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© Camer.be : Rév. Dr Joël Hervé BOUDJA
- 18 Apr 2021 07:45:31
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FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 18 AVRIL 2021 PAR LE REVERAND DR JOËL HERVE BOUDJA
Textes : Actes 3,13-19 ; 1 Jean 2,1-5 ; Luc 24, 35-48
Ils en ont eu, de la chance, les disciples de Jésus ! Il est apparu à deux d'entre eux sur le chemin d'Emmaüs. Et puis il se rend présent aux 11 apôtres et à leurs compagnons. Mieux : il leur offre de quoi le reconnaître : ses mains et ses pieds portent la marque de la crucifixion ; il mange même une part de poisson devant eux… Oui, ils ont vraiment eu de la chance, les disciples.
Car quoi pour nous, qui vivons 2000 ans plus tard ? Où et comment le reconnaîtrons-nous, lui qui ne nous est pas apparu ? Lui, le grand absent… Sommes-nous réduits à nous fier aveuglément à la parole de quelques hommes qui ont vécu 20 siècles avant nous ? En réalité, les textes de ce dimanche nous rejoignent au plus intime de cette question.
Si les évangélistes nous racontent l'apparition de Jésus, ce n'est pas pour nous donner une "preuve" que Jésus a bien été relevé de la mort ; c'est plutôt pour nous indiquer par quel chemin de foi il nous faut passer si nous voulons éviter de nous bercer d'illusions… Les trois textes que nous avons entendus parlent d'ignorance, de reconnaître et de connaître.
L'ignorance, pour nous, c'est le contraire du savoir. C'est de l'ordre du contenu. Dans la Bible, ignorer, c'est une forme d'incompréhension. C'est ne pas voir, ne pas comprendre le sens de ce que l'on vit, de ce qui nous est donné.
C'est, en quelque sorte, être aveugle. "Je sais bien, frères, que vous avez agi par ignorance, vous et vos chefs", déclare Pierre – ce qui ne manque pas de sel, quand on songe que Pierre lui-même a renié trois fois celui qui avait été son si proche… "Père, pardonne-leur, car il ne savent pas ce qu'ils font… : la supplique de Jésus a une portée extraordinaire, car ce qu'il dit, au sens propre, c'est que si les humains font le mal, jusqu'à tuer le plus juste d'entre eux, ce n'est pas qu'ils sont foncièrement mauvais ; mais ils ne comprennent pas, ils ne voient pas, ils sont sourds et aveugles.
Ils ont besoin d'être guéris…Ce qu'on appelle la conversion, c'est d'abord une forme de guérison, un retournement du cœur qui nous donne de voir, d'entendre, de vivre et d'intérioriser le sens de ce qu'il nous est donné de vivre.
Et c'est bien cela que nous raconte l'évangile de Luc. Les amis de Jésus ont beau avoir vécu avec lui, ils ne le reconnaissent pas. Pas vraiment. Ils ne sont sûrs de rien. Ni les disciples sur le chemin d'Emmaüs, ni les autres à Jérusalem. S'il ne s'agissait que d'avoir des "preuves", ils devraient être convaincus lorsque Jésus leur montre ses mains et ses pieds !
Mais non, parce la résurrection de Jésus, ce n'est pas une histoire de fantôme, de cadavre réanimé… D'ailleurs, à peine les disciples d'Emmaüs l'ont-ils reconnu, il disparaît à leurs yeux. Pour reconnaître Jésus ressuscité, il faut que les yeux s'ouvrent, il faut que le cœur s'ouvre, il faut que le cœur découvre le sens de ce qui a été vécu – et que l'on n'a pas compris à ce moment-là, que l'on n'a pas vu.
Il faut parfois une vie entière pour entrer dans l'intelligence d'une parole qui nous a été dite par un proche… Et qu'est-ce donc qui a permis aux disciples de Jésus de le reconnaître, c'est-à-dire d'intégrer au plus profond d'eux-mêmes, de faire leurs le sens de sa vie et de ses gestes ?
C'est d'abord quelque chose d'extrêmement simple, extrêmement humble. La fraction du pain, ce geste ultime posé par Jésus lors de son dernier repas avec ses amis, qui concentre tout le sens de ce qu'il est : donner, se donner.
Par amour… Les disciples vont enfin comprendre, de toute leur intelligence, de tout leur cœur, de tout leur être, que Jésus et sa Parole sont nourriture pour leur vie parce qu'il va manger devant eux.
Pas "avec eux", mais devant eux. Pour les premiers chrétiens, le poisson est le symbole de leur profession de foi : en grec, poisson se dit ichtus. En mangeant devant eux, Jésus les invite à voir enfin, à le contempler par-delà les limites de leurs sens. Chaque fois que nous partageons le pain, c'est cette expérience des premiers disciples que nous pouvons vivre nous aussi.
Mais pour entrer dans cette reconnaissance, dans cette compréhension intime de Jésus ressuscité, il nous faut encore, comme les disciples, entrer dans l'intelligence des Ecritures.
La Parole de Vie, déposée dans ces textes, n'est pas un contenu à lire, relire, répéter indéfiniment comme on répète une litanie. La Parole de Dieu est un chemin pour notre vie, elle l'éclaire et nous permet de la relire, d'en débusquer les fragilités et les failles, de mettre au jour nos forces et nos talents. Si le cœur des disciples d'Emmaüs est brûlant lorsque Jésus leur ouvre les Ecritures, c'est parce qu'enfin ils entendent cette Parole, ils la laissent pénétrer leur cœur ; ils la laissent les transformer.
Et voici que ce qui n'était qu'une histoire du passé devient leur histoire et celle de tous les humains. Et voici qu'ils deviennent capables, comme le Christ, de donner leur vie, de se donner par amour des humains – y compris et surtout ceux qui demeurent dans l'ignorance, c'est-à-dire toutes celles, tous ceux qui sont écrasés sous le poids de ce qu'ils vivent. Partage du pain. Rumination des Ecritures : deux chemins privilégiés pour reconnaître le Christ ressuscité. Mais reconnaître n'est pas suffisant.
Il est donné à celles et ceux qui suivent Jésus d'entrer dans la connaissance de ce qu'il est – qui est aussi bien la connaissance de Dieu, puisque le Père et le Fils ne font qu'un, dira Jean. Ce qui vérifie notre foi, c'est-à-dire ce qui la rend vraie, c'est l'amour.
C'est cette haute et humble tendresse que nous nous offrons les uns, les unes aux autres. "A ceci, tous sauront que vous êtes mes disciples, dit Jésus ; à la tendresse que vous aurez les uns pour les autres" (Jn 13,35). Et encore : "Celui qui dit j'aime Dieu, qu'il ne voit pas, et qui n'aime pas son frère qu'il voit est un menteur" (1Jn 4,20) "Celui qui dit je le connais et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur. Mais en celui qui garde sa parole, l'amour de Dieu atteint vraiment sa perfection." (1Jn 2, 4-5).
Rencontrer Jésus ressuscité, ce n'est pas faire une expérience paranormale. C'est se laisser emmener, se laisser transformer, c'est se découvrir capable de cette chose inouïe : aimer et vouloir la vie de tout humain. Frères et Sœurs dans le seigneur, Il y a quelques temps, une amie m'avait demandé de rencontrer une de ses proches qui venait de se séparer de son mari après seulement quelques mois de mariage et était en plein désarroi.
J'ai accepté de rencontrer cette jeune femme et rendez-vous est pris sur la terrasse d’un restaurant. Au cours de la discussion, racontant son histoire, elle se mît à pleurer. Je me voyais mal lui prendre la main alors que je ne la connaissais pas depuis plus d'une demi-heure. Je l'écoutais. Elle parlait, elle pleurait et me disait ô combien cela lui faisait du bien.
A un moment donné, me sentant épié, je regardai distraitement vers les tables voisines. Quelle ne fut pas ma surprise d'y croiser des regards de dureté, de haine à mon égard. Pour ces gens, j'étais vraisemblablement le mari méchant, incapable d'aucun geste de tendresse à l'égard de celle qui à leurs yeux devait être ma femme. Je n'en revenais pas et je n'avais qu'une envie : celle de me lever et de leur dire " bande de cons vous n'avez rien compris ". Mais par respect pour la jeune femme devant moi qui se libérait de son chagrin, je suis resté assis.
Si je vous raconte cet événement passé, c'est parce que je crois qu'il nous arrive très souvent lorsque nous sommes quelque part d'observer ce qui se passe autour de nous et d'analyser l'événement à partir de nos propres projections et fantasmes. Qui d'entre nous, dans un restaurant, voyant un couple qui mangeait et ne se parlait pas, ne s'est pas dit qu'ils s'ennuyaient ensemble alors qu'ils avaient peut-être tout simplement envie de ne pas cuisiner et d'être ensemble, tellement ils se sentent bien à deux, (à l'instar de notre seconde lecture).
La table n'est donc jamais un lieu neutre. Dans certaines familles, aimer c'est manger en regardant dans la même direction, c'est-à-dire la télévision. Manger de cette manière permet-il une véritable rencontre ? Je me permets de nous poser la question. Puis il y a ces tables familiales qui sont de véritables moments d'échange, de partage. Nous sommes rassemblés autour d'une table pour partager non seulement un repas mais également ce qui nous habite, un peu de ce que nous sommes lorsque nous sommes entre intimes.
Un repas n'est donc pas neutre et c'est vrai que la qualité de ce qui est servi contribue au plaisir d'être ensemble. La table familiale ou amicale est également un lieu où se traduisent certaines émotions. Nous prenons le temps de sceller entre nous certains types de relation. Parfois nous avons nos places, parfois nous les choisissons en fonction de nos affinités.
Le repas n'est donc jamais neutre et il dit quelque chose de ce qui se vit entre les personnes qui sont là et qui mangent ensemble. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles, dans l'histoire du Christ, nous pouvons nous étonner qu'il passe tant de temps à table.
Si nous relisons les évangiles, c'est frappant. Il mange à Cana, il s'invite chez Zachée pour aller manger, il mange plusieurs fois à Béthanie chez Marthe et Marie, il partage un repas avec des milliers de personnes lors de la multiplication des pains, il est à table lorsque Marie-Madeleine lui brise un flacon de parfum, il partage sa dernière Cène au cours d'un repas.
Voilà ce qu'il en est pour le Christ historique. Mais il a dû apprécier parce qu'il remet cela alors qu'il est ressuscité, il mange le long du lac de Tibériade, il est reconnu à table lors de sa rencontre avec les disciples d'Emmaüs et voilà qu'aujourd'hui, il mange à nouveau.
Il devait avoir un sacré métabolisme parce vu ce qu'il mangeait, comment se fait-il qu'il soit toujours représenté de manière aussi mince. J'en suis presque jaloux. Le Christ passe beaucoup de son temps à table car il avait sans doute compris que c'est un lieu essentiel de rassemblement, de partage, de moments de bonheur. Nous sommes alors invités à vivre cela au cours de nos repas eucharistiques.
Ils doivent être un moment où nous sommes bien les uns avec les autres et également avec Dieu. Ils sont importants car ils nous permettent de partager ensemble cet avant-goût de nourriture céleste qui nous rappelle que, de cette manière, nous formons ici sur terre le Corps vivant du Christ Ressuscité.
Ne soyons alors pas indifférents les uns aux autres alors que nous partageons un peu de notre temps dans cette église mais vivons nos cènes, nos communions, comme de véritables temps de partage car nous avons compris que c'est autour d'une table que le Christ nous rassemble.
Mais pas n'importe laquelle, nous sommes conviés autour de la table de la résurrection, celle qui nous fait découvrir ensemble que la vie se poursuit dans la vie éternelle. Telle est la joie de notre table eucharistique, de notre table de sainte cène. Que cette joie marque alors nos visages de croyants. Amen
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