Cameroun, Livre: EXECUTION DE MAQUISARDS A NKONGSAMBA
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Cameroun, Livre: EXECUTION DE MAQUISARDS A NKONGSAMBA :: CAMEROON

Chapitre VIII...Le Mungo était une région particulièrement agitée en cette période d’indépendance. Les colons français y détenaient de grandes plantations de café, de banane, d’ananas dans lesquelles travaillaient, comme ouvriers agricoles, des nationaux. En plus, nombre de ces ouvriers provenaient de régions voisines, et n’étaient pas, de ce fait, des autochtones. Bien mieux, grâce à leur statut de salariés, ceux-ci disposaient de moyens financiers supérieurs à ceux des autochtones. Il y avait ainsi, en permanence, de nombreuses frictions entre les deux communautés qui cohabitaient dans le Mungo.

En arrivant à Nawedi, Mola avait trouvé la ville inondée de militaires français. Une semaine auparavant, deux notables autochtones avaient été abattus à l’arme blanche par les maquisards. Ces derniers les avaient accusés d’être des collaborateurs des Français, et les renseignaient sur les agissements des combattants de « l’armée de libération nationale ». Il s’était alors suivi des affrontements violents entre les deux communautés. Une vingtaine de personnes y avaient trouvé la mort. L’armée française avait été déployée sur les lieux pour rétablir l’ordre. Dans l’une de ses battues en forêt, elle était tombée sur un repère de maquisards. Elle en avait abattus quinze du coup, et en avait capturé d’autres, au nombre desquels le chef de groupe, un certain « scorpion noir ». Celui-ci devait être passé au poteau d’exécution en fin de matinée. L’armée française n’avait quant à elle perdu qu’un seul homme.

Mola ne put résister à l’envie morbide de se rendre sur le lieu de l’exécution. Il y trouva énormément de monde. C’était comme si le tout Nawedi s’y était déporté. « Scorpion noir » et ses compagnons étaient déjà attachés aux poteaux d’exécution. Les militaires français les avaient placés devant un monticule de telle manière que les balles des fusils qui allaient être tirées et qui pouvaient manquer leur cible, partent s’y loger. Un sous-officier noir commandait la troupe de soldats chargés de l’exécution, tandis que des officiers français se tenaient dans un coin de la cour.

—Avez-vous une dernière parole, avant que l’on vous bande les yeux ? avait-il demandé, d’une voix remplie de dédain, à « scorpion noir » et à ses compagnons.

En guise de réponse, ce dernier avait entonné un chant. Celui-ci avait aussitôt été repris dans ses compagnons.

Afrique

Afrique noire

O ma mère infortunée

Assez des pleurs

Et de l’injustice

Des temps passés

Nous luttons

Pour te rendre

Ta liberté confisquée

Un jour où l’autre

Tes enfants la vivront enfin

Peu importe

Que nous autres

Ne soyons plus là

Mais tu seras libre

Afrique

Afrique noire

O ma mère infortunée

Assez des pleurs

Et de l’injustice

Des temps passés

Nous luttons

Pour te rendre

Ta liberté confisquée

Un jour où l’autre

Tes enfants la vivront enfin

Peu importe

Que nous autres

Ne soyons plus là

Mais tu seras libre

Après avoir achevé ce second chant, « scorpion noir » s’était adressé au sous-officier noir chargé de l’exécution.

—Toi, mon frère, ce que tu vas faire sous peu de temps, te pèsera sur la conscience jusqu’à la fin de tes jours. Tu revivras, inlassablement, ces moments honteux, où des envahisseurs blancs, ces Français qui se tiennent là, à distance (il porta son regard sur les officiers français placés dans un coin de la cour) te demandent de tirer sur tes frères qui

luttent pour que toi-même tu cesses d’être un sous-homme, un captif entre leurs mains, un esclave, une vomissure, pour que tu deviennes, enfin, toi aussi, un homme à part entière comme ils estiment l’être, exactement comme tu l’étais avant ce jour de malheur où ces gens sont arrivés chez nous, la Bible à la main gauche, le fusil à la main droite. Tu revivras, inlassablement, ces moments honteux, mon frère, et des larmes inonderont tes yeux. Mais, tu n’y pourras plus rien, car il sera trop tard, beaucoup trop tard. J’en ai terminé.

Lorsque « scorpion noir » s’était tu, le sous-officier noir était demeuré, un instant, immobile, et sans pouvoir ouvrir la bouche. Puis, finalement, il avait demandé à « scorpion noir » s’il désirait que ses yeux soient bandés. Celui-ci avait répondu par la négative. Alors, le sous-officier avait ordonné à ses soldats : « Présenteeeeezzzz aaaarrmes !!!! En joue !!! A mon commandement !!!!! ….feu !!! » A ces mots, les fusils avaient pétaradé, en dégageant une fumée blanchâtre. Puis, les corps des maquisards avaient tressailli, s’étaient mis à être secoués par quelques spasmes, et, finalement, s’étaient affalés, sans tomber au sol, car retenus par les cordes qui les attachaient aux poteaux d’exécution.

* *

*

Mola était retourné à Ndututown en fin de journée. Il avait ramené le malade pour lequel il s’était déplacé. Il avait rapporté la scène de l’exécution de maquisards au Dr Bebey. Celui-ci, en écoutant le récit, en avait été profondément ému et attristé. Il s’était, du coup, souvenu qu’il avait été à la guerre, comme engagé volontaire, et s’était mis à le regretter amèrement. Il avait combattu au sein des Forces Françaises Libres, FFL, pour libérer la France du joug de l’Allemagne nazie, pendant la guerre de 1939-1945. Mais, voilà que cette même France se transformait, à son tour, en Allemagne nazie pour son pays, actuellement. Tel que « scorpion noir » et son groupe de résistants s’étaient comportés, de nombreux résistants français à l’invasion allemande l’avaient également fait. En France, ils ont été décorés, à titre posthume. Des rues, des places, des édifices publics, portent, à jamais, leurs noms à ce jour, afin que nul n’oublie leur sacrifice. Ici, qui songera jamais à décorer, à titre posthume, « scorpion noir », dès lors qu’il est traité en bandit par ces personnes, justement, qu’il désire libérer ? ………………..

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