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© Correspondance : Hélene Molina
- 05 Sep 2025 07:19:29
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BÉNIN :: ENTRETIEN AVEC MOUFTAOU BADAROU : LA VENGEANCE DE POUTINE, LA FICTION AU COEUR DE LA REALITE :: BENIN
Camer.be accueille aujourd’hui MOUFTAOU BADAROU, écrivain béninois de grand talent installé en France. Auteur d’une dizaine d’ouvrages remarqués, parmi lesquels Coup d’État au Gabon, La Vengeance d’Aïcha Kadhafi ou encore Une taupe à l’Élysée, il a su conquérir un large lectorat. Couronné de nombreux prix littéraires, dont le prestigieux Prix de la Francophonie/Union européenne en 1996, il revient sur le devant de la scène avec son nouveau roman, La Vengeance de Poutine, qui explore, à travers la fiction, les récents épisodes marquants de l’actualité mondiale liés au dirigeant russe.
Bonjour monsieur Badarou, en quoi votre roman s’inscrit-il dans le contexte de la crise russo-ukrainienne et quel lien établissez-vous entre la fiction et cette actualité brûlante ?
Mon roman est une fiction inspirée de faits réels. J’ai pris la crise russo-ukrainienne comme point de départ pour imaginer une vengeance de Vladimir Poutine contre la France, après l’annulation en 2014 d’un contrat d’armement signé avec la Russie, suite à l’annexion de la Crimée. À travers ce récit, j’ai voulu montrer comment un événement diplomatique apparemment technique peut devenir, dans l’imaginaire romanesque, le déclencheur d’une revanche aux conséquences multiples. Car derrière les négociations d’État et les accords commerciaux se cachent des blessures d’orgueil, des calculs stratégiques et des tensions souterraines qui façonnent l’histoire contemporaine. Mon roman cherche à donner chair à ces forces invisibles, en révélant ce que l’actualité suggère à demi-mot : la volonté d’un dirigeant de ne jamais oublier, ni pardonner, les humiliations infligées à son pays.
Vous avez donc écrit votre roman après l’annexion de la Crimée et du Donbass ?
Oui. J’ai rédigé ce roman entre 2017 et 2019. Il a d’abord vu le jour en 2022 sous le titre « Une taupe à l’Élysée. » Mais à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, j’ai éprouvé le besoin de reprendre le manuscrit, de le retravailler en profondeur afin de l’accorder aux bouleversements de l’actualité. Car un roman n’est jamais figé : il évolue au rythme du monde qui l’entoure. En revisitant mon texte, j’ai voulu lui donner une résonance nouvelle, comme si la fiction dialoguait avec le réel. Cette réécriture m’a permis non seulement d’enraciner davantage l’histoire dans la contemporanéité, mais aussi de montrer combien la littérature, par son souffle et sa liberté, peut capter l’écho des grands drames politiques et les restituer sous une lumière différente, plus intime et plus humaine.
Vos lecteurs sont désormais familiers de vos personnages récurrents – Jimmy Boris, sa fiancée Eva Randet, ainsi que le colonel Arnaud Cyazinski de la DGSE. Que représentent-ils pour vous et quel rôle central jouent-ils dans votre univers romanesque ?
Mon objectif est de fidéliser mes lecteurs en leur offrant des personnages récurrents. Je les ai façonnés de manière à ce qu’ils laissent une empreinte durable dans l’imaginaire : Jimmy Boris, amateur d’élégance, de gastronomie raffinée, de bière blanche et de femmes voluptueuses ; le colonel Cyazinski, rude et grossier, mais d’une efficacité redoutable ; Eva Randet, quant à elle, séduit par son charisme et sa beauté magnétique. Au fil des tomes, je souhaite que ces figures gagnent en profondeur et deviennent, pour les lecteurs, des compagnons familiers et attachants. Mon ambition est de poursuivre cette saga aussi longtemps que l’inspiration et l’actualité me permettront de nourrir leurs aventures. Car ces personnages ne sont pas de simples figures de papier : ils incarnent des archétypes humains, avec leurs failles, leurs contradictions et leurs éclats de lumière. En les faisant évoluer d’un roman à l’autre, je cherche à créer un lien presque intime entre eux et mes lecteurs, un fil invisible qui donne envie de revenir, non seulement pour découvrir une intrigue nouvelle, mais surtout pour retrouver des visages connus, comme on retrouve des amis que l’on n’a jamais vraiment quittés.
Votre roman ne parle pas seulement de l’invasion de l’Ukraine. Vous évoquez aussi l’annulation par François Hollande de la vente de deux porte-hélicoptères à la Russie. Pourquoi ?
Cette annulation m’a offert un point d’appui solide pour justifier, dans le cadre de mon intrigue, la vengeance de Poutine. On ne se venge jamais sans raison. Ce contrat, conclu en 2011 entre Nicolas Sarkozy et Vladimir Poutine, fut rompu en 2014 par François Hollande, sous l’effet conjugué des sanctions européennes et de l’avis défavorable émis par la commission interministérielle française chargée des exportations d’armes. Au-delà du simple épisode diplomatique, ce renoncement illustre toute la complexité des rapports de force entre États : un accord qui semblait acté et scellé a finalement volé en éclats sous la pression du contexte international. J’ai trouvé dans cette décision un ressort dramatique puissant, car elle cristallise à la fois la logique froide des intérêts politiques et la dimension plus intime de l’orgueil blessé. C’est précisément dans cet entrelacs, entre raison d’État et ressentiment personnel, que la littérature peut s’immiscer pour inventer une intrigue qui dépasse les faits et explore la mécanique des passions humaines derrière les grands événements géopolitiques.
Le quotidien béninois Matin Libre vous a récemment qualifié de « maître africain du roman d’espionnage ». Que représente pour vous ce titre honorifique et comment accueillez-vous une telle reconnaissance ?
Je ne saurais répondre avec certitude, mais je suppose que le rédacteur de ce journal a perçu en moi une certaine maîtrise de ce genre romanesque et peut-être une influence croissante. Dans mes ouvrages, tels que « Une taupe à l’Élysée » ou « La Vengeance de Poutine », j’ai toujours cherché à conjuguer les grandes manœuvres géopolitiques et les missions d’espionnage, en les ancrant dans des faits qui appartiennent à la réalité contemporaine. Je crois que mes récits ont trouvé leur place, tant en Afrique qu’en Europe, en contribuant, avec humilité, à populariser le thriller politique au sein de la littérature francophone africaine. Recevoir une telle appellation est à la fois un honneur et une responsabilité. Cela signifie que mes personnages, mes intrigues et mes thèmes résonnent au-delà du simple divertissement, qu’ils suscitent une réflexion sur les enjeux du monde actuel. Si mes romans permettent d’ouvrir une fenêtre sur les coulisses du pouvoir, sur les fragilités des nations et sur les ombres des services secrets, alors ce titre de « maître africain du roman d’espionnage » prend tout son sens : il consacre moins une personne qu’une œuvre collective de transmission, où la fiction devient un miroir tendu à l’Histoire.
Je vous laisse conclure cet entretien
Je vous remercie vivement de m’avoir offert l’occasion de présenter cet ouvrage. Je puis vous assurer que j’y ai investi le meilleur de moi-même sur le plan de la création littéraire. Nous traversons l’une des périodes les plus palpitantes de l’histoire contemporaine, et il est essentiel que chacun demeure attentif aux bouleversements qui se produisent autour de nous. La lecture de ce roman permettra, je l’espère, de mieux saisir les réalités géopolitiques en train de se dessiner, afin que nul ne soit pris au dépourvu par les soubresauts du monde.
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