Cameroun - Jacques Kemleu Tchabgou: « Une hausse du prix d’huile de palme brute est suicidaire pour les ménages et les entreprises »
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Cameroun - Jacques Kemleu Tchabgou: « Une hausse du prix d’huile de palme brute est suicidaire pour les ménages et les entreprises » :: CAMEROON

Le secrétaire général de l’Association des raffineurs des oléagineux du Cameroun (ASROC) réitère ici que les producteurs locaux d’huiles raffinées, s’opposent vivement au souhait de la Socapalm de voir le prix du kg d’huile palme brute passer de 450 FCFA actuellement à 600 FCFA.

La Socapalm a récemment demandé une augmentation du prix du kilogramme d’huile de palme et vous vous y êtes opposez. Pourquoi ? Est-ce que celle-ci prend en compte les intérêts des ménages et des transformateurs d’oléagineux locaux ? 
Il y a un problème. Voyez-vous, en 2008, lorsque les acteurs de la filière se mettent ensemble, au regard des pétitions de la Socapalm (toujours, la même Socapalm), relative au relèvement des prix de cession,il y a une espèce de consensus qui nait sur le fait qu’il faille effectivement relever le prix pour leur donner les moyens qu’ils demandes pour investir. Mais il est bon de savoir qu’au terme des échanges, le prix arrêté était de 303 FCFA ; mais lorsque l’arrêté est sorti et a fixé ce prix à 450 FCFA, aucun transformateur ne s’est plaint. Même les ménages ont baissé les bras. 

Tout le monde a dit : parfois il faut consentir un effort pour sortir de la difficulté. Et, il est important de relever que le kg d’huile est partie de 300 à 450 FCFA. Ça veut dire un relèvement de 150 FCFA. Lorsque nous savons, Roland, que la Socapalm et Safacam produisent près de 120000 tonnes par an, quand vous faites un petit calcul vous vous rendez compte que depuis 2008 l’Etat a donné à Socapalm 18 milliards de FCFA pour investir dans le sens souhaité. C’est-à-dire 150 FCFA fois 120000 tonnes, ça fait 18 milliards de FCFA. Donc, ça fait dix ans que 18 milliards de FCFA sont ajoutés sur les gains qui à, Socapalm, tournent depuis 2008 et 2016, entre 06 et 07 milliards de FCFA. Ça veut dire que les 06 à 07 milliards de FCFA, c’est d’abord le gain ; et puis il y a ce que je peux appeler ce financement de relèvement qui est de 18 milliards de FCFA. En dix ans, cela fait180 milliards de FCFA. Pendant ce temps, les transformateurs n’ont pas relevé d’un franc la fourchette de prix qui avait été déterminée par le Mincommerce.

Parce qu’il y a un texte du ministre du Commerce qui,avant 2008, fixait le prix de l’huile à1150 FCFA. Tenez vous tranquille, car avec ce relèvement du prix de la matière première de 300 à 450 FCFA, les transformateurs dans leur engagement patriotique n’ont pas fait impacter ce relèvement sur le prix de revient. Ça c’est très important. Ça c’est une concession que la transformation a faite au gouvernement. La transformation a plutôt accepté de baisser ses marges pour permettre aux ménages de continuer à consommer, de sauver les emplois qui étaient existants. Parce que voyez-vous, si nos prix grimpent vous savez ce qu’il y aura comme conséquences ? C’est le commerce illicite qui va s’installer.

Depuis cette nouvelle demande d’augmentation, certains transformateurs ont tendance à croire qu’une telle initiative ne viserait qu’à asphyxier les industries locales, au profit des huiles raffinées importée. Pourquoi?
On est à un doigt de le croire. Parce que, voyez-vous, si la situation s’aggrave ça signifie que les transformateurs ne vont plus fonctionner. Car dès lors, la contrebande va s’installer. Ça veut dire que les produits européens vont nous envahir. La transformation va mal se porter et à la limite, elle peut même disparaitre. Et du coup, ils vont commencer à exporter l’huile comme ils l’ont toujours voulu. Comment imaginer qu’étant dans un pays où le déficit d’huile de palme brute est criard, qu’il y ait des gens qui demandent des autorisations à l’Etat pour exporter? Comment pouvez-vous accepter ça ? C’est ce qui s’est passé en 2015. Pendant qu’on savait qu’on vivait une situation conjoncturelle, liée à ces importations massives et incontrôlées et même frauduleuse d’ailleurs, certains voulaient quand même exporter ; sachant que dès qu’on devait assainir ils n’allaient plus être arrêtés. Si on l’avait fait, où en serait-on aujourd’hui? Parce que deux mois après leur demande, tout ce qu’ils avaient a été acheté par des raffineurs. Et c’est cela qui a sauvé la République, parce que l’année s’est passée sans difficultés, du fait qu’on ait stoppé leur volonté d’exporter cette huile.

Qui sont les actionnaires de Socapalm et Safacam ?
Ce sont les Franco-belges. Avec à leur tête le groupe Bolloré. Vous comprenez qu’ils ont des entreprises partout dans le monde. Ils raffinent partout dans le monde. Si à un moment donné ils partent, ils vont simplement envoyer leurs huiles raffinées ici, pour davantage enfoncer les quelques producteurs qui auront résisté à la bourrasque. Et c’est pour cela que nous disons toujours à nos compatriotes qui gèrent Pamol et CDC que leur situation n’a rien à voir avec celle de la Socapalm. Et qu’ils sachent qu’eux ils sont des entreprises d’Etat. Et que quand l’Etat a créé ces entreprises, c’était pour gérer des questions d’emplois et de revenus dans des zones qui n’avaient pas du tout d’industries. Vous comprenez donc que c’est pour cela qu’officiellement, ils n’ontjamais véritablement écrit dans le sens de Socapalm.

Est-ce la raison pourlaquelle la CDC et Pamol n’ont pas demandé une augmentation ?
Lors de la réunion du 27 juin 2017 présidée par le ministre du Commerce, la CDC n’a pas levé le doigt dans ce sens, pour revendiquer une quelconque augmentation des prix de l’huile de palme brute. Pamol a tergiversé en disant : je préfère passer la parole à Socapalm. Vous comprenez donc que Pamol n’a pas d’argumentaire à donner relativement à ces désidératas. C’est Socapalm qui a fait la demande et il fallait bien qu’elle s’explique. Et c’est pourquoi ils sont en train de demande une hausse. Mais lorsqueles arguments ont été invoqués, ils ne pouvaient pas par exemple invoquer ces arguments.

De quels arguments s’agit-il ?
C’est dire que depuis 2008, ils n’ont pas eu le moindre relèvement. Qu’ils ont besoin d’un relèvement des prix, parce qu’ils ont des charges électriques, des charges d’eau, etc. Mais monsieur le journaliste, quand vous distribuez 06 milliards de bénéfices à vos actionnaires, cela signifie que vous êtes en santé. Combien d’entreprises connaissez-vous qui, au Cameroun, font un gain net de 06 milliards de FCFA ? Après avoir crééune société qui ne se justifie pas et qui est là pour gonfler les charges fixes. On nous fait savoir qu’elle a été créé pour vendre de l’huile, mais l’huile se vend seule. Avez-vous déjà vu commercial de Socapalm en train d’errer pour chercher preneurs ? Vous en connaissez ? Je crois que non. Je vais vous dire que la transformation paie, et elle attend à la fin du mois pur se faire livrer la quantité qu’elle payée. A Socapalm, vous payez sans voir le produit. Et on vous le livre à compte gouttes. Vous n’avez pas le droit de vous plaindre. C’est de cela qu’il s’agit.

Que pourrait coûter aux ménages et aux raffineurs une nouvelle hausse de 100 ou 150 FCFA sur le prix de l’huile de palme brute au Cameroun ?
Ce serait très grave. Parce qu’imaginez-vous qu’aujourd’hui, on soit en train de vendre un kg d’huile sortie d’usine à 750 FCFA hors taxes. Mais ce n’est plus possible pour les ménages d’acheter. Si on passe effectivement à ce prix de 600 FCFA, pour les transformateurs, mais on va franchir le cap de 1500 FCFA le litre ou kg d’huile raffinée. La mercuriale va tout simplement sauter. Et si celle-ci saute, personne n’est plus protéger. Les huiles vont entrer en cascade au pays. Parce que la mercuriale c’est une espèce de barrière tarifaire qui existe. Et vous savez que chaque pays a le droit de protéger les pans de son économie qui sont en difficulté. L’OMC le reconnaît. C’est ce qu’on appelle la clause de sauvetage. Donc, nous sommes en droit de dire non. Le palmier à huile étant une filière qui rapporte énormément à l’Etat. L’Etat est en droit de la protéger pour s’assurer que son économie ne va pas en partir du fait de sa mauvaise santé. Voilà là où on se trouve.

Quelle quantité actuelle d’huile de palme brute produite par an au Cameroun et quelle estla quantité importéepar an pendant la baisse de production ?
En réalité, en 2014 la FAO avait déjà annoncé la production camerounaise à 340 000 tonnes par an. Et ces derniers temps, après avoir essayé de refaire le comptage, après la prise en compte de la production villageoise, la production nationale se situe aujourd’hui à 360 000 tonnes. La demande nationale est largement supérieure à l’offre. Je préfère parler déjà de la capacité de raffinage, qui est de l’ordre de 868 000 tonnes. Et que quand il y a une entreprise comme Maya, qui est en train de parachever son unité de 500 tonnes jours, je me demande où on va prendre cette huile. Parce que quand on dit 500 tonnes /jour, vous vous imaginez ce que ça fait par an. C’est beaucoup. La demande réelle par an se situerait autour d’1 million de tonnes d’huile de palme brute.

Est-ce que le Made in Cameroon tient tête à ces produits importés d’ailleurs ?
Est-ce que vous pouvez aller acheter une bouteille d’huile raffinée à 2100 FCFA de nos jours ? Je crois que non, évidemment. Tous les Camerounais sont comme vous. Ça signifie que les huiles raffinées, qui sont produites localement avec un meilleur rapport qualité-prix, sont acceptées. Et ces huiles importées, c’est pour quelques esprits qui croient encore en ce qui est importé. Et j’aime bien rappeler ce que le ministre du Commerce disait récemment au Gicam. Que les enquêtes menées par le SED ont démontré que la majorité des huiles importées (en direction du Cameroun) était impropre à la consommation humaine. Ce n’est pas nous qui le disions. C’est le Mincommerce que l’indiquait, éléments à l’appui. Et ça montre que le travail mené pendant des années est un combat noble. Car, nous n’avons fait que dire la vérité. Parce que les fossoyeurs de notre économie ont laissé entendre que nous avons peur de la concurrence. Mais de quelle concurrence s’agit-il ? Est-ce qu’il y a un choix entre une huile raffinée qui coûte 1150 FCFA et une autre qui coûte le double, avec un niveau de satisfaction supérieur ? Parce que quand vous avez ce colza-là, vous ne pouvez pas cuire un aliment avec. C’est une huile d’assaisonnement. Combien de Camerounais mangent de la salade ?

Pourquoi tant de batailles autour de l’huile de palme brute au Cameroun, et même ailleurs ?
Il s’agit d’une bataille économique. L’huile de palme est effectivement, l’huile la plus consommée dans le monde, parce qu’elle offre de nombreuses possibilités. C’est la seule huile, à côté de l’huile de coco, qui accepte de très hautes températures. C’est normal. Les Africains, les Asiatiques, ils mangent chaud. Vous savez que l’Asiatique c’est la soupe à l’entrée. Ce n’est pas la graisse à l’entrée. C’es normal que face à la montée en puissance de l’huile de palme brute, que celui qui ne vend plus trouve des artifices ou des astuces pour essayer de dénigrer qui se vend mieux.

 

 

 

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