Cameroun, Positionnement, Artistes musiciens:L'appel du ventre
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Cameroun, Positionnement, Artistes musiciens:L'appel du ventre :: CAMEROON

Plusieurs artistes appellent Paul Biya à se représenter à la magistrature suprême. Curieux contraste pour une corporation qui languit dans la misère et le dénuement. Il en est du monde artistique comme du monde politique. On est à l’heure des appels et bien malin qui oserait se dérober à la fameuse resucée qui rythme la vie politique de notre pays. 

Appeler Paul Biya, 83 ans dont 34 au pouvoir, est presqu’un effet de mode et nos artistes ont eux aussi succombé à cette litanie envoûtante.

Le 21 mars 2016, 46 artistes musiciens basés dans la région du Littoral ont signé une «motion de soutien et de déférence» à l’intention du Président de la République, Paul Biya. Conduits par Charly Nelle, ils ont remis leur correspondance à Narcisse Mouelle Kombi, Ministre des Arts et de la Culture, au cours d’une cérémonie solennelle organisée dans les locaux de son département ministériel.

Les artistes ont prié le «Dieu Tout-puissant de lui accorder (à Paul Biya, ndlr) ainsi qu’à sa chère épouse Madame Chantal Biya succès, bonheur, longévité dans l’exercice de ses très hautes et exaltantes fonctions».

Accord parfait ?

La démarche de ce groupe d’artistes arrive après d’autres initiatives initiées notamment par les artistes des régions du Centre, du Nord-Ouest et de l’Ouest. « Il est l’homme de tous les temps pour nous. Avec lui, nous serons toujours en paix », précise Bony Mballa, le porte-parole des artistes du Centre. « Notre engagement à soutenir le président Paul Biya n’est pas une manipulation. Nous sommes venus lui dire que nous voyons en lui, de meilleures opportunités pour la paix, la stabilité et la prospérité de notre pays », corrobore Adeline Mbenkum qui s’exprime au nom des artistes du Nord-Ouest.

Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. C’est l’accord parfait entre le président et ses artistes qu’il a d’ailleurs reçu en grande pompe dans sa résidence de Mvomeka’a en Juin 2011. Drôle d’accord parfait qui déborde de dissonances.

L’univers des artistes camerounais est bercé par une mélodie lugubre qui s’éternise. Parlez-leur du droit d’auteur et ils évoquent un incroyable capharnaüm. Aucun centime n’est plus payé depuis belle lurette. 

Evoquez les infrastructures, les salles de concerts, les conservatoires et ils rétorquent qu’ils connaissent cette chanson de promesses renouvelées et jamais tenues. Le parfait désert.

Discutez de la piraterie, de leur situation sociale et ils vous diront que c’est un refrain éculé qui sonne faux. Une galère qui cannibalise.

Mais alors d’où vient-il qu’ils se massent ainsi derrière un homme qui a semé la désolation au sein même de leur cooporation par sa politique culturelle désinvolte ? « Ce n’est pas le président qui est responsable mais les ministres qu’il nomme, je reste fermement derrière le chef de l’Etat et son épouse », martèle Ama Pierrot qui dit parler à son nom propre.

Voilà donc une vieille rengaine subtilement popularisée par le défunt Ateba Eyene qui est remise à l’ordre du jour. Biya n’est responsable de rien, c’est à son entourage qu’il faut demander des comptes. « Je ne vois aucun programme culturel chez les partis d’opposition, soutient encore Ama Pierrot. Il faut d’abord dire merci avant de demander plus au président Biya, il reçoit tous les artistes, la présidence est devenue comme le marché Mvog Mbi ». En clair, pour l’auteur de « l’enterrement de la jalousie », le folklore et les kermesses du palais remplacent valablement une politique culturelle digne de ce nom. 

« S’ils préfèrent cette vie misérable, s’ils croient encore à un changement après 30 ans c’est tant mieux pour eux, vous ne m’avez jamais vu à ces manifestations », rétorque Ben Decca qui peste contre l’infantilisation des artistes.

L’appel du ventre

Au fond, c’est bien d’un appel du ventre qu’il s’agit. Très proche de l’actuel ministre des Arts et de la Culture, Narcisse Mouelle Kombi, Charly Nelle qui a initié les appels des artistes du Littoral est déjà proprement brocardé par ses paires qui l’accusent de filouterie. « Nous n’avons eu que 30.000 FCFA et quand on considère que nous avons payé le transport pour Yaoundé à 8.000 FCFA ça ne fait que 22.000 FCFA », crie l’un d’eux. Impliqué dans plusieurs affaires floues, l’auteur de la « femme » joue son positionnement au plus haut niveau. 

Copté par le couple Biya, Ama Pierrot profite de sa position influente pour faire de nombreuses affaires. Il est visiblement prêt à tout pour rester proche du prince. 

Tombé en disgrâce après le départ de Ama Tutu Muna du ministère des Arts et de la culture, Roméo Dicka active ses réseaux pour à nouveau rebondir comme il sait si bien le faire. « Je ne peux discuter d’un pareil sujet au téléphone », dit-il, prudent. 

Pareil pour Ndedi Eyango qui rumine encore son évincement illégal de la Socam mais refuse de se prononcer sur un « sujet aussi sensible ».

Des « dinosaures » qui continuent de manipuler une horde d’artistes paupérisés que le pouvoir de Yaoundé a vite fait de transformer en bétail électoral.

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NB: Image simplement illustrative

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