Un soldat a été tué et cinq autres blessés dans la nuit de vendredi à samedi dernier, alors que des interrogations persistent sur les conditions de travail de la Force.

Dimanche matin à 8h30 au  lieu dit "Datier bar" du quartier Djamboutou à Garoua, une dizaine de jeunes hommes étaient à l'ouvrage. Ils s'affairaient à planter des tentes de bâches bleues. Le maître des lieux, Abel Harouna, se levait de temps en temps pour leur donner un coup de main. L'homme à la quarantaine entamée faisait ainsi montre d'un courage que murmurait l'assistance composée de quelques femmes. Parents et voisins étaient accourus pour réconforter Abel Harouna. Tous ont appris la nouvelle de la mort de Halilou Ismael, son deuxième fils. Pas de pleurs ce matin-là, rien que de la tristesse.

Une peine qu’Abel Harouna. a commencé à ressentir la veille. Samedi vers10 h, un appel d'un de ses cousins a commencé par l'intriguer. Ce parent lui demandait s'il avait des nouvelles de son fils Halilou, 23 ans, engagé dans la marine nationale depuis 2015. Le cousin insistait pour qu’Abel en prenne au plus vite. Ce n'était pas chose aisée car son fils avait été affecté au front dans la Force multinationale mixte (Fmm) pour son premier poste. «Il était la fierté de mon oncle le seul de ses trois enfants à avoir un travail », raconte une proche. Abel H., alarmé par le ton de son cousin a alors essayé d'appeler le téléphone de son fils.

Halilou ne répondant pas malgré la sonnerie persistante, il tente alors de joindre certains de ses camarades de la Fmm. L'un d'eux lui aurait dit que son fils avait été blessé au combat. Tout se confond dans son esprit, il multiplie les appels, fouille dans le carnet de ses connaissances chez les militaires. Des parents alertés l'aident. Ils se souviennent d'un des leurs affecté à Mora. Celui-ci est au courant d'une attaque où serait impliqué Halilou mais ne sait pas si le jeune homme est mort ou juste blessé. Abel ne sait pas encore comment réagir, il oscille entre affliction et espoir.

«Vers13 h 30, un homme a appelé notre oncle. Il lui a demandé s'il connaissait Halilou Ismael. Il lui a ensuite demandé qui il était pour lui. L'oncle lui a répondu qu’il était son père. Son correspondant a alors dit qu’il était colonel chef de Halilou", se souvient notre source. Le "colonel", au téléphone annonce à Abel que son fils est "tombé" vers une heure du matin dans une embuscade de Boko Haram.

Le matelot de 2ème classe a été tué sur le champ. La famille devait attendre sur place "des informations sur le jour et le lieu de la levée du corps dont on ne sait pas encore si elle aura lieu à Maroua ou Douala." Abel choqué par la nouvelle a alors pu la communiquer à ses proches. "Nous sommes réunis au lieu du deuil mais nous ne savons pas quand il aura lieu ni si on verra le corps de notre frère. Il se dit qu’il a été criblé de balles", s'inquiète une cousine du défunt.

Assèchement des bourbiers

Selon d'autres sources, le matelot Halilou Ismael serait mort après une attaque de Boko Haram entre Damboa et Ardebe dans la nuit du vendredi à samedi. Il est tombé après de rudes échanges de feu. Deux de ses camarades, le quartier maître Michel Parfait Eyo et le matelot Hussein Adoeme Ambomo eux aussi blessés par balles ont eu la vie sauve. Trois autres marins ont été blessés par des éclats : les matelots Louis Claudes Myami Ngatcha , Vincent Ole Nkoo et Justin Toume. Leurs vies seraient hors de danger.

Cet incident au front survient alors que de nombreux observateurs affirment que Boko Haram a profité de la période de crue et des sols marécageux des "Yaires ", pour se réorganiser. Les terroristes profitant de ce terrain difficile où il est impossible aux véhicules lourds des armées de se mouvoir et de la concentration obstinée de l'armée nigériane de ses efforts pour attaquer la forêt de Sambisa etréoccuper des pans entiers du territoire du Nord nigérian où ils se meuvent librement.

Les armées en attendant l'assèchement des bourbiers, se reconstituent elles aussi. Seule la Fmm, ne paraît pas profiter de ce moment. L'on a observé que ces derniers jours, les troupes tchadiennes et nigériennes visiblement dans une entente bipartite combattent de leur côté Boko haram. Elles ont annoncé la semaine dernière avoir tué123" terroristes". Mais, ont omis de préciser qu'elles l'ont fait dans le cadre de la Fmm. L'armée nigériane pour sa part se contente de sécuriser des villes et de bombarder la forêt de Sambisa.

Seul le  Cameroun parle encore de la Fmm. Les termes élogieux du début de cette année font peu à peu place à des interrogations. Pourquoi la Fmm n'a pas un mandat onusien? Pourquoi manque-til de l'argent pour s'équiper en matériel militaire? Pourquoi l'union européenne a donné 32,5 milliards de Fcfa juste pour construire des bâtiments et pour des équipements de communication? Pourquoi les soldats affectés à la Fmm ne bénéficient-ils pas du statut de militaires engagés dans une opération internationale et des avantages qui vont avec à l'instar de leurs camarades engagés en Rca et sur d'autres théâtres africains?