DEBUT DU CONCLAVE : QUAND L’AFRIQUE FRAPPE AUX PORTES DU VATICAN
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FRANCE :: DEBUT DU CONCLAVE : QUAND L’AFRIQUE FRAPPE AUX PORTES DU VATICAN

L’ouverture d’un conclave à Rome est toujours un événement lourd de sens, à la fois spirituel, symbolique et stratégique. Derrière les portes closes de la chapelle Sixtine, des cardinaux du monde entier, parés de pourpre et porteurs de traditions diverses, se rassemblent dans un silence solennel. Le monde observe, espère, commente. Et au cœur de cette attente, une question revient sans cesse, parfois posée à voix basse, parfois criée haut : l’Afrique aura-t-elle, un jour, un pape ?

Mieux encore : le monde catholique est-il prêt à voir le visage du Christ incarné par un pape noir ? Cette question dérange, elle trouble certains cercles conservateurs, fait rêver d’autres, enrage quelques-uns. Pourtant, au-delà des émotions, le constat reste implacable : l’Église catholique se veut universelle, mais son centre de gravité reste encore suspendu à l’Europe.

Le collège cardinalice, bien qu’ayant évolué, demeure majoritairement eurocentré. Les alliances se tissent dans des couloirs anciens, les équilibres sont subtils, et le poids de l’histoire pèse sur chaque bulletin de vote. L’Afrique, malgré sa croissance spirituelle remarquable, y reste souvent reléguée à la périphérie symbolique. Ce recul s’explique aussi par des stéréotypes tenaces. Dans certaines mentalités occidentales, le leadership africain est encore vu avec réserve, parfois même avec une condescendance mal dissimulée.

Peut-on vraiment imaginer un Africain assis sur le trône de Pierre, dans cette institution millénaire, complexe, profondément codifiée ? Ces préjugés silencieux disent plus sur l’état de l’esprit humain que sur la capacité réelle d’un Africain à gouverner avec foi, intelligence et autorité morale. À cela s’ajoute une lecture réductrice de l’Église africaine, souvent présentée comme trop conservatrice, trop ancrée dans des doctrines traditionnelles jugées « rigides » par certaines voix plus libérales.

Cette étiquette de rigidité doctrinale freine les soutiens internationaux, bien que paradoxalement, c’est cette fidélité à l’Évangile qui attire tant de fidèles africains aujourd’hui. L’Afrique n’a jamais cessé de croire, même là où d’autres continents désertent leurs églises. Et pourtant, l’élection d’un pape noir aurait une portée immense.

Elle serait un symbole de justice spirituelle, une reconnaissance historique de la fidélité des Églises africaines. Elle raviverait l’espérance de millions de chrétiens du Sud, donnerait du souffle à une foi trop longtemps reléguée à la marge. Un pape africain ne serait pas un geste de charité institutionnelle, mais une affirmation : l’Afrique n’est pas l’avenir de l’Église, elle en est déjà le cœur battant. Ce pape porterait en lui les plaies et les promesses d’un continent. Il parlerait de pauvreté sans théoriser. Il dénoncerait l’injustice avec la voix de ceux qui l’ont vécue. Il appellerait à une écologie qui commence dans les bidonvilles et non dans les conférences climatiques. Il saurait faire entendre au monde que la foi n’est pas spectacle, mais combat quotidien pour rester debout dans un monde qui courbe les faibles.

Mais il faut aussi le reconnaître avec lucidité : si le regard sur l’Afrique est biaisé, certaines réalités spirituelles internes n’aident pas. La montée du mysticisme excessif, la marchandisation de la foi, l’obsession des miracles, le manque d’esprit critique face aux figures religieuses, et le divorce entre foi et engagement citoyen… Autant de dérives qui affaiblissent la crédibilité spirituelle de l’Afrique à l’extérieur, et parfois même de l’intérieur. Il ne suffit pas d’avoir des églises pleines pour dire que la foi est vivante. Encore faut-il qu’elle soit éclairée, engagée, et au service du bien commun. Ainsi, espérer un pape noir n’est pas une revendication identitaire.

C’est un appel à l’Église universelle à ouvrir les yeux sur ses marges. C’est aussi un appel aux Africains à purifier leur foi, à élever leur niveau d’exigence spirituelle, théologique, civique. Un pape noir ne changera pas tout. Mais il incarnerait un tournant. Non parce qu’il serait noir, mais parce qu’il porterait l’Afrique non sur sa peau, mais dans sa chair, sa mémoire et sa prière. Dans l’épaisseur du silence du conclave, quand les cardinaux votent un à un, un simple chrétien, africain ou non, peut murmurer cette prière : Seigneur, que ta volonté se fasse. Et si elle passe par la voix d’un homme venu de nos terres, donne-lui ta sagesse. Donne-nous, à nous aussi, d’être prêts à accueillir ce souffle nouveau.

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