Ces fléaux oubliés des jeunes : Le mirage du gain facile
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Certains jeunes ne fournissent plus des efforts pour se trouver un emploi. Ce dérèglement est alimenté par la paresse et des idées reçues.

Les salles de jeu de hasard ne désemplissent plus. Durant toute la journée, des jeunes se succèdent. Au carrefour Régie, la salle de jeu « Premier bet » est l’un des lieux de prédilection des jeunes des quartiers environnants. Rencontré sur les lieux, Roger Nambia est dans son jour de grâce. Le jeune homme de 24 ans a gagné 17650 Fcfa sur son placement de 500 Fcfa. « Je mise sur la chance, parce qu’il n’y a rien à faire. Avec 500 Fcfa on vient tuer le temps ici. J’attends le jour où j’aurai la chance de gagner 200 000 Fcfa ». Roger est titulaire d’un Gce Ordinary Level (le Bepc dans la section francophone, ndlr). Après son échec au Gce Advanced level (Baccalauréat dans la section francophone), il a abandonné ses études. Il a découvert les jeux de hasard par le biais d’un ami. Le jeune ne s’en est plus détourné. « C’est mon ami qui m’a entrainé dans le jeu », confie-t-il. Roger espère gagner un « pactol » pour ranger sa vie.

« Si je gagne les millions, j’achète le terrain, je construis, j’épouse une belle femme », se projette-t-il. Sorti de l’Ecole des mines il y a deux ans, Romuald raconte à qui veut l’entendre qu’il ne travaillera qu’au port autonome de Douala ou dans une entreprise de renom. Il n’est pas intéressé par tous les concours d’intégration qui ont été lancés depuis lors. Pour « tuer le temps », le jeune homme est devenu un adepte des jeux de hasard. Il passe ses journées entre la maison et les salles de jeu en attendant le jour où l’aubaine se présentera.

Place à la facilité

Comme fait social, le désoeuvrement des jeunes a des mobiles qui ont fait durer cette situation. Le sociologue du développement, Thaddée Xavier Owona Bidi, estime que : « le jeune au Cameroun est en proie à la facilité, l’appât du gain qui se décline en termes d’adéquation entre l’effort qu’on ne fournit pas et le capital qu’on a, à la fin. Nous sommes dans un milieu où on a construit dans la tête des jeunes qu’il est facile de réussir sans rien faire. » Selon lui, la première cause est liée au cadre dans lequel le jeune nait. Dans certaines cultures ou familles, les enfants ne sont pas préparés à se débrouiller contrairement dans d’autres où les enfants sont préparés à l’esprit de la débrouillardise. Concomitamment dans ces familles, on construit un mythe qui va grandir au fur et à mesure. L’école devient un moyen par lequel on peut devenir quelque chose. Les enfants sont envoyés à l’école sans s’assurer qu’il y a adéquation entre la formation et le milieu de l’emploi.

Tissu économique

Autre aspect, une certaine sociologie de l’accès à l’emploi s’est construite au Cameroun. C’est celle selon laquelle il ne faut pas être intelligent pour avoir un emploi. La valeur intrinsèque ne permet pas d’accéder à l’emploi. Mais, il faut plutôt adhérer à des loges ou sectes ou faire le tutorat ou mandarinat. Le sociologue évoque l’intrusion de la « feymania » dans la société camerounaise. Celle-ci a participé à asseoir ce dérèglement du fait de sa naissance ; de comment elle a été entretenue et célébrée. Le portail des camerounais de Belgique (@camer.be). Les jeunes ont compris par cela que ce n’est pas forcément en travaillant qu’on a les moyens. L’Etat n’est pas à dédouaner face à la montée en puissance de ce phénomène. « Il a failli dans ses missions régaliennes. Il n’a pas su créer une adéquation entre la formation qu’on propose aux jeunes et les réalités du milieu de l’emploi, à l’insertion professionnelle », indique le sociologue.

Les cas de Roger et Romuald ne sont pas isolés. Il est fréquent de voir des attroupements des jeunes jouant au damier, aux cartes ; commentant les informations des journées entières dans les différents quartiers. Pourquoi les jeunes ont-ils tant de mal à trouver le travail au Cameroun ? A cette question, l’économiste Jean Baptiste Atemengue pense : « c’est la productivité de ceux qui travaillent qui crée des emplois à ceux qui ne travaillent pas, ceux qui travaillent et qui ont des revenus sont quatre fois moins nombreux que ceux qui ne travaillent pas. Il est évident que leur production ne peut pas permettre de créer des emplois à ces nombreux jeunes. »

Pour lui, la démographie ne favorise pas la création d’emplois pour tous les jeunes. L’économiste suggère de trouver d’autres créneaux qui demandent moins d’investissements en capitaux. « Les jeunes ne suivent pas. Par exemple, l’agriculture est un créneau qui demande moins d’investissement à capitaux. Pour que les jeunes soient dans le circuit économique. Ils peuvent évoluer progressivement en épargnant pour avoir leur investissement propre », ajoute-t-il.

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