Cameroun, Livre: Travers et revers du « Marché médiatique de la guérison divine au Cameroun »
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Cameroun, Livre: Travers et revers du « Marché médiatique de la guérison divine au Cameroun » :: CAMEROON

Les techniques et moyens de communication des pasteurs et prophètes des églises dites réveillées sont étalés dans un ouvrage rédigé sous la direction de Paul et Sariette Batibonak.

Paul et Sariette Batibonak, co-auteurs d’un ouvrage collectif publié chez l’Harmattan à Paris en décembre 2017 et intitulé, « Marché médiatique de la guérison divine au Cameroun » essayent de décrypter un phénomène qui a pris de l’ampleur dans notre société ces dernières années. Il s’agit de l’hyperactivité médiatique et communicationnelle des pasteurs des églises dites « réveillées » au Cameroun. Ce livre reparti en cinq thèmes d’analyse et qui tient sur 229 pages propose une réflexion générale sur « la renaissance médiatique laissant émerger une gamme de produits habilement vendus au public par le biais d’un marketing spirituel agressif ». Les questions autour des méandres de l’univers thaumaturge des tendances « pentecôtisantes » forcent l’intérêt des chercheurs en sciences sociales et sont évoquées à l’appui des faits saillants. Des réalités observées dans les villes de Douala et de Yaoundé. En avant-propos de ce livre, on peut lire que « l’idée d’un ouvrage collectif est née des constats récurrents autour de la guérison divine dans les métropoles camerounaises ». Les réflexions ont été menées par un groupe d’auteurs avec le soutien et la caution scientifique des universitaires de renom. L’Association Savoirs & Développement (S&D), en collaboration avec le Centre de Recherches, d’Etudes Diplomatiques, Internationales et Stratégiques (CREDIS) s’est déployée pour la mobilisation des ressources logistiques et financières ayant concouru à la production desdits travaux. Les techniques de collecte à ras le sol ont été utilisées principalement par l’équipe des chercheurs. Cet ouvrage se rapproche d’une série de recherches scientifiques et d’articles de presse sur la question. De plus, le style de certains extraits combine des formules empruntées au lexique hermétique de la « sociologie générale » et celui des « détectives ethnographes ». Un ouvrage dans une thématique connexe a été publié en octobre 2017 à l’Harmattan Paris, par Pr Sariette Batibonak intitulé « Discours anti-sorcellerie dans les pentecôtisme camerounais ».

D’après ces co-auteurs, « les leaders des pentecôtismes de la semiosphère culturelle et spirituelle camerounaise réussissent l’exploit d’accumuler des biens matériels sur le dos de leurs fidèles, toujours avides de miracle ». À grand renfort de publicité radiophonique et télévisée, ces entrepreneurs religieux, soulignent Sariette et Paul Batibonak, s’invitent partout, jusqu’à dans l’intimité des assoiffés de délivrance.

Pentecôtistes et catholiques face au télévangélisme

L’introduction générale de cet essai porte sur la « guérison divine médiatisée multifacette ». Cette entrée en matière est signée par le Pr Sariette Batibonak, anthropologue et méthodologue. Elle est par ailleurs Associate Professor à l’Institut universitaire de développement international (IUDI) où elle a été directrice de l’école doctorale. L’« offre des services de guérisons dans les pentecôtismes à Douala », constitue la première partie de cette réflexion. Elle est traitée par Jonathan Batenguene. La surreprésentation du télé-évangélisme pentecôtiste, la riposte du prêtre catholique père Hervé Marie à travers les Christades structurent diverses interventions. Daniel Bérenger Mvomo, doctorant en psychologie sociale, Alain Hugues Obame, juriste et André Wamba, anthropologue, ont également contribué à cet ouvrage codirigé par le couple Batibonak. Reste que les textes de cet ouvrage, déjà disponible dans les librairies (Denver et Peuple Noir à Yaoundé) au prix 16.400 F CFA, analysent les données quantitatives et qualitatives disponibles pour tenter de mesurer et d’interpréter le rôle et les déviances des faiseurs de miracles. Cet examen permet-il notamment d’envisager sérieusement la place dans ces pratiques pentecôtistes dans un élan de « discrimination négative » ?

En conclusion, il est à souligner : « Les marchés de guérison et de délivrance au Cameroun constituent des espaces concurrentiels où se choquent et s’entrechoquent les velléités de conquête des fidèles. Pentecôtistes et catholiques se livrent à une bataille sans relâche, conduisant ainsi à une adaptation de l’évolution de l’arène commerciale médicale. La prégnance du télévangélisme pratiqué par les leaders charismatiques dans les médias télévisuels privés camerounais se juxtapose aux modes opératoires thérapeutiques de ces « nouveaux »

guérisseurs évoluant hors des circuits médiatiques classiques. Cet ouvrage a le mérite de satisfaire un besoin scientifique important d’appréhension d’un phénomène religieux à fort impact socio-anthropologique ». Sans vouloir verser dans la polémique, il est temps que les pouvoirs publics à travers le Conseil national de la Communication, tout en respectant la liberté de culte et d’expression, régule les émissions diffusées sur les radios ou les télévisions de la délivrance évangélique.

Contact des auteurs : Email : savoir.dev777@gmail.com

Paul Batibonak « Il s’agit d’un contrat social spirituel dans le champ religieux »

Diplomate de carrière, chercheur en sciences sociales et co-auteur de l’ouvrage intitulé «« Marché médiatique de la guérison divine au Cameroun » , il laisse croire que les appels entendus lors des rituels de cette religiosité interpellent, attirent, fidélisent.

« Marché médiatique de la guérison divine au Cameroun », semble receler une contradiction. À sa lecture, on a l’impression que vous dénoncez l’hypermédiatisation des discours et activités des églises pentecôtistes et que, paradoxalement, vous reconnaissez la possibilité d’une « guérison divine ». Qu’en est-il exactement ?

À travers notre réflexion, nous présentons des phénomènes observables sur les terrains pentecôtistes dans les métropoles camerounaises. Nous évoquons l’économie des prières dites en vue de convoquer la guérison dans ces cercles religieux. À l’observation, il existe une offre et une demande explicite au sein d’un marché. Les « offreurs » de rituels thaumaturgiques, rencontrent les désirs des « demandeurs » de cure thérapeutique, dans une arène encline à cette complicité pour le commerce des biens ou des produits ou des services spirituels. Il s’agit donc d’un marché, d’un commerce ; dans un espace cultuel, où s’échangent des services a priori à la grande satisfaction de chacune des parties. Les uns se sentent interpellés et valorisés en raison de ce qu’ils attirent les fidèles en quête de soulagement, de délivrance. Les autres (fidèles) saisissent les bras tendus des prieurs, des délivreurs, des « thérapeutes spirituels » toujours très présents pour leur accorder du soulagement, en l’occurrence à travers leurs pratiques rituelles, exorcistes, médiatiques et médiales. Il n’est donc pas question de contradiction, mais des faits socio-anthropologiques décryptés par la plume des co-auteurs de ce chef d’œuvre.

L’appel à la « repentance des fidèles » et l’impératif d’« abandonner le péché », c'est-à-dire cesser le mal pour vivre conformément aux principes moraux, ne commande-t-il pas une violence rhétorique face à la gravité de la déchéance morale et éthique qui mine l’Afrique, particulièrement notre pays, le Cameroun ?

Les appels sont lancés par les prêcheurs, les prédicateurs, les leaders religieux pentecôtisants. « Se repentir », « abandonner le péché », sont des périphrases de la rhétorique de cette mouvance. Plus qu’un appel, il s’agit d’une forme de contrat social spirituel dans le champ religieux. Ces leaders semblent dire, nous avons des produits « efficaces » qui « fonctionnent », au sens anthropologique du terme, et ces produits ne sauraient être « gratuits ». Les appels entendus lors des rituels de cette religiosité interpellent, attirent, fidélisent. Par la suite, s’érige en contrepartie, un espace de jeu mené par des entrepreneurs religieux et médiatiques. On se trouve au cœur d’un jeu aux enjeux qui sont de taille. Les entrepreneurs, entre eux, se positionnent dans une espèce de concurrence : Qui aura la plus grande aura, la plus grande audience, le plus grand audimat ? Qui influencera la plus grande radiosphère, audiosphère, médiasphère ? Tels sont quelques enjeux de cette partie concurrentielle et entrepreneuriale.

En page 191 de votre ouvrage, vous présentez « la reconnaissance des patients et néo-biomédecins, comme mode de médiatisation », sans propagande mensongère. Pourquoi ?

Il existe effectivement des publicités « sans publicité ». Ce sont des exemples qui attestent de « l’efficacité » des médecins dits traditionnels. Des malades affirment avoir reçu la guérison par les pratiques des néo-biomédecins. Leurs discours ne témoignent-ils pas de l’efficacité, de la satisfaction et du « fonctionnement » de ces cures ? Les patients, après obtention de guérison, s’érigent en agents publicitaires, incarnant ainsi la « publicité ». Leur rétablissement témoigne des pouvoirs thaumaturgiques de certaines catégories de guérisseurs souvent ignorés et méconnus. Les publicités sans propagande mensongère sont ainsi attestées par cette contribution postée à la fin de cet ouvrage. Il importe seulement de la lire pour mieux cerner la pertinence de ce phénomène publicitaire « sans publicité ».

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