Mentalité « Je gagne quoi » : l'aliénation capitaliste du débat politique camerounais
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Mentalité « Je gagne quoi » : l'aliénation capitaliste du débat politique camerounais :: CAMEROON

La réflexion de Jean Pierre Bekolo met en lumière un paradoxe troublant de la société camerounaise : le volontarisme politique y est systématiquement perçu comme suspect. L'engagement de figures comme Maurice Kamto, pourtant axé sur le bien commun, se heurte à une méfiance généralisée. Cette défiance révèle une crise profonde où tout acte désintéressé est réduit à un calcul d'intérêt personnel.  

Le réflexe "Je gagne quoi dedans ?" dépasse largement la sphère administrative pour contaminer le champ politique. Les citoyens associent spontanément toute prise de parole publique à une stratégie d'enrichissement ou de conservation du pouvoir. Ce scepticisme ambiant rend incompréhensible la notion même de sacrifice pour la collectivité, pourtant ancrée dans les traditions africaines.  

Cette logique éclaire les sobriquets réducteurs attribués aux acteurs politiques : les "sardinards" accusés de monnayer leur soutien contre des biens matériels, et les "tontinards" soupçonnés de privilégier des solidarités ethniques ou communautaires. Dans les deux cas, le débat politique camerounais se trouve vidé de sa substance idéologique au profit d'une transaction économique implicite.  

Le capitalisme a ici opéré une mutation inquiétante : d'un système économique, il est devenu une grille de lecture exclusive des motivations humaines. Cette mentalité capitaliste a effacé la possibilité même d'un engagement authentique pour l'intérêt général. Pourtant, comme le note Bekolo, les valeurs africaines traditionnelles et certaines pensées universelles (comme le marxisme) exaltent précisément la solidarité collective.  

Le cas Kamto cristallise cette contradiction : accusé simultanément de communautarisme ("tontinard") et d'ambition personnelle capitaliste, son engagement politique devient incompréhensible dans le cadre de référence dominant. Cette impossibilité à concevoir l'altruisme politique maintient le statu quo, où seuls ceux qui "mangent déjà" semblent légitimes à s'exprimer.  

L'urgence est de restaurer un langage politique fondé sur des idées plutôt que sur des soupçons. Sans cette rupture, le Cameroun s'enfermera dans le cycle stérile du "c’est ça que je mange ?", où toute velléité de changement sera étouffée par la méfiance mutuelle. La renaissance du bien commun comme horizon politique nécessite de dépasser cette aliénation collective. 

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