MA DESCENTE A LA PRISON DE BANGANGTE (Acte 2).Ce que j’ai vu et entendu
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Après l’Acte 1 de ma descente à la Prison de Bangangté, je n’ai pas eu le courage de poursuivre mon récit par le présent Acte. Tellement c’était affreux ce que j’ai vu et entendu.

Après mon entretien avec NGATCHA William Stéphane et BIAWA TOUMENI Caleb avec lesquels je me suis entretenu en premier, j’ai invité le responsable du Poste de Police de la Prison à me faire venir les autres détenus de la prison, à sa convenance.

Je m’appelle YOUMBI MOUGOUE Gabriel. J’ai été arrêté le 27 Octobre 2025 à 03  heures du matin, en plein sommeil. Nous avons entendu seulement la porte principale être fracassée et nous nous sommes retrouvés devant des éléments de la gendarmerie encagoulée, visages complètement couverts. Ils ont crié : « où est le Lockcé, où est le Lockcé ? mains en l’air ! sortez sortez sortez ! Couchez-vous couchez-vous ! nous nous sommes retrouvés tous à terre en une fraction de seconde. Ils nous ont déshabillés et nous ont liés nous trois avec nos propres habits et nous ont amenés à la Brigade Ter de Gendarmerie de Bafang. Ils nous ont torturés partout sur le corps, nous ont transférés à Bafoussam sans que je ne sache pourquoi. Je n’ai rien cassé. Je n’ai pas marché non plus. Nous avons été gardés à vue sans aucune assistance de personne du 27 Octobre 2025 au 04 Novembre 2025 à la Légion de Gendarmerie de l’Ouest. Le 04 Novembre 2025 on nous conduit au Tribunal Militaire et un Monsieur, sans nous poser la moindre question nous a remis un document et par la suite on nous a embarqué pour la Prison de Bagangté où je me trouve. 

Qui est le Lockcé ?
C’est un gars du quartier qui a les LocKs sur sa tête. Peut-être  c’est lui que les éléments du GPIN venaient chercher. 
Vous avez dit les éléments du GPIN ?
C’est ce qui était marqué sur leurs tenues.
Est-ce qu’on a alors arrêté le Lockcé ?
Non !
Puis le gardien de Prison me fait venir un autre détenu.

A sa vue, j’ai essayé tant bien que mal de détourner mon regard, pour qu’il ne le croise pas. J’ai dû tourner la face pour qu’il n’observe pas ma mine. Il s’agit de Monsieur TCHEUKO Wilfried. Il présentait sur ses deux bras de larges cicatrices encore fraiches et rougeâtres, que sa peau toute noire a du mal à dissimuler. Je pouvais en compter dix au huit au moins. Et moi de lui poser la question de savoir ce qui lui est arrivé ? ce sont les gendarmes qui m’ont fait ça, me répond-t-il.
J’ai été arrêté le 28 Octobre à 03 heures environ à la maison. Nous dormions déjà. Notre maison est située à Loksac avant dernier poteau. Des gens aux visages couverts ont défoncé notre porte et nous ont arrêtés. Ils nous ont tabassé à la machette, au fer, à la chicotte, à la matraque, avec les crosses des fusils et des tuyaux. Partout sur le corps. Nous essayons de protéger nos visages avec nos mains, d’où les blessures. 
Quel âge avez-vous ? j’ai 18 ans. 
Ce sont les seules séquelles que vous avez ? spontanément, TCHEUKO Wilfried s’est levé et a enlevé son tricot.

Mon Dieu. Il n’y avait sur son tronc aucun espace où les traces de torture ne soient visibles. Sur tout son torce, il est couvert des mêmes cicatrices encore fraiches et rougeâtres, et même des traces de brulure.
Vous étiez seul à subir ce type de torture ? non. Mon cousin a subi le même traitement et il a les mêmes marques de torture. Nous avons été massacrés de notre lieu d’arrestation jusqu’à la Brigade et même à la Brigade.
Comment s’appelle votre cousin ?
DOUMBEU Patrice. Il a aussi  18 ans.
Avez-vous marché ? 
Alors qu’il hésite, je lui dis qu’il a intérêt à me rapporter la vérité afin je puisse mieux l’assister. 
Oui Maître, j’ai marché.
Votre cousin aussi ?
Oui Maître.
Pourquoi avez-vous marché ?
Pour le changement Maître. 
Avez-vous cassé quoique ce soit ? non Maître.
Nous étions dans la foule et cette foule n’a rien cassé. Elle marchait avec les drapeaux du Cameroun et l’arbre de la paix.
C’est bien. C’est votre droit constitutionnel de marcher. Ce n’est pas un crime de le faire. La loi le permet.
J’étais vraiment révolté et je n’ai pas eu la force nécessaire pour continuer à suivre le récit des mêmes évènements à travers d’autres détenus, surtout ayant déjà été suffisamment édifié. Sur ce j’ai quitté les lieux. 

La suite des évènements, TCHEUKO Wilfried et DOUMBEU Patrice les ont vécus avec YOUMBI MOUGOUE Gabriel.
De toutes ces visites dans les différentes prisons, je ne me suis pas empêché de penser qu’il y’aurait au seing des forces de maintien de l’ordre, notamment dans la Police et la Gendarmerie, certains éléments qui traitent d’autres camerounais comme des ennemis de guerre. Mais est-ce suffisant puisque même la guerre à ses règles ? En guerre, il est strictement interdit de torturer ou de porter atteinte à l’intégrité physique des cibles ou des ennemies déjà neutralisés. Mais au Cameroun une milice tribale torture impunément depuis très longtemps. Cette milice se nourrit d’une idéologie qui a déclaré vers les années 90 : « les anglo-bamis veulent prendre le pouvoir ». « Un Bamiléké au pouvoir, JAMAIS » !

En 1992 cette milice tribale m’a torturé à l’unique Université de Yaoundé au point où j’ai déféqué et uriné dans mes habits. Je n’ai pas honte de le dire. C’est la charité et la générosité des autres étudiants qui m’avaient sauvé la vie. J’étais sur le point d’être exclu de l’Université, alors que je n’avais rien fait à personne. Pendant mon lynchage elle me disait : « Allez chez vous. On a créé votre Université ».
C’est cette idéologie qui a fait procéder aux arrestations depuis les élections présidentielles de 2018, à la torture et aux condamnations au facies par les tribunaux militaires.

Ce sont les disciples de cette idéologie qui m’ont kidnappé le 30 Mai 2023 et m’ont demandé : « Vos enfants sont aux Etats-Unis. Vous avez de l’argent. Vous voulez encore quoi ?
C’est encore elle qui s’acharne sur les militants du MRC supposément BAMILEKE et sur nos compatriotes du Nord qu’elle traite de Moutons, depuis les dernières élections présidentielles du 12 Octobre 2025.

Malheureusement cette idéologie tribale n’a développé aucune Région du Cameroun, puisque tout le territoire camerounais est sous-développé.
IL FAUT VRAIMENT QUE CA CESSE ENFIN.

Me KENGNE Fabien.
Avocat au Barreau du Cameroun
Membre de plusieurs Collectifs d’Avocats
de défense des droits humains.

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