Le Bir et les autorités administratives en désaccord
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Les autorités administratives du département s’indignent de l’attitude des militaires de l’opération Alpha qui veulent faire ouvrir les marchés périodiques dans les localités frontalières.

Le 12 octobre 2015, le préfet du Mayo Sava a fait une note adressée aux sous préfets de Mora, Kolofata, Amchidé ainsi qu’aux chefs du détachement du Bir de Kerawa, de Kolofata et Amchidé. L’objet de la note : « Réouverture des marchés périodiques dans les localités frontalières Camer.be». visiblement agacé, le préfet écrit : « des informations parvenues à mon niveau font état d’un arrangement entre les populations locales et les éléments du Bir pour la réouverture des marchés périodiques de Djakana, Kerawa et Kolofata ».

Akaou Babila, le préfet, trouve que l’initiative du Bir « rame à contre-courant des mesures sécuritaires prescrites par les autorités administratives tant au niveau régional que, départemental, et dénote d’une complicité à des fins inavouées ». Le préfet rappelle la décision préfectorale du 05 janvier 2015 « portant fermeture des marchés périodiques dans tous les villages frontaliers du département ». De même il invite ses correspondants « à la stricte exécution de cette disposition qui reste en vigueur jusqu’à nouvel ordre ».

La note du préfet vient davantage corser les rapports déjà tendus entre autorités administratives, les militaires de l’opération Alpha et les autres acteurs officiels du département du Mayo Sava Cam er.be. Ces derniers ne se gênent plus pour fustiger ouvertement « l’arrogance » des militaires du Bir.

Le préfet accuse, les militaires aussi

Des accusations auxquelles les interpellés font une vive réponse : « c’est nous qui sommes sur le terrain chaque jour avec ces populations. Nous avons toute la latitude d’évaluer la situation sécuritaire parce que nous sommes des professionnels et c’est notre travail. Les autorités administratives nous les respectons mais, elles n’arrivent dans ces villages qu’occasionnellement et toujours sous forte escorte », tient à préciser un cadre de l’opération Alpha. Il fustige la pertinence des observations des fonctionnaires de la préfectorale.

« Ils sont un peu largués. Ce sont des gens qui n’ont pas évalué l’ennemi que nous combattons. Ils ne sont pas assez outillés pour. Ils sortent de l’école avec des connaissances ne font aucun stage de recyclage et ils croient d’actualité, 30 ans après, les méthodes qu’ils ont apprises. Il faut déjà qu’ils sachent ce que recherche Boko haram avant de prendre des décisions contre-productives ». Les militaires de l’opération Alpha se disent contre la décision de fermeture des marchés parce que c’est faire le jeu des terroristes. « Comment comptet- on organiser la résilience camerounaise Ca mer .be? Suffit-il de quelques frappes pour que l’on ferme les marchés ? Pourquoi ne pas fermer aussi la circulation sur la nationale n°1 où des voitures sont attaquées ? Après les marchés, va-t-on aussi fermer les mosquées et les églises, si Boko haram s’y attaque ? Israël est l’Etat qui subit le plus grand nombre d’attentats, a-t-on fermé les commerces et les industries là-bas ? », Interroge notre interlocuteur. Sur les intentions des terroristes, il a des certitudes « que les autorités administratives gagnent  à savoir ».

Ce que veut Boko haram

Pour lui, le schéma de Boko haram est évident ; démoralisation et épuisement, administration de la sauvagerie ; instauration de l’Etat islamique. La secte en serait encore à la phase une de ce plan machiavélique. Elle se fonde sur :

  •  Le fait que les Etats protègent en priorité leur classe dirigeante dans les capitales, les étrangers et les installations économiquement stratégiques (pétrolières notamment). Ils y affectent leurs meilleures forces.
  • Les fores de sécurité affectées aux zones peu stratégiques sont par conséquent peu fiables, peu combattives et mal encadrées.
  • Les services secrets et la police sont limités en effectifs car les Etats préfèrent avoir un nombre restreints d’agents fiables qu’un grand nombre d’agents potentiellement infiltrés.
  • il est donc préconisé au djihadistes de frapper initialement dans les secteurs nonprioritaires pour l’Etat, modérément protégés, via des actions de faible intensité. Puis d’accroître l’intensité des actions. Cette progressivité permet aux combattants de se faire la main tout en donnant l’impression à l’ennemi que la menace va sans cesse croissant. Quand c’est possible, il est conseillé d’attaquer les forces de sécurité de second ordre affectées aux zones peu stratégiques Camer.be. Aisées à vaincre, leur déroute contribuera à  démoraliser et décrédibiliser l’Etat central, et les djihadistes leur prendront du matériel utile pour la suite des opérations tout en mettant à mal l’illusion de toute puissance  de l’Etat.

« C‘est ce qui est arrivé au nord du Nigéria » , commente notre source Poursuivant son interprétation des agissements des djihadistes, elle explique : « La progressivité dans l’intensité doit permettre de mener des actions nombreuses plutôt que massives, de préférence en de multiples endroits simultanément face à une insécurité présente partout et perçue comme croissante, l’Etat réagira en renforçant la protection des grands centres urbains, des étrangers et des sites économiques cruciaux, au détriment des campagnes et de la périphérie des grandes villes ce faisant, il laissera derrière lui les populations livrées à elles-mêmes, sans service public ni état de droit, qui en ressentiront un grand tourment . C’est l’état de sauvagerie, c’est la fin de l’Etat de droit et le retour à la loi du plus fort et la suite des opérations va faire de cet état une ressource du Djihad.

Entre politique et business

Les autorités administratives locales ont-elles ces outils d’appréciation ? Peut-être bien. Une constante se dégage des échanges qu’elles nous ont accordés la semaine dernière. « Il n’appartient pas aux militaires d’organiser les populations. » La petite querelle sur les restrictions des libertés qu’elles semblent avoir prises sans consulter les militaires spécialistes de la sécurité dénote en fait leur crainte de ne plus contrôler les populations et de ne plus, partant, leur instiller les préceptes du gouvernement et du parti qui le porte. Mais, il faut aussi considérer d’autres intérêts qui sont tus.

Des fonctionnaires et des habitants de ces villages se seraient plaints de la cherté des denrées. Tandis que les autorités administratives reprochent au Bir d’empêcher que des épiciers locaux se ravitaillent en marchandises Camer.be. Le principe est de ne pas favoriser le ravitaillement à Boko haram. Les terroristes sont aux abois et ont beaucoup d’argent. Ils achètent à tour de bras. Ils ne lésinent pas sur le prix : le litre d’essence à 5.000Ffa et le sac de 50 kg de riz à 60.000Fcfa, nous ont dit à la fois les autorités administratives et le Bir. Les premières signent des saufconduits à des commerçants de leurs choix pour ravitailler les épiceries. Les militaires ne sont pas toujours d’accord. Nous savons qui fait le commerce et quelles quantités il est susceptible de pouvoir écouler.

Du jour au lendemain, un épicier qui écoulait un sac de riz en une semaine se retrouve à écouler la cargaison d’un camion ou un vendeur d’essence qui écoulait 100 litres de carburant se retrouve à vendre des milliers de litres dans la même période, c’est louche et nous bloquons la marchandise, la confisquons pour la détruire et cherchons à en savoir plus sur le dit commerçant sauf que c’est des commerces autorisés par l’autorité administrative d’où la mésentente. Autre argument des militaires, la loi. « Le chef de l’Etat n’a pas décrété un état d’urgence de nécessité ou d’exception Ca me r.be. Pourtant, une disposition constitutionnelle et trois dispositions légales l’autorisent à : En cas de péril grave à décréter sur tout ou partie du territoire l’état d’exception. Trois lois l’autorisent à décréter l’état d’urgence d’exception ou de nécessité. Il ne l’a pas fait mais, les fonctionnaires de la préfectorale  l’osent », argumente notre interlocuteur.

La route des Kamikazes

Farouches opposants aux méthodes des militaires, ils n’hésitent pas à les pourfendre. Une question sensible divise les deux protagonistes dans le département du Mayo Sava : la sécurité sur la dorsale. La dorsale est en fait une route de terre parallèle à la route nationale de n° 1. Elle va de Limani à Bounderi et est longue de 35 km. Sans fards, des autorités administratives accusent les militaires de couardise. Leur reprochant d’avoir délaissé une partie du territoire à la merci des terroristes de Boko haram Camer.be. « La semaine dernière, un chef de Boko haram est venu partager des champs à ces gens à Wambaché. Suffoqués par la violence de l’accusation, les cadres de l’opération Alpha sortent des photographies d’eux, dans diverses postures le long de cet axe routier.

« Nous y sommes et aucun Boko haram ne s’y est installé », disent-ils. Leurs adversaires n’en démordent pas, il y avait un poste militaire à Omeka qui a été démonté et ramené à Bounderi. Les populations des villages le long de la dorsale ont fuit leurs maisons. L’armée nigériane exerce de fortes pressions sur Boko haram à Nariki et Banki. Les forces parties de Banki et de Gambarou agissent comme les pinces d’un étau sur les insurgés. Pour fuir la fatale  étreinte, des combattants de la secte franchissent la frontière et viennent se réfugier dans les maisons abandonnées. Plus grave, c’est par là que des kamikazes passeraient à moto.

Des paysans en ont vu 12 pasers sur leurs deux roues la semaine dernière. Chaque fois, un équipage d’un homme transportant trois femmes sur une moto. Ils se dirigeaient vers Tçhakarmari sur la route nationale n°1. De là, les terroristes supposés s’élanceraient sur la nationale n°1 pour se rendre à Mémé, et peut-être à Maroua par Pétté. « La piste de passage des kamikazes est connue de nous. C’est par Labado un petit chemin, qu’ils passent de nuit. C’est un sentier parsemé de mines Cam er. be. C’est aussi dans ce secteur qu’un officier du Bir s’est tué sur une mine. Du coup, ils évitent cet endroit. Ils ne peuvent donc pas les arrêter parce qu’ils ne combattent pas la nuit », affirme les contempteurs des militaires.

L’épineuse question de la dorsale

L’accusation est rude. Les militaires se rendent à l’évidence qu’ils sont peu appréciés de leurs partenaires. On ne s’entend plus. Ils reconnaissent que des terroristes peuvent passer et passent sans doute par la dorsale. « Nous avons 400 km de frontière à surveiller. Certes ils passent encore dans le Mayo Sava comme ils passent à Achigachia ou dans le Lac Tchad, mais, ils ne peuvent s’arrêter dans les villages des frontières. Dès que nous sommes au courant de leur présence, nous allons les chercher qu’importent les pertes, nous y retournons, leur chaîne de logistique n’est pas inépuisable. Nous avons pris des dispositions efficaces : Les populations sont recensées. Nous connaissons chaque personne par son nom même les bébés. »

De fait, seuls quelques incidents ponctuels ont menacé la vie des populations aux frontières. Des incursions furtives pour du ravitaillement ou pour effectuer des représailles à Mouzougou et à Kossa par exemple. Pour le reste, Boko haram semble confinée à la frontière. Mais, à la question de savoir si nous sommes libres d’aller faire un reportage sur la dorsale, les militaires répondent que, oui, « avec l’autorisation du ministre de la Défense ».

© Le Jour : Aziz Salatou

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