AFFAIRE POLITIQUE : Une contre-enquête sur la disparition de Guerandi Mbara
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De Blaise Compaoré à Guillaume Soro en passant par les services secrets français, une vive lumière est faite sur tous ceux qui sont supposés avoir un lien direct ou indirect avec la mort de cet homme présenté comme un redoutable opposant au régime de Yaoundé. De cette enquête que livre Jean Marc Soboth, aucune trace de l’interrogatoire de Guerandi Mbara, aucune trace de sa détention dans les cellules souterraines de la DGRE, d’ailleurs, apprend-on, les services secrets du Cameroun ont été roulés dans la farine et ont vite fait d’effacer la dépouille à l’acide.

La mort de Guerandi Mbara a été annoncée à l’opinion le 14 septembre 2014. Les faits, eux, sont présentés par Jeune Afrique comme ayant eu lieu le 25 janvier 2013. En résumé, Jean Marc Soboth rapporte que Guerandi Mbara se rendait à un rendez-vous d’affaires devant aboutir à l’achat des armes, afin de venir livrer la guerre au régime de Yaoundé. Le puissant sédatif à lui administré par ses compagnons de voyage parmi lesquels José Alberto Fernandes Abrantes, un ancien colonel des forces spéciales portugaises reconverti dans la sécurité et le négoce des armes et résidant à Yaoundé, ne lui permettra plus de se réveiller. L’opposant, affirmait-on, avait été remis aux services secrets du Cameroun.

« Guerandi est remis à une équipe de la DGRE, dirigée par le commissaire James Elong Lobé, quelque part sur la route entre Édéa et Pouma, dans la région du Littoral… » De ce long récit, Jean Marc Soboth ressort à sa manière ce qu’il croit être juste, lui qui ne cache pas sa relation personnelle avec le disparu. Il apparait que s’il y avait quelqu’un qui en avait après Guerandi Mbara, ce n’était aucunement Paul Biya et son régime. Mais bien plus d’autres forces politiques qui se trouvaient au Burkina Faso, où ce militaire camerounais avait trouvé refuge au côté de Blaise Compaoré depuis son départ du Cameroun le 5 juin 1984. Le président burkinabé lui donna un passeport diplomatique de son pays d’accueil. Le nouveau nom de cet important acteur du coup d’Etat d’avril 1984 était Hamady Traoré.

Entre les deux hommes, nait une forte relation de confiance. L’un a été au coeur du coup d’Etat à Yaoundé. Le même a aidé le second à préparer le coup d’état contre Thomas Sankara. L’idylle est si forte que Guerandi est au coeur de tous les mauvais coups burkinabé. Il connait tous les acteurs d’Etat, il les forme même. Du temps passe, arrive le moment des premiers signaux de mécontentement de la part de Blaise Compaoré. Le portail des camerounais de Belgique. Qui ne s’affiche pas pour autant. « En 2009, Guerandi Mbara, conseiller très spécial et ami de longue date du président Blaise Compaoré est, déjà, en rupture de ban au palais de Kosyam. Cette fois-ci, la discorde est violente et irrévocable. Ses amis ouagalais le confirment : il a peur pour sa vie. Même sa femme Élisabeth ne sait pas où il vit, en plein Ouagadougou. Il se méfie de tout ce qui pourrait être proche de Blaise Compaoré dont il sait mieux que quiconque les méthodes en telles circonstances. ‘’Blaise’’ joue avec lui à chat et souris. Il lui envoie, semble-t-il, des dossiers pour l’endormir - cette information n’est pas confirmée. Mais il ne se fait plus d’illusion. L’ex-homme de confiance qui a formé la rébellion ivoirienne anti-Gbagbo avec des officiers français dans le nord du Faso sait que ‘’Blaise’’ et ses Français ne vont pas le laisser en vie. Il en sait trop long sur les micmacs d’une Françafrique militaire qui a établi sa base opérationnelle régionale chez ‘’Blaise’’. Mais, ‘’Blaise’’ le sait, on n’élimine pas un officier de la trempe de Guerandi comme on élimine le chauffeur personnel de François, son frère. Il faut du temps, des moyens et du tact. Il faut pouvoir associer les « services » français, mieux outillés pour mener un assassinat multinational qui ne permette pas de retracer le crime. Guerandi envisage de quitter définitivement Ouaga. Il ira se cacher à Paris. »

Avant de déposer ses valises dans la capitale française, ce militaire reçoit Henriette Ekwe, de passage à Ouaga. « Guerandi envisageait de quitter définitivement le Faso. En attendant, il vivait caché en plein Ouaga. Il n’hésita pas à confier à Ekwe qu’il ne fallait pas être surprise d’apprendre qu’il soit « trouvé mort quelque part, à tout moment ». Il en savait si long aux méthodes de la soldatesque version Diendéré. C’est à un point où, pour se parler en toute sécurité, il donnait rendezvous à la journaliste au milieu de la nuit dans un stade vague pour pouvoir parler en toute sécurité. Il lui révéla qu’il ne pouvait plus rencontrer sa propre épouse Élisabeth. »

Du côté de l’Hexagone, l’on pointe un doigt accusateur sur l’opposant camerounais, coupable d’aider des rebelles en Centrafrique. Nous sommes notamment en 2014. L’ancien officier de l’armée camerounaise est soupçonné d’y avoir installé 2000 hommes. Un colonel soudanais recruterait pour lui au Sahel, d’après le gouvernement camerounais. Ces hommes seraient stationnés à l’ouest du pays, annonce l’ambassade de France au pouvoir suprême. Juste pour renouveler l’antipathie entre les deux parties. Entretemps, Paul Biya reçoit Guillaume Soro en grande pompe en 2014, le même Soro qui fréquente alors le couple Guérandi. L’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne semble bien connaitre les mobiles de la mort de l’exofficier camerounais.

« Des proches de Soro que nous avons rencontrés lui avaient directement posé la question au sujet de la disparition de Guerandi Mbara. On espérait que l’ancien rebelle mettrait en branle son réseau pour secouer le régime Biya après la disparition d’un des instructeurs les plus amicaux de la rébellion ivoirienne. Camer.be. Pour toute réponse, Soro, impassible, a prétendu n’avoir plus rencontré Guerandi Mbara depuis les pourparlers de Linas-Marcoussis en janvier 2003. Plus important, l’ineffable Soro, en confiance, livre un secret d’État: il déclare que « les services secrets ne veulent pas qu’on ébruite cette affaire ».

Enfin de compte, il apparait que les services secrets camerounais avaient reçu Guerandi inerte, et le croyaient sous un sédatif. Ils espéraient l’exploiter au réveil, ce qui ne se produira jamais. Le corps est enterré, et exhumé après pour être trempé dans l’acide afin d’effacer toute trace. « En plusieurs années, nous avons, en effet, passé au peigne fin le système du renseignement camerounais, si poreux et aussi généreux en vantardises, pour trouver la trace d’un éventuel interrogatoire musclé, d’un témoignage oculaire ou d’une assertion volatilisée au cours d’une seule minute de vie de Guerandi Mbara en terre camerounaise. En vain (…) Paris et Ouaga veulent s’en laver les mains et fournir une explication «cohérente» à l’opinion hostile à la Françafrique, aux proches ouagalais et amis parisiens du de cujus. Yaoundé n’est pas à l’initiative. Cette donnée est constante. Il se peut qu’Étoudi ait été roulé dans la farine française », observe Jean-Marc Soboth dans son livre ‘’Le colis de Monsieur Biya.

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