Zone Cemac : Le spectre de la dévaluation du Fcfa
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Président de la  Mutuelle Interafricaine des Consommateurs des Biens et Services – Miacbis, agent d'Encadrement Supérieur à la Banque des États de l'Afrique Centrale (BEAC),  diplômé  des études de  Banques et Finances à Université de Paris-X Nanterre et d’Analyse et politique économiques à Université de Yaoundé, Pierre Numkam se penche sur la situation de l’économie de la sous région Afrique centrale, au moment où Yaoundé s’apprête à accueillir un sommet de la Cemac.

Au moment où le Cameroun s’apprête à accueillir un sommet de la Cemac, la question d’un retour à l’ajustement structurel semble de plus en plus d’actualité. Qu’est-ce qui peut justifier une telle éventualité ?
Je voudrais avant toute chose vous dire merci de me donner par cet entretien l’occasion de partager avec l’opinion publique nationale et internationale mon expertise en tant qu’Auditeur Bancaire, spécialiste en risques bancaires, sur le sujet ô combien gravissime que vous évoquez. Mais avant de répondre à votre question, permettez-moi d’exprimer d’abord toute ma compassion et tout mon soutien aux victimes de la catastrophe d’Eséka que je n’ai d’ailleurs cessé de porter dans mes prières depuis lors car, depuis que ce drame est survenu le 21 octobre dernier, je m’étais astreint au silence devant l’Eternel Dieu pour Lui demander au regard des souffrances atroces de nos populations auxquelles on ne voit toujours pas se présenter une solution claire et satisfaisante en dépit du combat titanesque que nous menons pour espérer pouvoir faire changer les choses si on devrait en conclure, ainsi que le fait dire le poète Alfred de VIGNY à son LOUP dans La Mort du LOUP, si face aux problèmes qui nous accablent «gémir, pleurer, prier est effectivement lâche».

Je n’étais pas encore sur le point de reprendre de sitôt du Service mais le spectre qui est imminent d’une nouvelle dévaluation du Franc CFA par rapport aux monnaies étrangères m’oblige, en tant que sentinelle de notre société dans ce domaine si délicat et complexe, à rompre ce silence pour indiquer ce que je crois être la solution à cet épineux problème, convaincu d’ailleurs que «toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein» et de ce que l’amour filial commande que celui qui aime Dieu ou son père ne lui demande pas des comptes.

De-là vous devez avoir déduit de vous-même que l’éventualité d’un retour à l’ajustement structurel en ce moment où le Cameroun s’apprête à accueillir dans quelques jours un sommet des Chefs d’Etat de la CEMAC est justifiée par cette menace d’une nouvelle dévaluation du Franc CFA, l’objectif de l’ajustement structurel étant de tenter de la juguler. Mais il ne s’agit plus seulement d’une éventualité, mais d’une réalité incontournable puisque la menace d’une cessation de paiements de nos Etats vis-à-vis de l’étranger est réelle. La seule question qui mérite d’être posée maintenant est celle de savoir si l’ajustement structurel dont on parle tant est la solution idoine à ce problème qui urge. Ma réponse est non, car j’ai la ferme conviction ainsi que je vais vous le faire constater dans les lignes qui suivent que les Experts de la Banque Centrale (Banque des Etats de l’Afrique Centrale - BEAC) qui ont reçu des Etats membres de la CEMAC la charge de gérer leur monnaie commune et qui préparent les dossiers techniques sur lesquels statuent les Chefs d’Etat, ont caché à ces derniers la vérité sur les causes profondes et réelles de la menace qui pèse aujourd’hui sur leur monnaie commune. Vous conviendrez avec moi que si le diagnostic à un problème est mal posé, la solution adoptée sera nécessairement mauvaise et dangereuse surtout quand il met en jeu comme en l’espèce la vie de tout un peuple.

Le Gouverneur de la BEAC , Monsieur Lucas ABAGA NCHAMA et ses collaborateurs ont fait dire aux Chefs d’Etat de la CEMAC que c’est en raison de l’effondrement des cours des matières premières, notamment du pétrole dont le baril est passé de 104,1 dollars US en moyenne en 2013 à 50,9 dollars en 2015, que les Etats doivent faire «des ajustements au niveau budgétaire pour accompagner la politique monétaire qui a apporté pas mal de soutien à l’économie». Ceux du FMI précisent qu’à court terme, il faut augmenter les recettes et réduire les dépenses puis, à moyen terme, commencer à penser à des politiques structurelles pour adapter les économies au choc et pour diversifier de façon à ce que les économies puissent mieux répondre dans la durée à la nouvelle donne internationale. Sur ces analyses et prescriptions de leurs Experts, les Chefs d’Etat de la CEMAC réunis en session extraordinaire de leur conférence le 30 juillet dernier à Malabo en République de Guinée Equatoriale constataient dans le communiqué final sanctionnant leurs travaux ce qui suit : «s’agissant de la conjoncture économique et financière en zone CEMAC, les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont relevé le caractère particulièrement préoccupant de cette situation, en raison de l’effondrement des cours des matières premières. La Conférence a décidé de la mise en place d’un Programme de Réformes Economiques et Financières de la CEMAC (PREF-CEMAC), placé sous la présidence de son Excellence Denis SASSOU-N’GUESSO, Président de la République du Congo. Ce Programme s’appuiera sur un Comité de Pilotage (COPIL) comprenant les représentants de certaines structures communautaires et des Etats membres».

C’est de ce programme de réformes économiques et financières de la CEMAC qu’il s’agit de faire avancer au sommet de YAOUNDE. Mais il n’aura jamais le temps de produire les fruits escomptés pour résoudre le problème qui se pose avec urgence car  toutes les Institutions, aussi bien régionales qu’internationales et leurs Experts sont unanimes pour conclure, à la suite de leurs analyses, que la conjoncture économique devrait être, dans le meilleur des cas, aussi mauvaise en 2017 qu’en 2016, et  que c’est «d’ici fin 2018 que nous devrons commencer à voir le bout du tunnel». Or, le taux de couverture de notre monnaie par les réserves de change qui est l’indicateur par lequel on juge de l’état de santé de notre monnaie par rapport aux monnaies étrangères et qui est en quelque sorte le thermomètre qui indique à quel niveau doit intervenir la dévaluation de notre monnaie ne cesse de dégringoler : il était de 135 % au 31 Décembre 2008 pour ne plus être que de 111, 78% au 31 Décembre 2009, soit une chute de 23,3 points en 12 mois; au 31 Décembre 2010 il ne sera plus que de 92, 75%, soit une chute de 19 points pour les 12 mois de l’année 2010; au 31  Décembre 2012 il était de 87, 9%, soit une baisse de 4, 85 points les deux dernières années; au 31 Décembre 2013, c’est-à-dire de l’année où le baril de pétrole avait son niveau le plus élevé tel que signalé par les Experts de la BEAC, il était de 81, 57%, soit une baisse de 6, 33 points par rapport à son niveau 12 mois plus tôt. Au total, en cinq années du 31 Décembre 2008 au 31 décembre 2013 et alors que les cours de matières premières que produisent nos pays ne nous posent aucun problème particulier, le taux de couverture de notre monnaie a chuté de 53, 5 points.

C’est dire que la chute des cours de matières premières que nous vendons et qui n’intervient qu’à partir de 2014 est loin d’être à elle seule la cause de l’horreur que nos peuples doivent s’apprêter à vivre si nos dirigeants réunis à YAOUNDE dans les jours à venir ne sont pas inspirés de Dieu pour pouvoir prendre la décision qui nous soit salutaire. Je crois que vous avez bien compris que la cause du désastre que nous risquons de vivre encore et qui, s’il se produisait, sera  d’une gravité exceptionnelle comparée à ce qu’a été la dévaluation de janvier 1994 trouve davantage sa cause dans la politique monétaire apocalyptique  de l’actuel Gouverneur de la BEAC. En tout état de cause, les populations de la CEMAC doivent savoir que le taux de couverture de leur monnaie continue à chuter : il était de 73,6% au 31 décembre 2014, soit une perte de 7, 97 points par rapport à son niveau au 31 Décembre 2013; au 31 Décembre 2015 il n’était plus que de 55,6%, soit une chute de 18 points en 12 mois; depuis lors, il chute de 6 points en moyenne tous les trois mois et était de 37% au 31 Août 2016. Lorsqu’il aura franchi la ligne rouge de 20%, tout pourra arriver à tout moment.            

Quelles sont les conséquences d’un retour à l’ajustement structurel pour les pays de la sous-région en général et pour le Cameroun en particulier ?
Au regard du long exposé que je viens de vous présenter, vous devez avoir compris que je ne crois pas en l’ajustement structurel comme étant la panacée au problème qui se pose avec acuité et dont la cause est d’abord et avant tout monétaire et non économique; encore que, comme vous l’avez également constaté, l’ajustement structurel (ou Programme de réformes économiques et financières de la CEMAC) quelles que soient les mesures qu’il peut mettre en œuvre, ne produira pas des fruits avant 2018 alors que la dévaluation du Franc CFA qui est en cause est imminente et interviendra courant 2017 si nous ne trouvons pas et de toute urgence une solution appropriée à la chute continue et accélérée du taux de couverture de notre monnaie. Une telle solution, je me dois de le dire et de le répéter, est d’abord monétaire et non économique.   

Des économistes précisent tout de même que le Cameroun, la locomotive économique de la sous-région dont l’économie est plus diversifiée, peut en être épargné. Qu’en pensez-vous ?
Aucun économiste digne de ce nom ne peut soutenir valablement une telle acception, en moins qu’il n’ait rien compris du tout au problème qui se pose : il s’agit de sauver les populations de la CEMAC des menaces gravissimes d’une nouvelle dévaluation de leur monnaie commune et le Cameroun n’est pas en dehors de cet espace économique sous régional. D’autre part et même à considérer isolément le Cameroun, il faudrait bien que cet économiste nous dise comment est-ce qu’il entrevoit l’impact sur l’économie du Cameroun de la mise en œuvre des APE signés par le Cameroun qui ouvre désormais notre pays aux produits des pays de l’UNION Européenne, sans paiement d’aucun droits à l’entrée. C’est dire que, plus que les autres pays de la CEMAC, le Cameroun doit très urgemment adapter ses structures économiques aux normes et standards internationaux pour faire face à la concurrence des entreprises européennes s’il ne veut pas disparaître.

Est-ce que la sortie de la zone Franc peut être une des solutions pour sauver les économies de la sous-région ? Pourquoi ?
Non, absolument non ! Sortir de la zone Franc serait la pire des choses que nos pays puissent envisager de faire actuellement. Et puis, lorsque viendra le moment de quitter la zone Franc, il faudrait que le Cameroun et chacun de nos pays crée sa propre monnaie et qu’ils poursuivent leur coopération dans le domaine financier et non plus monétaire. Vous comprenez que je suis formellement contre ce qu’on appelle monnaie unique africaine qui n’est qu’une monstruosité pour celui qui sait ce à quoi sert une monnaie nationale. Maintenant pourquoi, la réponse serait longue à vous donner puisqu’il me faudrait évoquer des concepts fort techniques et délicats de la théorie monétaire, ce qui nous prendrait du temps. Mais on pourra y revenir quand vous le voudrez.

Pour ce qui freine la compétitivité des économies de la sous-région en général et du Cameroun en particulier, je pense que si nous gérons avec succès la menace qui pèse actuellement sur notre monnaie on aura résolu le problème : il faut repenser et réformer en profondeur notre système monétaire et bancaire. Permettez que je n’en parle pas plus maintenant mais chacun peut aisément constater comme je l’ai démontré ci-dessus que la cause du problème qui nous menace actuellement est d’abord monétaire et non économique, et que la solution pour éviter cette dévaluation de notre monnaie qui est imminente est également monétaire et non économique. Vous savez, pour ceux qui font une lecture spirituelle des évènements de notre monde, ils attestent que quand Dieu nous montre à l’avance un problème qui doit nous arriver, Il nous montre aussi à l’avance la solution idoine pour y faire face.  

Que pensez-vous de l’efficacité du gendarme  des banques de la sous-région, au regard du scandale que  connaissent les banques, la Bicec notamment ?
J’ai mal au cœur quand vous me posez une telle question au regard de la gravité des exactions répétées perpétrées ici et là par la COBAC dans les Banques et MICROFINANCES. Mais ce que vous ne savez peut-être pas est que, à la tête de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) tout comme à la tête de la BEAC, trône la personne, Monsieur Lucas ABAGA NCHAMA, Gouverneur de la BEAC d’un côté et Président de la COBAC de l’autre. Mais si jusqu’à présent les Pouvoirs publics ont continué à fermer leurs yeux et leurs oreilles aux pleurs et aux soupirs du bas peuple clients de COFINEST, COMECI et autres qui se meurent chaque jour des actes scandaleux qu’il n’a cessé de perpétrer dans les banques, je pense qu’ils doivent réagir maintenant que les actes qu’il pose aujourd’hui par la BEAC et qui sont des crimes économiques menacent la monnaie commune aux six Etats membres de la CEMAC, et donc la souveraineté-même de ces Etats.

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