De la fabuleuse rencontre entre l’Education et les Neurosciences de laquelle nait la Neuroéducation, on peut aujourd’hui postuler qu’il est possible de faire plusieurs dizaines de milliers d’Einstein et mieux encore, partout dans le monde. La Neuroéducation, sous le couvert d’un discours généreux et parfois moderniste, peut se prévaloir d’être une opération de mise au pas de l’enseignement. L’Education réinventée. Rencontre avec le Dr. GUENGANG DOUANLA SERGES, Médecin Neuroéducateur.

Qu’a-t-on découvert sur le cerveau qui puisse sou tendre ce concept nouveau de Neuroéducation?

Qu’il me soit permis de rendre un vibrant hommage à toutes ces personnes, hommes et femmes, dont les travaux permettent à l’humanité d’arriver au niveau remarquable de connaissances qui est le nôtre.

Qu’il me soit aussi permis de remarquer que très peu nombreux sont ils à s’imaginer toutes les tribulations par lesquelles l’humanité a dû passer pour que nous arrivions à des évidences du genre « la terre est ronde », « la terre tourne », « il faut se laver les mains avant de manger, avant tout acte médical »…etc. Des gens en ont payé de leur vie.

Une autre évidence avec laquelle il faudra désormais se faire est celle-ci, « NON notre cerveau ne se détériore pas méthodiquement à partir de l’âge adulte, OUI il se régénère, et il le fait toute la vie ». C’est absolument renversant vu que c’est tout le contraire de ce qui nous a été enseigné pendant nos études médicales. Nous devons plutôt nous en réjouir. Il s’agit d’un merveilleux cadeau de la nature aux Hommes que nous sommes, jeunes et vieux.

Quel est le lien avec les déterminants de la réussite scolaire que vous nous rappelez ?

Voici une nouvelle rentrée des classes. Elèves, étudiants, parents et enseignants, toute la communauté éducative s’apprête à écrire une nouvelle page avec pour ambition de garantir plus de succès et moins d’échec scolaire. Les conséquences de l’échec incluent les abandons, les comportements déviants, les conduites addictives (Alcool, tabac, drogue), et dans les cas extrêmes, le suicide que nous observons chaque année hélas.

La réussite scolaire est la conséquence logique de deux paramètres concomitants : une préparation de qualité associée à une gestion efficace du stress et des émotions avant, pendant et après les examens. C’est la spécialité de la Neuroéducation.

Qu’entend-t-on dès lors par Neuroéducation ? Comment naît cette discipline ?

La Neuroéducation est un terme officiel désignant « la pratique de l’éducation qui s’appuie sur la connaissance du fonctionnement du cerveau », c’est « l’apprentissage informé par le fonctionnement cérébral ». Cette discipline a vu le jour en 2007 à la suite des travaux (d’une durée de sept ans) d’un comité de chercheurs du Centre pour la recherche et l'innovation dans l'enseignement (CERI). C’est une unité portée par les pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE). Cette organisation regroupe les pays les plus riches de la planète. Les conclusions de ces travaux sont contenues dans un rapport intitulé : « Comprendre le cerveau : naissance d’une science de l’apprentissage ».

L’objectif de ces travaux était de répondre à deux questions :

Est ce que connaître le fonctionnement du cerveau aide à mieux enseigner quand on est enseignant ? REPONSE OUI Est ce que connaître le fonctionnement du cerveau aide à mieux apprendre quand on est apprenant ? REPONSE OUI Dès lors il a été décidé le mariage entre l’Education et les Neurosciences : Naissance de la Neuroéducation.

Y a-t-il des exemples de Neuroéducation dans le monde ? Et existe-t-il des supports d’information ?

On peut citer comme exemple de concrétisation de ce concept : En Allemagne, le Centre de transfert pour la neuroscience et l’apprentissage (ZNL) ; Au Cameroun, l’Association Réussir à Coup Sûr en Afrique (RACS AFRIQUE) et son ouvrage « Le Cerveau, Notre Trésor » Au Canada, l’Association pour la Recherche en Neuroéducation (ARN) ; Au Danemark, le Learning Lab (Laboratoire d’apprentissage)

Aux Etats-Unis, le programme « Mind, Brain and Education - MBE» pour « Esprit, Cerveau et Education » de la Harvard Graduate School of Education de l’Université de Harvard. Ce programme produit une revue scientifique du même nom et qui ne traite que des questions de neuroéducation. En France, le Projet Neurosup ; Au Japon, « l’institut de recherche en science et technologie pour la société » de l’Agence japonaise de la science et de la technologie (JST-RISTEX) Au Royaume-Uni, le Centre pour les neurosciences dans l’éducation

Concrètement, qu’ont découvert les Neurosciences sur le cerveau ?

Il serait abscons de s’engager dans l’inventaire des découvertes des Neurosciences. On retient tout juste que les Neurosciences étudient le système nerveux de notre organisme. Le cerveau est l’organe du système nerveux qui fascine le plus les spécialistes des Neurosciences. Je vous fais remarquer que les développements dont il est question ici font suite aux découvertes du Pr. Eric KANDEL qui lui ont valu un Prix Nobel de Physiologie et de Médecine en 2000. Il a été primé subséquemment à la mise en évidence d’une propriété fabuleuse du cerveau : La Plasticité cérébrale ou Neuroplasticité. Il a découvert que le cerveau est très dynamique. Il se reconfigure en permanence, particulièrement dans la période de l’enfance à l’adolescence (la puissance est là). Que se passe-t-il donc dans le cerveau quand on apprend ?

On sait avec une certitude absolue qu’au cours de l’apprentissage, le cerveau subit de grandes modifications structurales desquelles nous retiendrons les trois principales : Le cerveau crée de nouvelles connexions entre les cellules nerveuses (Synaptogenèse) et les renforce, il produit de nouvelles cellules nerveuses (Neurogenèse) et augmente la vitesse de transmission de l’information dans la cellule nerveuse (neurone) en recouvrant sa tige principale (axone) d’une couche de graisse (Myélinisation) ce qui permet à l’information d’évoluer par sauts (conduction saltatoire) et donc plus rapidement. Tous ces phénomènes sont regroupés sous le vocable de Plasticité Cérébrale ou Neuroplasticité. Il s’agit là d’un processus complètement automatique et involontaire dont l’optimisation crée les génies et les savants, et dépend de certaines conditions bien précises. Ces phénomènes sont présents toute la vie, moins actifs chez l’adulte que chez l’enfant, mais présents.

Apprendre c’est créer de nouvelles connexions et de nouvelles cellules nerveuses (Synaptogenèse et Neurogenèse). Réviser c’est maintenir ces connexions. Répéter/Pratiquer plusieurs fois c’est consolider et créer des connexions plus enrichies et augmenter la vitesse de transmission de l’information (Synaptogenèse,Neurogenèse et Myélinisation). Apprendre avec stratégie, réviser à temps, répéter/pratiquer régulièrement et avoir une bonne hygiène de vie corporelle, émotionnelle et sociale, voilà la clé. Devenir un génie et un savant est aussi simple que ça.

A l’inverse, la Neuroplasticité stipule que si vous apprenez et ne révisez pas, ces connexions s’effacent (Elagage synaptique) : c’est l’oubli. Vous avez très certainement déjà fait la remarque suivante : quand une connaissance est totalement nouvelle, la deuxième lecture est toujours plus facile que la première. En effet, la relecture emprunte les connexions créées lors de la première lecture. Les connexions (synapses) sont des chemins pour la connaissance. Ces connexions s’organisent en réseaux très denses (cf. livre op cit). Ces réseaux de connexions sont la représentation physique, matérielle, objectivable (en Imagerie par Résonnance Magnétique-IRM) et palpable de ce que vous avez appris. En conclusion, « apprendre, réviser, répéter/pratiquer plusieurs fois et vivre sainement » pour enrichir le cerveau.

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