Échec de la privatisation du rail : Bolloré et le déshonneur des chemins de fer camerounais
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La privatisation de la Régie des chemins de fer du Cameroun (Regifercam) en 1999, sous la pression des Programmes d'Ajustement Structurel imposés par le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale, devait marquer le début d'une ère de modernisation.

Confier la gestion du réseau ferroviaire à un consortium mené par le groupe français Bolloré, à travers la société Camrail, avait pour objectif d'injecter des capitaux privés pour le renouvellement des infrastructures et l'amélioration des services. Plus de deux décennies après l'octroi de cette concession de trente ans, le bilan dressé par de nombreux observateurs est accablant, symbolisant un échec cuisant de cette forme de partenariat public-privé.

Le diagnostic est sans appel : les promesses d'investissements massifs, telles que l'ambitieux plan ferroviaire de 2012 incluant un hypothétique TGV, sont restées lettre morte. Non seulement aucun kilomètre de rail n'a été ajouté au réseau, mais plusieurs lignes secondaires autrefois exploitées, comme Otélé-Mbalmayo et Mbanga-Nkongsamba, ont été abandonnées.

L'opérateur a certes revendiqué des investissements annuels pour la maintenance et l'acquisition de matériel, mais ces efforts ont été jugés insuffisants pour pallier la vétusté structurelle du réseau, dont une grande partie remonte à la période coloniale. Cet arbitrage constant en faveur de la rentabilité du fret, qui génère l'essentiel du chiffre d'affaires, au détriment du service passagers et de l'extension du réseau, soulève de graves questions sur le respect des engagements initiaux et l'intérêt national.

L'échec de cette privatisation a atteint son point culminant avec la tragédie d'Eséka en octobre 2016, où le déraillement d'un train de voyageurs a causé la mort de 79 personnes et fait des centaines de blessés. Ce drame, le pire de l'histoire ferroviaire du pays, a mis en lumière de manière sanglante les lacunes criantes en matière de maintenance et de sécurité, alimentant une vive indignation et cristallisant le sentiment que les intérêts privés du concessionnaire primait sur l'intérêt général et la vie des usagers. L'accident a d'ailleurs poussé l'État à annoncer un audit du contrat de concession et à réclamer une transparence contractuelle accrue.

Malgré les instructions du Président Paul Biya pour lancer la renationalisation du patrimoine ferroviaire et la création d'une société de patrimoine, ces tentatives de réforme ont été freinées par la complexité juridique du contrat et l'influence des alliés de Bolloré.

Aujourd'hui, bien que le groupe français ait cédé ses activités logistiques africaines à MSC (et renommé Camrail en AGL pour ses autres opérations dans la région), l'héritage de la concession demeure. Cet épisode est une leçon amère : il illustre la nécessité pour le Cameroun de réaffirmer son contrôle sur ses infrastructures vitales et de s'assurer que les Partenariats Public-Privé (PPP) servent la stratégie de développement national.

La voie à suivre passe désormais par une évaluation indépendante des dégâts causés, par la remise en question du modèle de concession, et par un investissement massif dans les infrastructures pour une véritable souveraineté des transports.

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