Lékié, Adamaoua, Oligarchie : La Fracture Territoriale du Pouvoir au Cameroun
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Lékié, Adamaoua, Oligarchie : La Fracture Territoriale du Pouvoir au Cameroun :: CAMEROON

Le débat autour de la prétendue « marginalisation » du département de la Lékié, récemment relancé par le journal Le Messager, est plus qu'une simple polémique. Il met en lumière une réalité sociopolitique qui peine à être acceptée : la concentration du pouvoir d’État entre les mains d’une poignée de départements et de clans. La plainte, suscitée par le retrait d’un prestigieux poste de Procureur Général à une élite de la Lékié, pourrait paraître anecdotique si elle ne révélait pas la profondeur de la fracture territoriale et l’appropriation des institutions par une oligarchie politique bien établie.

Parler de marginalisation pour la Lékié est, pour beaucoup, une ironie cinglante, voire un signe de déconnexion totale avec la réalité de la répartition du pouvoir au Cameroun. Un simple survol des nominations aux postes stratégiques révèle, au contraire, une omniprésence tentaculaire de ses élites dans les rouages essentiels de l’État. De la direction du Cadastre (Eyebe Ayissi) à celle de la Gendarmerie (Galax Etoga), en passant par des postes clés au sein de la Présidence de la République (Benoît Ndong Soumhet), de la CAA (Adolphe Ndongo), ou des institutions régionales comme la CEMAC (Charles Assamba Ongodo), la Lékié exhibe une constellation impressionnante de ministres, de directeurs généraux, de PCA, de recteurs et de hauts cadres. Cette densité institutionnelle pousse à s'interroger : la Lékié n'est-elle pas devenue un véritable État dans l'État ?

Le cynisme de cette plainte est amplifié par la comparaison avec des régions entières, comme l’Adamaoua, qui vivent une véritable invisibilité administrative et politique. Avec cinq départements et plus d’un million d’habitants, l’Adamaoua ne dispose d’aucun ministre de plein exercice avec portefeuille. Cette situation, partagée par d'autres régions du Nord, de l'Est ou du Littoral périphérique, démontre que la République n'offre pas l'égalité à tous ses citoyens. Ces zones, dépourvues de poids politique et souvent délaissées en matière d'investissements, ne bénéficient pas de la pluie de nominations accordée ailleurs, ce qui alimente un sentiment de citoyenneté à deux vitesses.

Cette concentration n’est pas le fruit du hasard, mais un schéma structurel qui caractérise le système de gouvernance au Cameroun. Il se manifeste par la transmission des postes au sein des mêmes familles et le verrouillage des institutions par des clans fidèles. La nomination devient alors une récompense de loyauté plutôt qu’une reconnaissance du mérite ou une responsabilité publique au service de la nation.

La question fondamentale qui en découle n'est pas celle de la Lékié, mais bien celle de la propriété de la République. À qui appartient l’État camerounais ? Tant que l’administration restera perçue comme un héritage familial et un fief territorial, le Cameroun ne pourra pas avancer vers une véritable égalité républicaine. La Lékié ne manque ni de postes ni d’influence, elle pourrait seulement manquer d'un peu de lucidité face à la réalité vécue par d’autres départements qui se battent pour la simple visibilité.

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