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© Camer.be : Rév. Dr Joêl Hervé BOUDJA
- 09 May 2021 07:46:43
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FRANCE :: PREDICATION DU 09 MAI 2021 DU REV. DR JOEL HERVE BOUDJA
Textes : Actes 10, 25-48 ; 1 Jean 4:7-10 ; Jean 15, 9-17
« Dieu est amour » écrit l’évangéliste Jean, voilà qui résume tout l’Évangile. Nous sommes toujours émerveillé devant une telle déclaration. Alors qu'il vit ses derniers instants privilégiés avec ses disciples, Jésus les invite à demeurer dans l'amour comme ils ont demeuré avec lui. Tout cela nous plaît mais la culture ambiante ne nous aide pas forcément à aller jusqu'au bout de cette dimension humaine et mystique. Notre société a tendance à renverser les termes. On passe alors de « Dieu est amour » vers l'amour est dieu.
En effet, les images et les discours nous focalisent sur la puissance du désir et du sentiment. On est appelé à ressentir, à exprimer nos désirs qui deviennent un peu un nouvel absolu. Les sentiments sont présentés comme le fondement unique aux liens et aux engagements. Que fait-on alors lorsqu'il y a des interruptions, des nuages, des remises en question ? Le mot « amour » est très beau et en même temps tellement complexe. Pourtant, nous n'avons qu'un seul mot en français pour dire une réalité qui a différentes dimensions.
La langue grecque, qui est celle de l'évangile et du Nouveau Testament, distingue différents types d'amour. D'abord, il y a le désir, la passion, l'éros qui nous pousse vers autrui. Ensuite, on a l'amour d'amitié (philia) qui introduit dans la relation une égalité, une réciprocité et une fidélité. Enfin, il y l'amour dont nous parle Jésus, l'agapè (charité). C'est l'amour qui suppose une volonté, un respect décidé et assuré. C'est ce qu'avait rappelé le pape Benoît 16 dans son encyclique intitulée « Dieu est amour ». Avec intelligence, il reconnaît la place de l'éros tout en reliant celle-ci aux autres dimensions. N'est-ce pas un peu ce que Jésus nous invite à faire ? Le Christ lui-même se positionne en disant : « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis ». En vivant avec ses disciples, Jésus a fait connaître ce qui l'habitait, dans un partage amical. C'est donc lors d'un repas, en signe d'amitié, que Jésus insiste pour dire que les disciples ne sont pas des serviteurs à commander mais des amis qui sont ses égaux.
« Je vous appelle amis ». Ceci a inspiré les grands auteurs spirituels de tous les temps. Pensons à Maître Eckhart, ce dominicain médiéval qui voyait la relation entre l'homme et Dieu comme une relation d'égalité et d'amitié. Nous retrouvons cette insistance chez quelqu'un comme Timothy Radcliffe, ancien maître général des dominicains. Dieu veut devenir l'ami de chaque être humain. Très bien, mais le plus bizarre reste que Jésus nous parle de l'amour comme d'un commandement. « Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres ». Est-ce qu'on peut aimer sur ordre ? Est-ce que l'amour n'est pas plutôt spontané que commandé ? Pourtant Jésus insiste : « vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande ». C'est peut-être là une originalité du christianisme : l'amour est un commandement, un « tu dois ». Ici, on peut avoir envie de fuir. C'est pourtant un sommet : à côté d'un amour spontané, il y a un amour décidé.
C'est le fruit d'un engagement, d'une volonté de respect et reconnaissance. Sinon, comment répondre à cet appel qu'on retrouve ailleurs et qui dit « aimez vos ennemis ». Chers frères et sœurs dans le Seigneur, Jésus dit à ses disciples « Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour ; comme moi, j'ai gardé fidèlement les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. » Il dit aussi : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande ». C'est seulement en gardant les commandements de Jésus que nous demeurons dans son amour, que nous sommes ses amis. Mais pourquoi cela nous intéresse, d'être les amis de Jésus, de demeurer dans son amour ? Dans la vie nous apprenons que l'amour est important ; nous ne sommes pas faits pour être seuls dans la vie.
C'est le message de la Genèse 2, où Dieu crée d'abord l'homme et puis remarque que ce n'est pas bon que l'homme soit seul, et il crée la femme pour être le compagnon de l'homme. Il est bon de trouver quelqu'un dans la vie, un ami, quelqu'un à aimer et quelqu'un qui nous aime, quelqu'un à qui nous pouvons rester fidèle et qui peut également nous rester fidèle. La vie peut être difficile si on ne trouve pas cette personne, et plus difficile encore si on la perd. L'amour d'un autre nous donne un point de repère dans le monde, cela donne un sens à notre vie.
Être sans amour, c'est être perdu. Ce n'est pas une loi universelle de la vie ; il y a peut être certains qui peuvent vivre seuls sans éprouver le manque d'un ami, qui peuvent vivre tout seuls tout en restant humains, sans se flétrir. Mais ces personnes sont rares ; pour la plupart d'entre nous l'amour et l'amitié sont essentiels. Mais si l'amitié nous est nécessaire, c'est l'amitié d'un de nos contemporains. Est-ce que nous avons vraiment besoin de demeurer dans l'amour de Jésus, d'être ses amis ? Et qu'est-ce que cela veut dire d'être ami de Jésus ? Nous ne partageons finalement pas notre vie avec Jésus comme nous la partageons avec nos partenaires et avec nos amis.
Nous ne vivons pas avec lui tous les jours comme nous pouvons vivre avec un époux, une épouse ou avec un ami. C'est vrai. Je crois que, quand Jésus nous dit de demeurer dans son amour, cela doit être en partie métaphorique. Mais c'est une métaphore extrêmement importante. Pour Jean, qui nous transmet ces paroles du Seigneur, Jésus n'est pas simplement quelqu'un avec lequel on puisse vivre, un partenaire potentiel. Jésus est le Verbe, la Parole de Dieu par laquelle tout est crée, y compris nous-mêmes.
C'est lui, le sens de la création, le sens du monde dans lequel nous nous trouvons. Si c'est normalement l'amour, l'amitié, la fidélité de et à un autre qui nous donne un point de repère, qui donne un sens à notre vie, cet amour peut être un amour désespéré, un amour qui nous sauve d'un monde qui paraît insensé, qui nous permet de survivre malgré le monde. Mais pour Jean, et pour nous les chrétiens, le monde n'est pas insensé, il a déjà un sens, il y a déjà un point de repère.
Ce que nous donne l'amour humain est déjà présent dans le monde. C'est pourquoi on peut dire qu'il y a un amour ou une amitié qui s'y exprime. Cet amour y est présent parce que le monde est créé par le Verbe de Dieu, Jésus. C'est cet amour-là qui est véritablement essentiel à notre existence. Si nos amours humains donnent un sens à notre vie, c'est parce qu'elles nous permettent de voir et de vivre un amour plus fondamental. C'est cet amour-là que Jésus nous offre et dans lequel il nous dit de rester. Si nous aimons humainement, notre amour ne nous défend pas contre un monde sans amour et sans sens ; ce n'est pas une solitude à deux. Il nous permet plutôt de voir qu'il y a un amour dans le monde, de voir et de vivre le sens du monde. C'est pourquoi l'amour de Dieu, l'amour de Jésus, n'est pas une alternative à l'amour d'un autre.
C'est l'amour d'un autre qui nous ouvre à l'amour de Dieu. Et c'est pourquoi dans l'évangile d'aujourd'hui Jésus, en disant à ses disciples de demeurer dans son amour, leur dit : « Aimez-vous les uns les autres ». Si nous ne savons pas nous aimer les uns les autres, nous ne comprendrons jamais l'amour de Dieu, et notre monde restera toujours un monde sans sens. Dans la première lettre de Jean ainsi que dans l’évangile que nous venons d’entendre nous avons entendu 22 fois le verbe aimer ou ses dérivés : 10 fois dans la Lettre et 12 fois dans l’Évangile ! Nous célébrons donc bien le dimanche des 22 ou pour le dire autrement « le dimanche de l’amour ».
Et ce qui est encore plus merveilleux, c’est que le verbe aimer y est conjugué à toutes les personnes. Il est heureux que nous ayons un dimanche de l’amour car l’amour restera toujours un mystère dont nous n’avons pas toutes les clés. Alors, plutôt que de chercher à résoudre ce mystère, il vaut mieux comme le disait un philosophe danois : « trouver le courage d’exister en tant que mystère ! ». Pour inscrire ce mystère dans le temps, il est fondamental de reconnaître qu’il y a de la solitude, de la finitude et de l’incertitude dans toute relation d’amour. Je m’explique. Même au sein d’un couple qui a traversé les années, chacun reste profondément seul, c’est-à-dire singulier. Ainsi ni l’un ni l’autre n’auront la prétention de croire tout connaître de l’être aimé. Il y a une reconnaissance implicite du mystère qui nous lie.
Nous ne serons jamais dans la tête de l’autre. Vient ensuite la finitude. Cette fois, nous sommes invités à accepter qu’il y a, en chacune et chacun de nous, une part d’inconnaissance, d’immaîtrisable, de faillible, de fragile. Nos fragilités partagées ne sont-elles d’ailleurs pas le lieu par excellence de la rencontre humaine? Et enfin, l’incertitude est fondamentale car elle nous fait prendre conscience que l’amour est un don et non un dû. Il est donc nécessaire de l’entretenir, de le chérir. Aimer, c’est donc croire qu’il y a un toujours quelque chose à vivre et à espérer car tout n’a pas été dit une fois pour toute. En amour, il restera toujours de l’inédit. Aimer, c’est également vivre pour que l’autre vive, pour qu’il puisse se chercher et surtout se trouver. C’est le faire exister à lui-même par l’amour que nous lui portons.
En ce sens, il y a également une forme d’abandon au désir de l’autre, ou pour le dire autrement, oser se démettre de soi. C’est précisément cela que le Christ vient nous dire lorsqu’il affirme qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Il ne s’agit pas de perdre sa vie mais plutôt d’un retrait de soi, d’un retrait en soi pour laisser également de l’espace à l’autre. Cet abandon n’est pas une démission mais plutôt le détachement de toute prétention à vouloir que l’autre devienne ce que je projette sur lui, sur elle. Aimer, c’est donc tout un art, et cela s’apprend. On peut le faire avec effort, puis avec goût et finalement y trouver la joie. Le sentiment n’est pas nécessairement présent au tout début. Il y a des moments où il faut s’accrocher, où il faut le vouloir, où il faut tenir dans l’adversité. Et puis cela vient plus simplement, comme allant de soi, comme une seconde nature, comme une passion et même comme une résurrection. Aimer c’est tout un art, et cela n’est pas facultatif.
Nous sommes faits pour aimer. « Celui qui aime connaît Dieu » : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite.». Aimer, ce n'est donc pas seulement une affaire de passion et de désir. Jésus nous pousse à aller plus loin : demeurer dans son amour en prenant une décision. C'est un acte de foi aussi difficile que celui de croire en Dieu aujourd'hui. Encore une fois, la proposition chrétienne nous provoque au défi. Dans toute relation d’amour ou d’amitié, nous sommes appelés à accomplir notre destinée en « devenant » sans jamais oublier que devenir c’est « venir de ». Il est fondamental d’intégrer notre passé dans le présent de notre être pour construire le futur de notre vie. Il y a donc lieu d’être, d’être réellement ce que nous sommes appelés à devenir. Et veiller tendrement sur ce devenir, c’est choisir l’ouverture, accueillir l’inespéré, se défaire de ses opacités. Dieu nous aime tel que nous sommes et tel que nous sommes appelés à devenir.
En nous aimant, Il poétise la vie. Il l’agrandit et nous permet de laisser passer la lumière. Il est intéressant de noter, qu’en hébreu, le terme Messie, mashiah, est l’anagramme de hasimha, c’est-à-dire la joie. Croire en Dieu nous ouvre ainsi à cette joie intérieure et profonde. Nous rejoignons de la sorte, cette parole du Christ entendue dans l’évangile de ce jour : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite ». Cette joie divine est le reflet de cet amour que nous sommes appelés à vivre chaque jour, même si nous ne nous aimons pas toujours avec la même intensité. L’enjeu est que l’amour soit toujours au cœur de nos vies, au cœur de nos relations car c’est de cette manière que notre Dieu se dévoile à nous, c’est-à-dire par nous.
Amen
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