De quand date leur rivalité ? Difficile de la situer dans le temps, tant les deux personnalités concentrent, à elles seules, une longévité extraordinaire dans l’appareil de l’Etat et donc du parti au pouvoir. Longtemps numéro 2 du pays et successeur constitutionnel avant d’être relégué au troisième rang, Cavaye Yeguié Djibril règne sur l’Assemblée nationale depuis les élections législatives de mars 1992. Quant à son «frère» du Mayo-Sava, Amadou Ali, il est depuis 1983 un homme clé du système en place, bien que son étoile ne brille plus aujourd’hui avec la même intensité. D’où la guerre de leadership qui les oppose. Aucune occasion n’est de trop pour terrasser son adversaire.

Lors des législatives de juillet 2007, Amadou Ali soutient la candidature de l’actuel maire de Mora, Abba Boukar, alors que Cavaye Yeguié Djibril ne voulait pas entendre parler de lui. En réaction, le président de l’Assemblée nationale organise les adversaires du protégé d’Amadou Ali à la section Rdpc du Mayo-Sava Ouest. Résultat : Talba Doungouss, homme lige du ministre d’Etat, mord la poussière à la surprise générale, défait par une coalition pro-Cavaye conduite par le lamido de Kolofata d’alors, Boukar Lamine, et Madi Galda.

Lors des investitures pour les sénatoriales d’avril 2013, Cavaye Yeguié n’est pas investi. Il croit déceler derrière cet échec, la main d’une coalition Amadou Ali - Jean Nkueté. Bis repetita lors des investitures pour les élections législatives de septembre 2013, quand il est extirpé tout seul de sa liste pour être noyé dans celle de son «ennemi intime», Abba Malla. Cavaye Yeguié voit de nouveau dans cette humiliation, la main de son frère et non moins vice- Premier ministre, ministre délégué à la Présidence en charge des Relations avec les Assemblées. Le président de l’Assemblée nationale lui attribuera aussi les tentatives visant à le débarquer du perchoir au profit des députés Monjowa Lifaka Emilia et Djibrilla Kaou Bakary.

La gestion de la libération des otages enlevés à l’Extrême-Nord du Cameroun, viendra mettre plus en lumière la rivalité entre les deux hommes. Alors que sur le dossier «Liman Oumaté», du nom de ce jeune originaire du Mayo- Sava qui avait déclaré être à la tête d’une rébellion et qui avait trouvé refuge au Nigeria, ils s’étaient associés pour qu’il soit arrêté et remis aux services de sécurité. Les otages vont davantage creuser le fossé entre les deux personnalités. Amadou Ali, s’appuyant sur le député Abba Malla et le sulfureux homme d’affaires Abdallah, va voler de succès en succès, s’attirant la reconnaissance du chef de l’Etat. Le président de l’Assemblée nationale, lui, qui n’aura «libéré» que le père Vandenbeusch, va se servir de ces «triomphes» pour jeter un pavé dans la mare lors de l’ouverture de la session de l’Assemblée nationale de juin 2014.

«Dans ce combat, aucune complicité et aucune duplicité ne seront tolérées. (…) Nous le savons, beaucoup sont parmi nous, les uns tapis dans l’ombre, les autres très actifs mais dans l’hypocrisie, faisant semblant d’apporter leur aide aux autorités, leur objectif étant de brouiller les pistes, certainement pour mettre le pays à feu et à sang. Ceci est inacceptable ! N’ayons pas peur, dénonçons les ! Ils doivent rendre compte de leurs turpitudes». Des mauvaises langues y avaient vu une pique en direction d’Abba Malla et de l’homme d’affaires Abdallah. Et par ricochet, une adresse à Amadou Ali.

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