concurrence», regrette celui qui insiste sur le fait que «les entreprises américaines ne donnent pas de pot-de-vin».

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