Bella Mondo, des femmes qui font vibrer l’Afrique
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Les quatre chanteuses ivoiriennes de Bella Mondo, vêtues d'élégantes robes-pagnes africaines, naviguent entre zouglou, afro-zouk, reggae, coupé-décale ou encore compas haïtien.

Fondé en juillet 2007 sous l’impulsion du Canadien d’origine congolaise Charly Maïwan, Bella Mondo, premier groupe féminin de Côte d’Ivoire (7 instrumentistes et 4 chanteuses), navigue entre zouglou, afro-zouk, reggae, coupé-décale ou encore compas haïtien. Vêtues d'élégantes robes-pagnes africaines, les artistes de Bella Mondo, qui ont écumé les salles abidjanaises et ont leur QG au "Pams", un bar musical du quartier chic de la capitale, délivrent un répertoire reggae, afro-zouk et zouglou (un style musical ivoirien apprécié des jeunes), constitué de reprises et de leurs propres créations. De la batterie au piano en passant par la basse et le chant, ces jeunes femmes, se partagent les rôles sur scène.

«  Révolution » le titre de leur 1er album...

Il a fallu les dernières volontés d'une vielle femme pour que la Côte d'Ivoire possède son premier orchestre exclusivement féminin, une "révolution" dans une société encore machiste. En effet, sur son lit de mort, la mère de Charly Maiwan, passionnée de musique, lui a dit: "tu m'as toujours promis de me faire chanter. Maintenant, moi je pars. Promets-moi de faire chanter les femmes du monde". Promesse tenue !

En 2007, le producteur contacte Nadine Lévry, une Ivoirienne alors chanteuse de cabaret à Abidjan qui met dans le coup son amie Prisca Allou, bassiste : autour d’elles et d’une ingénieure du son va progressivement se monter la formation complète de Bella Mondo. Prisca, à l'époque encore étudiante à l'école de musique de l'INSAAC (Institut National Supérieur des Arts et de l'Action Culturelle), se souvient avoir essayé, en vain, de convaincre certaines de ses amies de rejoindre le groupe : "Ça n'a pas été facile, ma proposition n'intéressait personne. Elles se disaient toutes, un groupe de femmes pour quoi faire?". Elle a dû prospecter des semaines pour convaincre d'autres filles de finalement les rejoindre.

Bella Mondo est né ! Dans la lignée des Amazones de Guinée, leurs illustres devancières. Mais la bande de filles se heurte à de sacrés obstacles...

Coiffeuse de formation, Nadine, chef d'orchestre et mère de famille, raconte avoir eu du mal à faire admettre aux siens sa vocation, avant de recevoir leur "bénédiction" à force de "détermination". Bien pire, c'est la société entière qui faisait obstacle. "Au début le regard des hommes était pesant, tellement on était mal vues dans la société. (...) La femme c'est pour la cuisine, faire des enfants et s'occuper de la maison!", s'indigne-t-elle. La "révolution", c'est donc "pour montrer que les femmes peuvent jouer des instruments, voire mieux que les hommes".

La femme reste marginalisée aux niveaux politique et économique en Côte d'Ivoire. "Il y a beaucoup à faire pour la parité, une promesse non tenue" du président Alassane Ouattara, avec seulement six femmes au gouvernement et une trentaine au Parlement", relève cette militante des droits des femmes. Or en Côte d'Ivoire, 60% des chefs de famille sont des femmes, après une décennie de crise politique, militaire et socio-économique, qui a déstructuré la société, provoqué licenciements, fermeture d'usines et éclatement des familles, etc..  Les "dix amazones" ont également souffert des discriminations et préjugés machistes : "En Côte d'Ivoire, dans le domaine musical, les femmes ont toujours été choristes ou bien danseuses. Elles sont toujours en arrière, jouent les seconds rôles. C'est les hommes qui font tout, donc voir que des femmes voulaient composer un orchestre exclusivement féminin, c'était vraiment prétentieux et personne ne misait sur elles. Tout le monde se disait : ça ne va pas durer longtemps", explique le coach et directeur technique du groupe.

Du  «  Pams » au continent africain...

Le groupe attire l’attention avec la chanson “Africa”, une magnifique version de “Ansanm Ansanm”, un titre de 1980 du groupe haïtien DP Express et ça démarre...

Bella Mondo est engagé au Pams, « le » café-concert branché d’Abidjan. Leur répertoire séduit aussitôt les mélomanes nationaux et bientôt les pays frontaliers. En décembre 2010, Bella Mondo est invité au Festival des Arts Nègres de Dakar (Sénégal) puis réalise une tournée dans la sous-région. L’année 2012 voit la sortie de leur premier opus éponyme (Maïwan Productions) et leur participation Journée Internationale de la femme (8 mars) à Abidjan (en présence de Guillaume Soro, ex-Premier ministre).

Girl power en chantant ?

"L'aventure doit continuer" et "attirer d'autres femmes", souligne Landry Louoba, cheveux courts et biceps de percussionniste.

"C'est le temps pour nous de faire la révolution", affirme Josiane Labi Luo, dite "Jo Labi", l'une des quatre chanteuses.

La musique de Bella Mondo, plus qu’un message militant, se veut un hymne à la persévérance féminine ... "En créant ce groupe, c'est plutôt la femme que nous avons visée, pas l'homme. Il faut que la femme se lève et se dise, moi, femme, je peux jouer d'un instrument, faire de la mécanique, être maçon et faire tout ce qu'un homme peut faire. Nous voulons dire aux femmes de ne pas s'affaisser, "NON". Nous voulons démontrer que la femme est courageuse. Et en suivant l'exemple de Bella Mundo, c'est sûr que les femmes auront encore plus de courage de prendre des décisions", explique Nadine.  Leur union et leur talent ont fini par avoir raison des préjugés, comme le raconte la batteuse de Bella Mondo :"Quand les hommes nous voient aujourd'hui, ils sont fiers. Ils disent : mais les filles nous nous sommes dit que vous lâcheriez au bout de quelques temps. Mais là, vous avez persévéré. Nous vous encourageons".

Après sa participation au dernier Festival des Arts Nègres organisé en décembre 2010 à Dakar, au Sénégal, Bella Mondo s’est produit sur d'autres scènes internationales et se sont lancé dans l’humanitaire : dîners de gala pour rendre hommage aux femmes leaders d'Afrique afin de recueillir des fonds qui permettent d'aider des pouponnières et des orphelinats en difficulté.

Leur « reconnaissance » par les autorités ministérielles font d’elles une force à prendre en considération sur la scène culturelle et politique du pays, dixit le ministre de la Culture et de la Francophonie « Pour nous, c’est une fierté que de jeunes Ivoiriennes puissent constituer un orchestre. Vous êtes des Ambassadrices de la Côte d’Ivoire», Ensuite, il a dit sa foi en Bella Mondo. «Nous comptons sur vous pour le renouveau de la musique ivoirienne dans un pays où les artistes donnent l’impression que l’art ne nourrit pas son homme. Vous pouvez d’ici conquérir le monde» a-t-il poursuivi, en assurant  Bella Mondo de son soutien. Et d’ajouter  un ultime conseil, comme un clin d’œil à tous les conflits qui déchirent le continent africain : «Ce qui tue les groupes en Afrique, ce sont les conflits et les compétitions inutiles. Des gens vont tenter de vous diviser, ne cédez pas à la tentation. Restez unies ».

La musique des Bella mondo fait mieux qu’adoucir les moeurs... elle tente de les faire évoluer.

© mondafrique.com : Sandra Joxe

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