Les prisonniers du président - Eugène Foulifack Ngadang : Martin Luther King pour modèle
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Le délégué médical, s’est engagé à combattre l’injustice. Il est désormais prisonnier politique.

Elle est aussi vieille que le monde, l’injustice. Plusieurs écrivains et autres acteurs politico-sociaux l’ont dénoncée, combattue, mais elle reste et demeure un problème très crucial. Le Cameroun n’est donc pas « à l’abri de cette gangrène ». Cette situation apparait du moins préoccupante. C’est le cheval de bataille d’Eugène Foulifack Ngadang. Ce militant du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) s’emploie ; à l’exemple de Martin Luther King qui affirmait «une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier», pour combattre ce mal sur sa terre chérie.

La citation de Martin Luther King, Eugène Foulifack la médite à longueur de journées. Son désir maintes fois exprimé, est d’en découdre avec ce fléau, question de mettre en priorité le slogan « la justice doit être appliquée ». Eugène Foulifack Ngadang est sans ignorer que le combat dans lequel il s’est engagé est titanesque, compte tenu de l’ampleur du défi à relever qui « ne relève guère de l’impossible », selon lui. A l’aurore de 2019, nul n’aurait imaginé Eugène Foulifack Ngadang dans la casquette de prisonnier politique. C’est le cas depuis bientôt trois mois. Et cette casquette, il l’arbore plutôt bien, pour la bataille qu’il mène, nous dit-il.

Stupéfait par sa déportation

Le 26 janvier 2019, aux côtés de 35 autres militants du Mrc, Eugène Foulifack Ngadang est arrêté et conduit à la Police Judicaire de Bafoussam. Une arrestation qu’il qualifie de « sans motif, sans mandat, avec une brutalité sans pareil, où ses amis politiques et lui seront gardés au cachot dans des conditions atroces, relevant de la période de guerre civile, sans aucune assistance ni de ses conseils juridiques, ni familiale ». Dans la nuit du 28 au 29 janvier 2019, nous révèle-t-il, « il s'est passé quelque chose de cynique, d'affreux, dans l’histoire de la dictature qui dure depuis 36 ans au Cameroun. Des hommes en tenue cagoulés, armes lourdes au poing, font irruption dans la cellule de la PJ de Bafoussam, extirpent les militants du Mrc en plein sommeil à même le sol, les chargent manu militari dans les carrosseries de camion de la police et les emmènent sous menaces et intimidations vers une destination inconnue ».

Il y avait, dirait-on, une chape de plomb sur les conditions de son arrestation. « Après environ trois heures de marche nocturne, sous les bâches, un policier a passé un appel téléphonique à son épouse pour lui signifier leur arrivée à Yaoundé, ce qui me permettait de comprendre notre nouvelle destination. En effet, cette nouvelle destination est le Commandement Central des Groupements Mobiles d'intervention CC/GMI de Soa dans le département de la Mefou et Afamba ». 8 jours après, plus précisément le 05 février, Eugène Foulifack Ngadang, suite à une énième revendication qui est allée jusqu’à trois jours de grève de la faim, aura le premier contact avec ses conseils. On lui signifiera une garde à vue administrative de 15 jours signée par le préfet du Mfoundi depuis le 30 janvier, ce qui est tout de même « un fait vraiment curieux », martèle-t-il.

« Le 12 février, sous une haute escorte, cette fois-ci en compagnie des amis politiques enlevés dans le domicile de M. Albert Dzongang, aux côtés même du Président du Mrc, j’ai passé toute la nuit à même le sol, dans le hall du tribunal militaire ». Et ce n'est que le lendemain, 13 février 2019, qu'il sera informé par un juge militaire qu'il est désormais prisonnier. «Ainsi s'ouvrent les portes de Kondengui. Nous pouvons donc désormais mieux évaluer l'une, si non la plus féroce des armes de la fin de la dictature », ajoute-t-il. Après le refus de libération en Habeas corpus par le Tribunal de grande instance du Mfoundi (TGI), le procès prévu le 23 avril a été réporté à une date ultérieure.

Du Sdf au Mrc

Toutefois, une plainte a déjà été déposée aux Nations Unies. Le cabinet Dupond-Moretti et Vey a saisi le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies, à Genève, de la situation des trois principaux leaders de l’opposition camerounaise et de leurs partisans, dont Eugène Foulifack Ngadang, « détenus depuis plus de deux mois dans des conditions arbitraires dans les prisons de Yaoundé ». Le portail des camerounais de Belgique. Sa transhumance politique Sdf-Mrc a été si rapide, à un moment inattendu. Le désormais militant du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) depuis 2018 a servi aux côtés du Social Démocratic Front (Sdf) pendant plus d’une dizaine d’années. Cette formation qui a guidé ses premiers pas en politique ne lui a point apporté satisfaction dans son engagement politique. Il s’est résolu de prendre ses distances avec ce parti qui a longtemps été le principal parti de l’opposition au Cameroun. Ce retranchement émanerait de son non militantisme dans ce parti, car il l’accompagnait en tant que sympathisant. La goutte d’eau qui aurait débordé le vase est « le rapprochement des responsables du Sdf avec le pouvoir de Yaoundé qui a sonné comme une trahison du peuple pour les intérêts égoïstes», affirme cet ancien sympathisant du Sdf. Ce parti qui autrefois représentait « l’espoir du changement », indique- t-il, a perdu une voix au profit du Mrc à la récente élection présidentielle.

C’est en effet pendant la campagne présidentielle qu’il est convaincu par le programme politique de ce parti en lice, le «charisme de son leader et sa recherche de l’égalité de chance pour tous». L’idée, dit-il, s’est également fondée sur « le programme politique basé sur la recherche de la paix, la justice, la renaissance de ce grand pays dévasté par une quarantaine d’années de corruption, de népotisme». En si peu de temps, Eugène Foulifack Ngadang a déjà fait ses preuves. Faisant ainsi montre de son engagement politique dans son nouveau parti politique, « sa détermination » lui a valu la responsabilité de secrétaire et rapporteur de l’unité d’action dans la commune Bafoussam II et la fédération départementale de la Mifi.

Au fond de sa cellule à la prison centrale de Kondengui, Eugène Foulifack Ngadang n’a pas rompu avec ses anciennes habitudes. Cogiter et lire des livres à longueur de journées, c’est son quotidien. L’homme s’est érigé dans la pensée de libération. Né le 12 juin 1969 à Fokéré par Dschang, Eugène Foulifack Ngadang aura au plan scolaire un parcours sans faute sanctionné par un baccalauréat série D alors qu’il était élève au lycée classique de Dschang. Il optera ensuite pour des études à l’université de Yaoundé, en faculté des sciences qu’il quittera trois ans plus tard nanti d’une licence en sciences de la terre. Il s’engage dans l’enseignement et tour à tour, les collèges St Joseph de Bandjoun, St Thomas d’Acquin de Bafoussam, Aloys Tapiémené de Mbouda et Bary de Batouri vont ainsi bénéficier de ces enseignements acquis.

En octobre 2008, il mettra un temps d’arrêt sur cette activité de transmission de connaissance pour regagner Chaning. FP, une école de délégués médicaux à Yaoundé. Il en sort nanti d’un diplôme de délégué médical, activité qu’il menait jusqu’à son arrestation. Il était notamment délégué médical P2M Pharma Ouest-Nord-Ouest, basé à Bafoussam, après ses passages successifs à Distrimed Pharma et Agipro Pharma pour le compte de Strides. Après ses études, il convole en justes noces avec Nkenlifack Dorine Danielle qui a perdu connaissance lorsqu’elle a appris la nouvelle de la déportation de son époux vers une destination inconnue, car très affectée.

Eugène Foulifack Ngadang, affectueusement appelé « papa délégué », géniteur de six enfants, est membre actif de l’Assemblée National des Visiteurs Médicaux du Cameroun (ANVMC). Il est également promoteur et directeur du centre de formation professionnelle Reference. FP de Bafoussam. Au-delà de sa valeur intrinsèque et de son expérience professionnelle, Eugène Foulifack Ngadang a depuis sa tendre jeunesse une grande carrure associative. L'info claire et nette. Il a été, entre autres président de l’association des élèves et étudiants Foréké Dschang au début des années 90, président de l’amicale du personnel du collège Bart de Batouri (2007-2008), membre de plusieurs associations. Ses activités économiques, sociales et surtout professionnelles ont été inopinément mises aux arrêts. A cause de la crise anglophone qui, dit-il, lui a fait perdre près de 40% de son chiffre d’affaires, mais aussi et surtout en raison de son incarcération politique à la prison centrale de Kondengui où il « partage avec espérance le voeu d’un Cameroun enfin libre et grand ». Sa résistance en cette période difficile est l’un des exploits à réaliser.

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