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© AFRIKSURSEINE : Ecrivain, Romancier Calvin DJOUARI
- 10 Sep 2025 09:20:06
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FRANCE :: « LES RACINES DU BIEN OU LA PARENTHESE ENCHANTEE » DE SERGES NGOUNGA
Cette étude consacrée aux recueils de poèmes de Serges Ngounga parut pour la première fois en 2023, à une époque où son auteur traversait une zone d’ombre dans sa propre existence. À l’image de Lamartine, Serges Ngounga s’était alors tourné vers la nature, témoin silencieux mais fidèle de l’éclat éphémère de ces instants pathétiques.
Tel un piroguier dont la barque s’embourbe dans les sables d’un fleuve, il confiait ses tourments aux vers, et les échos de ces poèmes, portés par leur intensité, franchirent les rives numériques pour atteindre le Cameroun. Aujourd’hui, je les remets en ligne, mais dans une version profondément remaniée. J’ai voulu offrir une refonte plus ample, plus mûrie, sans rien trahir de l’essence qui animait déjà mon texte d’alors : la fidélité à une voix poétique singulière, qui, dans ses éclats et ses blessures, continue d’éclairer nos propres traversées intérieures.
« Les acines du bien ou la Parenthèse Enchantée » de Serges Ngounga est en ligne depuis deux mois. C’est un recueil de poésies. Il y a moins d’un an, Serges Ngounga et Samuel René Pefoura avaient publié un livre consacré à l’histoire du peuple Bamoun. Cette fois, Serges Ngounga revient en solitaire avec un recueil d’environ 60 poèmes, dans lesquels il adopte un style souple, rythmé et parfois engagé. Tous les poèmes résonnent avec force, même ceux qui semblent portés par de douces émotions. Ils ont été écrits dans des lieux précis et à des moments réels (en pleine forêt de Mennecy, à Wissous, etc.). Il est difficile de déterminer avec exactitude la date de rédaction des Racines du bien.
On sait seulement que le recueil a été rendu public pendant les fêtes de fin d’année. L’originalité de l’ouvrage réside dans le premier poème, une sorte d’introspection intitulée « Qui suis-je ? ». Ce premier texte explore l’identité d’une communauté humaine pleine d’espérance, qui entoure l’homme : « Je suis un aviateur », « je suis un marchand de tapis ». En insérant ainsi une histoire populaire dans son ouverture, le poète historicise et socialise sa personne dans un monde pluriel et laborieux. Le poème conduit le sens philosophique de l’identité vers une dimension spirituelle et morale. Ainsi, il nous offre un éclairage particulier qui sert d’introduction aux poèmes suivants. Le second poème, « Racines », s’ouvre sur ces mots : « assis sur l’une des branches, je scrute l’horizon ». On imagine alors le poète, tel Lamartine, isolé dans la nature ; et quel meilleur endroit qu’un arbre pour méditer ? Il scrute l’horizon, car la nature est le seul lieu où l’on peut confier son moi profond sans crainte de trahison. Immortelle, elle conserve l’empreinte de nos extases passagères.
L’arbre sur lequel il est assis a des racines visibles, mais aussi des racines profondes, invisibles : c’est là que le poète s’élève. Au fil du texte, on se rend compte que le poète retrouve tout ce qui rend la vie belle : le soleil, le vent, les fruits… jusqu’à fraterniser avec les éléments de la nature, qu’il personnifie et invoque. Pour Serges Ngounga, tout concourt à notre transformation. C’est pourquoi la « parenthèse » devient enchantée : l’arbre que l’on croyait immobile marche aux côtés du poète, et son cœur s’ouvre comme s’il avait retrouvé un compagnon. Dans le troisième poème, « Imagination », le poète se dévoile. Il devient tour à tour conseiller de vie ou prophète : « tu verras ».
On y perçoit l’intellectuel prisonnier d’une situation, qui pousse un cri et brise ses chaînes pour retrouver la liberté de penser. Comme pour dire : on ne peut enfermer l’esprit d’un intellectuel ; sinon il crie, et se libère. « Devant le réel et l’irréel, notre imagination va au-delà… » Vient ensuite le poème « Vie ». Le choix du titre s’explique dès les premiers vers : « volonté de vivre ». Serges inscrit ainsi ses poèmes sur le chemin de la vie, afin que chaque lecteur puisse y reconnaître son propre parcours, et apprendre à « se connaître soi-même ». Ce chemin est parsemé de joies et de bonheurs, mais aussi d’obstacles et de laideurs, qui contraignent parfois des inconnus à cohabiter.
La vie est posée comme un tableau que tout passant peut contempler : leurs regards dessinent alors des traits invisibles, et chacun comprend qu’il n’est pas seul à éprouver ces émotions universelles sur le chemin de l’existence. Dans ce poème, Serges utilise une métaphore : en fermant les yeux, il n’écrit plus avec sa mémoire, mais avec son âme, pour suggérer au monde sa présence et son absence, sa visibilité et son invisibilité au milieu des êtres. C’est ici la force du poète : lorsqu’il est confronté à des contraintes stylistiques, il devient simple mais profond.
Il ressemble à ce poète qui vous entraîne dans la nuit noire et n’allume la torche que pour ceux qui le suivent, car lui n’a pas besoin de lumière artificielle pour la traverser. Ainsi marchent les poètes, se servant d’une lumière surnaturelle, sublime dans la nuit noire, sans éclat, sans éclair, mais habitée par la vie. Une force. Nous savons que les mots, dans un poème, peuvent perdre leur puissance à force d’être utilisés sans valeur sémantique. Mais pas ici. Dans ce poème, le terme « vie » se libère de la forme et des contraintes stylistiques pour être libre de « se dire ». Serges cherchait, à travers cette figure de style, à créer un contraste afin de donner du relief à l’image évoquée et d’accentuer le pouvoir de la vie sur l’homme, inscrit dans le temps et dans l’espace. Il n’emploie pas d’antithèse explicite, mais laisse au lecteur le soin de l’imaginer : « On a aimé la vie. » Et pourtant, celui qui parle est encore jeune ; il inscrit donc le reste dans le temps.
Dans le poème Combat, en revanche, Serges ne trompe pas son lecteur. Il l’avertit des épreuves qu’il rencontrera sur le chemin de la vie. En tout cas, c’est ce que comprend le lecteur, comme moi, lorsqu’il lit ces lignes : « Très tôt, déjà, je poussais mon premier cri, La première manifestation de ma lutte. » Ici, le combat est pour le poète une marche à « grandes enjambées », soutenu par la foi en un autre monde, lointain, dont le « sourire à la vie » le rend pourtant si présent. « Se battre, se battre », dit-il. Ce poème rappelle la muse principale de Lamartine dans Adieux à la poésie : « souviens-toi de mon combat », après m’avoir aimé sur la terre.
Ce recueil de poèmes, dans son ensemble, n’évoque pas l’angoisse. Le poète y ajoute des références à des notions plus lumineuses : « temps précieux », « confiance », « amour », « richesse intérieure », « traversée du fleuve ». Pour Serges Ngounga, certes la nuit existe, mais ce n’est pas la nuit noire. Il y a toujours cette lampe qui éclaire, avec tendresse et bienveillance, dissipant toute mélancolie. En effet, si la nuit noire peut être source d’angoisse, la confiance qu’il manifeste permet de traverser le fleuve, car il projette une lumière divine qui réchauffe, non seulement son être profond, mais aussi tous ceux qui l’entourent. Serges Ngounga est un grand poète : la victoire lui est acquise. Autrement dit, il a gagné la vie, il a gagné sa vie. Il s’est enrichi d’un monde nouveau qu’il adore : le monde poétique. Il semble ainsi se délester de la contrainte morale, puisque la poésie elle-même est parfois un combat, aussi brutal que la vie.
D’ailleurs, dans La vision et la grandeur du peuple Bamoun, du temporel à l’intemporel, il magnifie sa philosophie et sa vision de la vie, notamment dans un poème resté célèbre : Mfansiene. On y trouve quatre vers d’une grande profondeur lyrique, rappelant Lamartine :
« Dans cette immensité verte qui m’entoure,
Aussi dense que les pensées qui m’assomment,
Je cherche le visage des dieux, pour mon salut,
Afin de sortir d’un environnement oppressant. »
Eh oui, la poésie est l’expression parfaite de l’esprit. Victor Hugo disait : « la poésie est un monde enfermé dans un homme ». Dans le même sens, Frédéric Garcia a bien vu les choses en affirmant : « la poésie est la rencontre de deux mots que personne n’aurait pu imaginer ensemble. » En lisant ce recueil, je peux affirmer que Serges Ngounga est un poète original et attachant. Il est aussi un grand communicateur. Être communicateur, c’est avoir l’avantage d’être toujours au milieu des hommes : c’est peut-être pour cette raison qu’il est doté de véritables dons poétiques. Ayant appris, par la lecture des grands maîtres, l’art de faire des vers qui ne manquent ni de souffle ni de rythme, il propose une poésie contemporaine et vivante. Rarement un poète écrit cent poèmes sans qu’aucun ne soit faible. Mais ici, il faut le reconnaître : tous vibrent d’une grande ardeur poétique et résonnent comme un écho authentique de l’âme humaine. J’espère qu’il rencontrera un large écho, car sa fantaisie et sa sensibilité le rendent infiniment attachant.
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