RETOUR DE NKURUNZIZA SUR LA SCENE POLITIQUE : Quand la communauté internationale encourage la dictature
BURUNDI :: POINT DE VUE

BURUNDI :: RETOUR DE NKURUNZIZA SUR LA SCENE POLITIQUE : Quand la communauté internationale encourage la dictature

La communauté internationale, à l’unanimité, a condamné en des termes on ne peut plus explicites, la tentative de putsch opérée au Burundi par le général Niyombaré contre Pierre Nkurunziza. Les USA fondent leur position sur le fait que le pouvoir de Nkurunziza est légitime. Dans le principe, l’on peut comprendre que tant que son deuxième mandat n’est pas arrivé à son terme, il continue d’être le président légitime du Burundi. L’on peut comprendre aussi que les changements de régime par des voies non constitutionnelles soient blâmés avec fermeté par tous. Mais ces principes nobles, il faut le souligner, ne doivent s’appliquer qu’aux régimes véritablement démocratiques. Ce qui n’est pas, de toute évidence, le cas du régime de Pierre Nkurunziza. En effet, la même communauté internationale, les USA en tête, avait dénoncé avec force la candidature de Nkurunziza à un 3e mandat à la tête de son pays. L’UA (Union africaine) notamment, en s’appuyant sur les accords d’Arusha et les textes burundais, l’avait jugée anticonstitutionnelle. A cette opposition franche de la communauté internationale, il faut ajouter celle des forces vives, morales et politiques du pays. Tous avaient demandé avec insistance à Nkurunziza de débarrasser le plancher. Mais rien n’y fit.

Aucun dictateur ne peut être légitime

L’homme fort de Bujumbura a décidé de narguer tout le monde, en poursuivant sa marche forcenée vers la confiscation du pouvoir. Dans la foulée, il a ordonné à sa police de réprimer par tous les moyens les Burundais qui n’attendent pas assister les bras croisés à l’assassinat de la démocratie dans leur pays. Et c’est ce que la police fait avec brio, au nez et à la barbe de tous ceux qui s’offusquent aujourd’hui de la tentative du général Niyombaré de mettre fin aux dérapages criminels du maître de Bujumbura par un coup de force. Au coup de force de Pierre Nkurunziza contre les institutions démocratiques du Burundi, le général Niyombaré a tenté de répliquer par un autre coup de force. Dans ces conditions, l’on peut s’étonner de voir les USA se retrancher derrière la légitimité de Nkurunziza pour justifier leur opposition au putsch du général. De quelle légitimé parlent les Américains ? Si par légitimité, il faut entendre ce qui est fondé en raison, en droit et en justice, il faut avoir le courage de reconnaître que le pouvoir de Pierre Nkurunziza a perdu toute légitimité, dès lors que ce dernier a pris la liberté de violer en toute conscience ce qui faisait la légitimité de son pouvoir, c’est-à-dire la Constitution de son pays et les accords d’Arusha. Et puis Pierre Nkurunziza n’a que faire de la légitimité. Ce qui le préoccupe, c’est de demeurer le plus longtemps possible au pouvoir, quitte à marcher, comme il est en train de le faire, sur les corps de ses compatriotes. Aucun dictateur ne peut être légitime. Certes, le général Niyombaré est un putschiste, mais Nkurunziza aussi, pour avoir perpétré un coup de force contre les institutions démocratiques de son pays, ne l’est pas moins. Face donc à ces deux maux, il fallait choisir le moindre. Et le moindre dans le cas d’espèce , c’est le coup de force du général Niyombaré contre les manières arbitraires et dictatoriales de Pierre Nkurunziza.

En déroulant le tapis rouge pour le retour de Nkurunziza, la communauté internationale lui a accordé un quitus pour assassiner les fantassins de la démocratie
Car, le peuple burundais avait fondé beaucoup d’espoirs sur l’action des putschistes. Et il l’a fait savoir explicitement, en défilant dans l’allégresse dans les rues de Bujumbura. Il avait d’autant plus raison de le faire que le patron des putschistes avait lui-même, dans une déclaration qu’il leur avait adressée, martelé que son objectif n’était pas de s’emparer par la force du pouvoir, mais de débarrasser le pays d’un tyran et de permettre, de ce fait, à la démocratie de poursuivre son bonhomme de chemin. De ce point de vue, l’on peut dire que son action est non seulement légitime, mais aussi patriotique parce qu’elle s’inscrit dans le sens de l’intérêt général contre l’intérêt d’un individu. La communauté internationale devrait donc la percevoir comme un mal nécessaire. Dans l’histoire politique des pays, des putschs de ce genre ont déjà eu lieu. Ce fut par exemple le cas en 1974 au Portugal lors de la révolution des œillets, laquelle fît basculer le pays dans le camp de la démocratie et favorisa la marche des peuples africains vers l’indépendance, eux qui ployaient sous la tutelle coloniale portugaise. Plus proche de nous, l’on peut citer l’exemple du putsch opéré par l’armée du Niger à l’effet d’empêcher le président Tandja de s’accrocher au pouvoir en tripatouillant la constitution de son pays.

Pour toutes ces raisons, l’on ne doit pas craindre de dire que la communauté internationale, en condamnant le putsch du général Niyombaré pendant que celui-ci était en cours, a contribué aussi à le faire capoter. De ce fait, elle a encouragé d’une manière ou d’une autre la dictature de Pierre Nkurunziza. Et au-delà de Pierre Nkurunziza, elle encourage toutes les dictatures qui, sous nos tropiques, suivent avec le plus grand intérêt la situation au Burundi. Ce faisant, elle a déroulé un tapis rouge pour le retour de Nkurunziza sur la scène politique de son pays et lui a accordé un quitus politique voire moral pour assassiner les fantassins de la démocratie. Et ce ne sont pas les cris d’orfraie que les uns et les autres sont en train de pousser, appelant à un procès équitable des présumés putschistes qui vont l’en dissuader. Mais à quelque chose, malheur est bon. Les peuples africains peuvent désormais tirer cette leçon : tant qu’un dictateur ne s’attaque pas aux intérêts de l’Occident, il peut massacrer comme il veut et quand il veut, son peuple. Il revient donc aux Burundais de s’assumer, comme a su bien le faire le peuple burkinabè les 30 et 31 octobre 2014 derniers. Car , l’esclave, comme l’a dit Thomas Sankara, qui ne prend pas conscience qu’il peut se débarrasser de ses chaînes, « ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Seule la lutte libère. »

© Source : Le Pays

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