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© Camer.be : Paul Moutila
- 20 Jul 2025 12:01:38
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CAMEROUN :: Qui piège qui dans le jeu politique post-boycott de 2020 ? :: CAMEROON
En 2020, certains partis de l’opposition camerounaise ont consciemment choisi de boycotter les élections législatives et municipales. Ce choix, profondément politique, reposait sur une conviction partagée : celle que le système en place ne garantit ni transparence ni équité dans le processus électoral. En refusant de participer à un simulacre de démocratie, ces partis entendaient délégitimer les institutions mises en place sous l’égide d’un pouvoir qu’ils jugeaient autoritaire. Ce n’était ni de l’improvisation ni de l’utopie : la loi camerounaise prévoyait de nouvelles élections locales cinq ans plus tard, soit en février 2025, avant l’élection présidentielle prévue en octobre de la même année.
Mais c’est ici que l’équation politique se complexifie. Le régime en place, fidèle à sa stratégie de contrôle du calendrier électoral, a récemment reporté les élections législatives et municipales à février 2026. Ce décalage, présenté comme une mesure de rationalisation, s’apparente en réalité à une manœuvre destinée à désamorcer toute tentative des anciens boycotteurs de revenir dans le jeu au moment le plus stratégique. En inversant la séquence prévue par la loi, le pouvoir tente de priver ces acteurs d’une légitimité institutionnelle qui aurait pu peser dans la bataille présidentielle.
Face à cela, l’indignation de certains paraît étonnante. Comment s’indigner d’un retournement de stratégie quand on a soi-même soutenu le boycott de 2020 comme acte de résistance politique ? L’argument selon lequel les forces de rupture devraient aujourd’hui faire preuve de conformité démocratique dans un système antidémocratique soulève un paradoxe. Si l’on considère que le régime est autoritaire, pourquoi attendre des acteurs de sa destruction qu’ils respectent des règles conçues pour les neutraliser ?
Le vrai débat n’est donc pas juridique mais politique. Le pouvoir joue avec la loi pour piéger ses adversaires ; ces derniers, à leur tour, utilisent leur absence d’hier comme levier stratégique aujourd’hui. C’est un bras de fer à distance, dans lequel chacun tente d’exploiter les failles d’un système à sa mesure. Il ne s’agit pas ici de morale électorale, mais de rapport de force. Refuser ce constat, c’est nier la réalité du contexte politique camerounais.
Il est incohérent d’attendre que des opposants radicaux respectent des formes démocratiques dans un cadre qu’ils jugent vicié. Leur mission n’est pas de participer pour décorer, mais de renverser pacifiquement un ordre qu’ils estiment illégitime. Et dans cette bataille, toute stratégie qui déstabilise l’agenda du régime est, pour eux, légitime. Le débat n’est plus de savoir qui a raison, mais qui prendra l’avantage. La scène politique camerounaise est redevenue un véritable champ de lutte.
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