LA PLUME BRISEE : Remember NESTOR NGA ETOGA
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Quand une mort magnifie la symbolique des mille problématiques hébétées d’un métier, et exemplifie à la perfection, au-delà de quelques exceptions trébuchantes voire aléatoires, la précarité du destin de ceux qui par vocation ou par opportunisme, en ont fait un creuset de vie.

Qu’en attendre d’autre vraiment, entre espoirs et désespoirs, dans la foire de misérabilisme, de doute permanent et des turpitudes d’une scène sociopolitique des plus imparfaites.

Un ultime témoin de ce postulat funeste du métier d’écriture et de la parole s’en est allé, presque dans l’isolement et l’anonymat. Il était, tout simplement, un journaliste ordinaire de son temps, et un authentique journaliste de chez nous.

Il s’est éteint le 25 septembre 2022. Surtout pas d’homélie de circonstance, parce que je n’en ai pas le droit, et surtout pas d’hommage cartésien ou convenu, parce qu’un tel exercice me rendrait étranger et éloigné de lui. Ici, c’est un hymne de la reconnaissance et un vibrant cri de remerciements. Je le vivais et l’intégrais permanemment, je le pensais et le rêvait tout le temps, tant sa silhouette frêle et son regard de vieux initié des complexités des réseaux, m’habitaient et me confortaient dans la certitude qu’il n’avait pas une vie des plus tranquilles. Sans doute pour cela, par cela ou à cause de cela, une certaine distance s’était installée, de son gré, son seul gré. Mais je savais NNE enveloppé dans le tissu relationnel et fonctionnel de ma projection publique.

Lui, et pourquoi pas un autre ? La question revenait trop souvent, plus souvent, vraiment souvent, et à tel point, qu’il avait fini par en être exaspéré. Entre ceux qui lui prêtait une richesse certaine et ceux qui lui jurait une déception retentissante simplement parce qu’il m’était proche, un véritable fossé s’était creusé. Lui et moi contemplions avec peine, amusément et moqueries, quelques plaintes et supputations du genre. Malheureusement l’excès de zèle de certaines de ces intrigues avait fini par avoir raison de lui.

Notre dernière conversation téléphonique alors que je recevais une autre amie et son camarade de métier, en l’occurrence Odile Pahai, pouvait tout résumer :

Nestor, où es-tu ?

Ha’ prof, je suis là, je me bats

Mais où, je veux te voir absolument, on me dit que tu es malade ?

Bon, disons-le ainsi mais ça va, je suis des traitements

Ecoute Nestor, il faut absolument que tu viennes me voir dès demain matin. Je vais te faire consulter

par le Dr Noundou, mon médecin qui est très brillant et je me chargerai de tout

Je comprends Prof, je viendrai

Je t’attends absolument et urgemment. Je prendrai tous tes soins en charge, même s’il faut que tu sois hospitalisé.

J’ai compris prof, je serai là demain.

C’est la dernière fois que j’ai entendu NNE parler, car il n’est pas venu au rendez-vous.

Peu importe ce que les gens deviennent et peu importe les tournures que prennent la vie, contraignant quelques-uns de nous, à certains revirements, à des métamorphoses lentes ou subites, à des révisions ou à des déchirements. L’important c’est où et comment vous avez fait, initié, traité ou construit une ambition, un projet, une prospective. Et en cela, le début compte, tout comme comptent les premières amitiés, soutiens, encouragements et alliances.

On le cataloguait mon fils

On disait de lui qu’il était mes yeux et mes oreilles

On lui prêtait la capacité de me faire prendre une décision ou une autre, changer de route, embrasser une cause, donner mon quitus dans tel ou tel autre situation, pour tel ou tel autre cause.

Tout cela n’était ni tout à fait vrai ni tout à fait faux, tant nous avions une immense proximité, une complicité extraordinaire et une écoute mutuelle de nature à susciter bien des jalousies.

Ma reconnaissance lui est éternelle, inaltérable et consistante au-delà de toutes les critiques. Il était à mes côtés à des moments importants, et il m’a orienté, guidé et assagi dans le monde de la communication. A maintes reprises, il a conseillé un choix, indiqué un chemin et validé un contact. Et quand il fallait dire non, il le faisait avec une force qui ne me laissait aucun choix non plus, tant il disposait d’informations et des sources d’histoires. Nestor travaillait mieux qu’un flic. En effet malgré ses multiples démêlés impactant presque tous ses rapports humains, professionnels, familiaux et politiques, il savait garder la tête haute, le regard vivant et l’esprit créatif. Son bilan trahissait sans aucun doute une vie en dents de scie, ce que venait aggraver une addiction à l’alcool.

J’aurai voulu le voir plus heureux, mieux établi et vraiment équilibré, mais hélas, il portait le poids de son parcours insatisfait, comme une grenade délicate au talon qui par moments, le tenait en otage avec l’avertissement de ne point essayer d’oublier. Journaliste d’investigation, oui. Journaliste politique, non. Journaliste chaleureux et affectueux, oui encore. Planificateur, calculateur, investisseur, opportuniste de bon aloi, non. Il n’était pas disposé à embrasser toutes les causes ni à intégrer tous les combats, mais il savait très vite appréhender un rapport des forces et s’en accommoder. Peu de gens comme lui avait la clé de nombreuses portes de la cité, et très peu de journalistes connaissaient autant que lui, la couleur des premières culottes de quelques vaniteux de notre scène nationale.

L’embêtant, c’est ce statut de travailleur, de père, de citoyen et enfin de journaliste éternellement en situation de recommencement. Nestor n’avait jamais définitivement ou effectivement posé ses valises quelque part. C’était un travailleur et un ami de partout à la fois, mais de rien du tout dans la capitalisation des opportunités. Plus de deux décennies et demi de métier, et une nombreuse progéniture, mais avec le même profil de débutant ou de stagiaire, rempli de soucis pour les lendemains.

Pour ceux qui le connaissaient bien à l’instar des amis, camarades et frères comme Fogno, Odile, Magelan Kamgaing, Marie Solange et Châtelain, ses fréquentations éparses d’un parti à un autre, tout comme sa candidature pour les élections municipales dans les rangs du parti au pouvoir, se situaient justement dans la logique du destin hébété de nombreux autres manitous de la presse. Aucune raison donc de le lui reprocher ni d’en faire une salade indigeste. C’était après tout un être humain. Et pour une âme sensible comme moi, je dois révéler que c’était un drame de le voir partir et repartir, venir et repartir, disparaitre et réapparaître, En réalité il vivait dans une logique de balancier insaisissable, comme les aiguilles d’une montre qui tournent et s’arrêtent de temps à autre, avec une instabilité échappant à l’expertise du plus compétent des horlogers.

Parce qu’il était ainsi, parce qu’il jetait difficilement son ancre de façon définitive quelque part, ses plus proches se nourrissaient des souvenirs, célébrant ou regrettant sa mémoire de son vivant. NNE façonnait des incantations lyriques comme un romancier jamais satisfait, qui veut vivre des quelques pages belles et envoûtantes de ses œuvres inachevées. Penser à lui, c’était donc regretter et se satisfaire à la fois, le voir à Bafoussam sur la tombe d’Ernest Ouanjié, à mes côtés, dirigeant le protocole, et se penchant à mon oreille avec ces mots : « Président, ne pleure pas ! ne pleure plus ! tu es un leader et tu dois être toujours fort, dominer tes émotions ». Plus tard à l’hôtel, je suis tombé dans ses bras, et à mon tour : « Merci pour tout, tu es mon frère, pas mon CELCOM

A fulassi, dans la salle où fut composé l’hymne nationale, Nestor était encore là, des tas de feuilles en mains, tout proche, pour me rappeler à l’ordre : Attention, ne fait pas comme à Bafoussam, calme toi, ne flanche pas.

Voilà l’homme, l’homme, le frère attentif et attentionné, qui prenait la parole avant moi, qui traçait le programme et dictait parfois jusqu’à mon temps de parole, l’homme qui passait partout avec moi, armé de la même intelligence. Chez le Sultan Mbombo Njoya, chez le Roi Pouokam Max, chez le Roi Bell, chez le Roi Sokoudjou, chez le Roi René Désiré Effa, dans le caveau du Dr Adamou Ndam Njoya avec Patricia à nos côtés, dans la salle des négociations de l’accord de Foumban de 1961, chez tous les officiels, chez le président Bello Bouba, chez le secrétaire général Jean Nkueté, chez le Premier ministre, chez le Ministre Momo, ainsi que lors de la vingtaine de points de presse du MPDR, NNE restait le master des cérémonies. Il était là, toujours là, et avec le même respect, la même flamme, le même professionnalisme, la même discrétion et la même complicité positive, depuis qu’il s’était révélé à moi durant la campagne nationale de plaidoirie pour Yves Michel Fotso. 

Mais comment pouvais-je le transformer, le façonner autrement, le rendre heureux ? Rien n’était possible vraiment, parce que Nestor était une pierre déjà trop taillée par une histoire personnelle dure, imprécise et remplie de mystères dont lui seul dominait les secrets. Je voulu l’élever au seuil de mes épingles vestimentaires et au rang des modèles de mon sabotier, mais c’était en vain. Les costumes et les chaussures ne sont ni suffisants pour chasser le naturel, ni assez dominants pour troubler et changer les doctrines et les idéologies statutaires d’un tel homme. NNE contemplait les hautes sphères avec méfiance et réserves, et n’en faisait pas un paradis, loin de là. La considération était dans la tête, dans les choses simples et quotidiennes, et non dans des complexités ostentatoires engendrant plus de questionnements et de doutes, que de tranquillité, de certitudes et de bonheur.

Lorsque le DG de la CRTV, Charles Ndongo me demanda de lui envoyer mon CELCOM, et que je prononçai le nom de Nestor, il eut ces mots : « C’est bien, je crois que je le connais, c’est un professionnel ». Rendez-vous pris, je répétai à Nestor, avec cette recommandation, surtout porte la grosse chaussure que tu connais.

Certes, sa loyauté ne fut jamais au point, nulle part, à gauche comme à droite, en famille comme dans son métier, souvent à cause de ses inconsistances qui trahissaient trop de secrets de moult intimités et rapports privés. Pourtant, il suffisait de le connaître et de le comprendre, et on se rangeait mieux dans son amitié, et on l’adoptait. Trop bavard disait-on de lui, mais au fond, très attachant soupirait-on aussi.

Symbole des symboles, les ennuis judiciaires de NNE durant les cinq dernières années de sa vie, furent un véritable drame qu’il subissait durement mais affrontait courageusement. Il était crucifié et contraint de vivre au rythme du calendrier des audiences à travers le pays, pour avoir rendu compte, pour avoir fait le métier de journaliste, pour avoir osé. La prison, il l’a échappée belle, parce que nous avions fait le nécessaire, grâce à une âme reconnaissante qui lui rendait ainsi, la monnaie de son engagement à mes côtés pour une cause. Que c’était dur, mon fils, mon ami !

NGA ETOGA NOUS MANQUERA ET MANQUERA A LA PROFESSION

NGA ETOGA MANQUERA A SES AMIS ET CAMARADES

NGA ETOGA MANQUERA, ME MANQUERA ET MANQUERA AU MPDR

MAIS LA VIE CONTINUERA NEANMOINS

LA VIE CONTINUEREA CERTES, MAIS PAS DE LA MEME FACON POUR LES VEUVES ET LES ORPHELINS

DONT NOUS DEVONS ETRE SOLIDAIRES LE TEMPS DU DEUIL ET SURTOUT APRES

Il est parti, ce 25 septembre 2022, comme d’autres avant lui sont partis, comme d’autres partiront

SA PLUME S’EST BRISEE CERTES, MAIS SON AME DEMEURE VIVANTE PARMI NOUS./.

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