PREDICATION DU DIMANCHE 05 DECEMBRE 2021 PAR LE REV. DR JOËL HERVE BOUDJA
FRANCE :: RéLIGION

FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 05 DECEMBRE 2021 PAR LE REV. DR JOËL HERVE BOUDJA

Textes : Malachie 3 :1-4 ; Philippiens 1 :4-11 ; Luc 3 :1-6

Dans le passage de l'Évangile que nous venons d'entendre, vous aurez remarqué avec quels détails Luc dessine le tableau du « pouvoir » de son époque. Tibère est empereur. Ponce Pilate est gouverneur de la Judée. Hérode est au pouvoir en Galilée. Hanne et Caïphe détiennent le pouvoir religieux. Le pouvoir a l'air bien « en place », c’est-à-dire organisé, tracé,  fixé. « Sous Tibère, rien à signaler » écrivait un auteur romain à propos du rôle de Tibère dans la Palestine de Jésus.

Toutefois, à côté de ce banal tableau historique, Luc nous donne à entendre une voix, qui échappe aux prises de l’histoire. Cette voix nous invite au désert, où rien n’est tracé, fixé, établi. C’est une voix prophétique à défaut d’être royale : celle de Jean-Baptiste. Une voix qui fait un peu désordre dans ce tableau. « Préparez le chemin du Seigneur », dit-il en reprenant les mots d’Esaïe. Jean Baptiste n’invite pas à renverser le pouvoir ou à changer l’ordre établi. Mais, il nous invite à la conversion, c’est à dire « à prendre le chemin de notre désert ».

Le désert dont parle l’évangile, c’est l’inverse du pouvoir. C’est la démaîtrise, le risque. C’est un lieu où l’on prend finalement conscience de sa propre dépendance, de sa verticalité.

Prendre le chemin du désert, ce n’est pas déserter ou fuir ses responsabilités ! C’est accueillir l’absence. Le désert creuse alors en nous un désir, une soif. En ce sens, il est le lieu de la rencontre avec nous-mêmes. C’est le lieu de la conversion, de la conversation avec nous-mêmes !

Le désert n’est donc pas ce lieu vide où l’on n’entendrait rien, et où on prend la fuite. Il est fondamentalement ce silence intérieur où une voix, la nôtre peut-être, se donne à entendre.

Le désert est comme le vent de l’Esprit. Il est non ce qui parle, mais ce qui nous fait parler et nous aide à donner de la voix. Le désert n’est pas ce qui nous offre des réponses, satisfait notre désir. Il est ce qui suscite des questions, creuse en nous notre soif d’être.

Le désert est donc ce qui permet à notre voix de rayonner. Il est cet espace qui rend notre cœur disponible. Il est ce lieu de la rencontre, où ce qui se fait at- tendre se donne à entendre.

Le désert —comme le silence— nous confronte à nous-mêmes, à celui ou celle que nous essayons d’être. Il nous met face à nos incohérences émotionnelles. Face à notre pauvreté de langage ; à notre volonté parfois défaillante. Il nous confronte à celui ou celle dont nous ne voulons peut-être pas faire le deuil.   

Dans les déserts, il n’y a en effet pas de route toute tracée, mais justement un chemin à écrire avec ce que nous sommes, pas avec ce que nous voulons être. Aller au désert, c’est donc déplier la carte de sa vie, se mettre à l’écoute de soi, pour y voir toujours un salut, un relèvement possible. C’est un chemin de vérité avec nous-mêmes qui nous pousse à combler les ravins de la tristesse, à abaisser les montagnes de la suffisance.

Le désert est justement ce lieu où on ne peut stagner. Le désert est ce manque qui nous fait aller de l’avant. Oui, pour que la joie croisse, il faut parfois que notre ego diminue… Alors, quel que soit notre âge, malgré la routine, traçons patiemment ces routes dans nos déserts intérieurs. Certains chemins nous ferons prendre de légitimes détours à cause de nos blessures. D’autres nous feront perdre un peu de temps, vu nos maladresses ou nos peurs. D’autres chemins seront encore parsemés de tous les écueils de nos hésitations, de nos deuils et nous sembleront aussi naturels, rassurant, familiers.

Voilà ce chemin intérieur et que nous pouvons tracer avec l’aide de l’Esprit, au cœur même de nos existences personnelles parfois tortueuses.   C’est donc dans nos déserts, qu’il faut faire résonner cette voix.   Alors, une joie profonde se trouvera dans ces lieux essentiels que nous avons désertés… Ce lieu que nous désertons, c’est parfois nous-mêmes. Alors, osons l’intériorité. Osons apprivoiser le silence, habiter nos solitudes, y reconnaître une présence. A nous d’aplanir des routes. A nous de laisser résonner au fond de notre cœur cette voix de l’Esprit, qui nous donne d’accueillir avec confiance ce qui advient. Alors, ce temps de la venue sera pour nous source de joie véritable.

Il y a un jeu de mot en latin entre persona et per-sonare, ‘’faire résonner’’, ‘’faire retentir’’ et le mot personne. Jean Baptiste devient véritablement qui il est en faisant retentir sa voix dans le désert. A nous aussi de laisser résonner au fond de notre cœur cette voix de l’Esprit, qui nous donne d’accueillir avec confiance ce qui vient. Et si pour cela, il faut aplanir des routes, c'est qu'il reste bien des obstacles pour que vienne à nous Celui dont l’unique désir est de dire à notre humanité qu'il l'aime et qu'il l'attend.

Alors, à l'écoute de l'Esprit, préparons, chacun à notre mesure, les très nombreux chemins du Seigneur, faisons résonner ce que nous sommes réellement, pour que tout homme, toute femme voit le salut de Dieu.

Bien-aimés dans le Seigneur,

En ce deuxième dimanche de l’Avent, Dieu, ce matin, nous fixe à nouveau rendez-vous pour une grande fête, celle de sa rencontre en notre humanité. Il nous indique l'endroit, c'est-à-dire au plus profond de nous-mêmes. Et malheureusement pour nous, il ne nous indique pas le chemin à suivre. A chacune et chacun de le trouver, à partir de son histoire et de ses certitudes. Il y a autant de chemins qu'il n'y a de personnes dans cette assemblée. Cependant, c'est la même voix, celle de Jean le Baptiste qui crie dans nos déserts intérieurs : préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route.

Qu'est-ce à dire ? Tout simplement, inviter Dieu à entrer en nous, et cela exige un fameux remue-ménage. Nos routes intérieures sont tortueuses de nos maladresses, parsemées de nid-de-poule d'hésitations et d'objections, glissantes de nos trébuchements, durcies par nos entêtements. Elles ressemblent drôlement à certaines routes de nos pays d’Afrique.

Nous pourrions alors nous morfondre face à l'immensité de ce travail. Mais ce ne serait pas lire et comprendre l'évangile de ce dimanche jusque dans son dernier drapé : tous les hommes verront le salut. Une telle phrase serait une promesse de rêveur si elle ne nous ramenait à ce qui doit être sauvé en chacune et chacun de nous. Comme si se préparer c'était creuser dans notre terre propre jusqu'au moment où nous atteignons cette source d'eau claire à laquelle nous pouvons à nouveau venir nous abreuver, nous ressourcer pour repartir à la conquête de notre être intérieur, lieu de la rencontre avec le Christ. C'est faire de la place, enlever le secondaire et ainsi retrouver l'essentiel de nos existences.

Et si l'essentiel c'était d'oser à nouveau croire et proclamer à voix forte que Dieu s'est fait homme pour nous sauver. Mais, qu'est-ce, au fond, l'idée de salut ? Essentiellement ceci : que les choses peuvent être reprises, que rien n'est jamais perdu, définitif. Tout peut toujours reprendre, rien n'est inexorable, bref tout peut être sauvé. Comme s'il y avait une sorte de surabondance dans la venue de Dieu en nous. Si c'est tout cela, alors je crois que cela vaut vraiment la peine de s'y préparer.

Amen

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