Emeute de février 2008 : Le gouvernement veut rouler les victimes
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Mis sous pression par l’Onu depuis 2013, un groupe de travail interministériel a effectué plusieurs missions, a rencontré tout le monde sauf les victimes. Celles-ci à Douala battent en brèche un rapport transmis au conseil des droits de l’homme. L’existence d’un collectif divise, l’honorable Nitcheu crie au scandale, Madeleine Affité pour sa part craint des arrangements souterrains, tandis que Paul Eric Kingue est pointé du doigt.

Le pli-fermé intitulé "résolution du conseil des droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme au Cameroun" adressé au ministre des Relations extérieures (Minrex) du Cameroun par le Représentant permanent aux Nations Unies, l’ambassadeur Anatole Fabien Marie Nkouet dont Emergence a eu copie met le gouvernement camerounais sous pression. Dans cette correspondance datée du 26 mars 2014, l’ambassadeur indique à sa tutelle qu’il a "l’honneur de vous soumettre sous ce pli, pour examen et suite à donner, la résolution A/HCR/RES/25/R.1 adoptée le 24 mars 2014 à 17h00 par le conseil des droits de l’homme des Nations Unies, au terme de l’examen de la plainte portant sur ces évènements (émeutes de février 2018 Ndlr)".

Dans cette résolution en effet, le 24 mars, le conseil des droits de l’homme "au cours de sa 2ème réunion à huis clos (…) a décidé de garder  la situation relative à la République du Cameroun à l’examen et de demander au gouvernement  camerounais de communiquer au conseil, avant sa 20ème session, des renseignements supplémentaires sur toutes les allégations faisant l’objet de la requête, y compris au sujet du nombre de victimes" précise le rapport du conseil. Toute chose qui fait dire à l’ambassadeur sus-citée à sa hiérarchie qu’"en effet, les Etats-Unis et leur allié traditionnel, le Royaume Uni de Grande Bretagne me semblent, de par leurs déclarations, prêts à chercher la petite bête noire dans ce dossier". Le représentant permanent du Cameroun au Nations Unies (Un) se veut plus sentencieux lorsque dans la même correspondance, il indique à sa hiérarchie que "c’est donc dire que le Cameroun est désormais dos au mur et ne se verra plus offrir une porte de sortie supplémentaire lui permettant d’éviter l’escalade des mécanismes qui se cache derrière cette manœuvre". C’est ainsi qu’il sollicite aussi par ailleurs d’"être reçu en consultation pour exposer de vive voix les enjeux de ce dossier désormais plus que sensible".

Mis donc sous pression, le chef de gouvernement sera instruit par la présidence de la République à créer un Groupe de travail. La décision n°0363/SG/PM du 16 mai 2014 va mettre sur pied ce groupe constitué aussi bien des responsables de la Direction générale des renseignements extérieurs (Dgre), de la Délégation générale à la sureté nationale (Dgsn), de la gendarmerie nationale et des fonctionnaires de différents départements ministériels. Disposant d’une quarantaine de jours pour collecter des données sur le terrain. Au cours d’une mission ce groupe de travail séjournera aussi bien à Mbanga, Njombé-Penja, Douala dans le Littoral, Bamenda, Santa dans le Nord-Ouest, Dschang à l’Ouest et d’autres localités identifiées comme foyers des émeutes de février 2008.

Mystères

Selon des informations glanées à bonnes sources, ce groupe de travail dans son rapport, va proposer une liste de 24 victimes à indemniser. Ce que va contester l’Onu qui va à son tour renvoyer une liste "constituées de plus d’une quarantaine de personnes à indemniser" a indiqué une source proche de l’affaire qui a requis l’anonymat. A ce sujet, plusieurs listes circulent. Selon les mêmes indiscrétions, "il y a au moins 4 listes différentes".

Où le bât blesse, certaines victimes rencontrées à Douala s’indignent du travail de la mission interministérielle. "Ils ne nous ont jamais rencontrés" susurre Cyrille Tiwa, Président des jeunes victimes des émeutes de février 2008 et fils de Tiwa qui ce 28 février 2008, a reçu une balle et en est mort. Pour justifier cette approximation dans le travail interministériel, dans son rapport au 40ème point, il est indiqué que "cette identification n’a pas été exhaustive à cause de la tenue approximative des archives, des incendie survenus et ayant ravagé bien de documents, des pratiques de certaines populations tenant de traditions et de religion et lesquelles amènent à ne pas recourir aux services de la morgue" tente de justifier le rapport.

Pourtant ce même groupe a rencontré des personnes que d’aucuns présentent comme des non-victimes "qu’on tente de présenter comme des victimes". Allusion est faite ici à Paul Eric Kingué ancien Maire de Njombe. En effet, une fiche de collecte des données du groupe de Travail, prouve bien qu’il s’est fait représenter par Célestin Djamen à une consultation le 18 juillet 2014 à Douala. Très peu filtre de ce que se sont dites les deux parties.

L’indemnisation divise

Pour autant, les différentes parties prenantes ne s’entendent pas sur la forme par laquelle elles devraient être indemnisées. Des divergences divisent le "collectif des victimes de février 2008". Madeleine Affité, ancienne responsable de l’ACAT- Littoral, Ong chrétienne contre la torture et la peine de mort pense que les membres de ce groupe «vont fabriquer les victimes pour se partager l’argent il n y a jamais eu de collectif  et les gens qui manœuvrent veulent se faire de l’argent sur le sang des victimes". Même son de cloche chez les victimes. "Jamais entendu" indique Cyrille Tiwa.

Pour Célestin Djamen qui est accusé d’être l’un des manœuvriers, "je suis très proche de l’ancien maire et quand j’arrivais au Cameroun, le collectif existait déjà". Il en est de même de l’honorable Jean-Michel Nitcheu vers qui un doigt accusateur est pointé par certaines victimes.  En criant au scandale, le provincial du Social democratic front (Sdf) pour le Littoral indique qu’il n’est pas "au courant de l’existence d’une telle association". Il n’en revient pas, parce que "tous les ans depuis 6 années, j’organise des activités dans le cadre de la commémoration des martyrs du 28 février". Tout en n’étant pas au courant d’une telle organisation, il rappelle tout de même que "ça fait partie de nos revendications qui sont l’indemnisation des familles des justices". Quant à la mission du groupe de travail, le député pense que « c’est de la pure diversion, on ne peut pas enquêter sur les victimes et ne pas m’associer" parce que selon l’honorable "je revendique une attention particulière pour ces victimes".

Quant à Paul Eric Kingue dont plusieurs sources indiquent son rapprochement avec le régime de Yaoundé face à ce qui est convenu d’appeler "sa détention illégale", l’honorable est sans appel. "Paul Eric Kingue n’est pas une victime, il est du Rdpc, il n’est pas représentatif de tout ce qui s’est passé" fulmine-t-il. Et de poursuivre, "s’il négocie avec ses amis du Rdpc, qu’il le fasse, mais pas au nom des victimes".

Quoiqu’il en soit, les victimes comme les organisations de la société civile proches du dossier sont fermes : "pour indemniser, il faut que la justice soit rendue". Pour cela, indiquent- ils presqu’en chœur, "les victimes n’ont pas besoin pour le moment d’être indemnisées, mais que justice soit faite" argue Madeleine Affité. Ce qui pourra, vu sous ce prisme compliquer la situation parce qu’autant le rapport du groupe de travail montre les limites pour aboutir à ce vœu, autant, comme le précise Madeleine, "ils ont refusé qu’on établisse les certificats de genre de mort et tous les autres justificatifs".

© pauljoelkamtchang.eklablog.net : Paul- Joël Kamtchang

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