MASCARADE : Des militaires de la GP dans un trafic de salaires
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Ils sont accusés d’avoir perçu des salaires indus à l’aide de fausses cartes nationales d’identité de fonctionnaires qui leur ont permis de siphonner 64 millions de francs au trésor public. Les enquêtes ont esquivé de nombreux suspects pourtant dénoncé comme membres du réseau. Le jugement est ouvert au Tribunal criminel spécial sous fond d’ombre.

Le marathon judiciaire de Jean Oscar Bertrand Anounga, Parfait Mballa Alam et Sévérin Ombie Ndzana est lancé devant le Tribunal criminel spécial (TCS). Ils doivent s’expliquer sur un supposé détournement de la somme totale de 64,4 millions de francs réalisé entre 2014 à 2018. Le montant a été siphonné au trésor public à travers la perception indue des salaires au moyen de fausses cartes nationales d’identité de fonctionnaires et d’agents publics. Les incriminés sont militaires en service à la Garde présidentielle (GP), une unité d’élite de la Défense. Les accusés méditent leur sort à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui à l’exception de M. Mballa Alam, déclaré évadé. Le 30 janvier dernier, la première audience publique n’a duré qu’une poignée de minutes, juste le temps pour le tribunal d’appeler les parties au procès. En attendant l’ouverture éventuelle des débats dans cette procédure, l’acte d’accusation dressé par David Donhou, juge d’instruction au TCS, et consulté par Kalara, permet d’avoir une idée précise sur les faits au centre du procès. Le document est muet sur les grades et lieux de service des accusés au moment des faits.

En effet, tout est partie d’une banale réclamation de Abraham Rouama Kadake faite auprès du ministre de la Fonction publique le 24 février 2016. Enseignant de lycée, il se plaignait de ce que son nom avait été mal orthographié dans l’arrêté du ministre portant attribution d’avance de solde à certains enseignants en cours d’intégration signé le 10 octobre 2014. L’erreur a été reprise dans le décret du Premier ministre portant son intégration à la Fonction publique. Il sollicitait donc la rectification.

Crédit du Sahel

Le 13 janvier 2018, M. Rouama Kadake s’est rendu à la sous-direction des Soldes du ministère des Enseignements secondaires pour s’enquérir de la situation de son dossier. Il apprendra que son salaire passe depuis 2016 au profit d’un certain «Bouama Kadake Abraham» avec son propre numéro matricule. Or, c’est le nom qu’il souhaitait voir rectifier. Le salaire est viré dans un compte ouvert dans les livres de la microfinance du Crédit du Sahel agence Douala- Akwa.

Face au constat, M. Rouama Kadake a déposé une plainte à la direction de la police judiciaire. Un «stratagème» mis sur pied a permis d’interpeller l’accusé Parfait Mballa Alam venu percevoir le salaire querellé. Lors de son interpellation l’accusé détenait une carte nationale d’identité (CNI) au nom de «Bouama Kadake Abraham». Il possédait en outre deux autres CNI au nom de Paul Maurice Mba Evina, ainsi que des attestations de présence au service et des bulletins de solde établis aux noms de Moïse Nkwei et Olivier Tchoing Dodje. M. Mbala Alam est passé aux aveux complets en révélant qu’il percevait plusieurs salaires, avec la complicité des nommés Pierre Koum, Maurice Koue, feu Edimbi et Thérèse Edima, sa petite amie, en service au ministère des Finances et à la Trésorerie générale de Yaoundé. L’acte d’accusation est bizarrement muet sur les concernés.

Des suspects épargnés

De fait, c’est sur la base des documents récupérés le jour de l’interpellation de M. Mballa Alam que le service informatique de la direction de la Dépense, du personnel et de pension du Minfi a arrêté la somme dépouillée à 64,4 millions de francs comme le montant total des salaires indument perçus. Parfait Mballa Alam s’est évadé le 24 février 2018 alors qu’il était en garde à vue dans les cellules du corps spécialisé des officiers de police judiciaire du TCS. Une vraie curiosité. L’exploitation de son téléphone portable abandonné lors de sa fugue a permis de mettre la main sur Séverin Ombie Ndzana. Le jour de son arrestation, ce dernier détenait quatre cartes bancaires avec des noms distincts. Grace à lui, Jean Oscar Bertrand Anounga sera interpellé.

Devant le juge d’instruction, M. Ombie Ndzana a expliqué qu’il s’est servi de ses fonctions de secrétaire d’une compagnie militaire pour contribuer à la fraude décriée. Il affirme que parfait Mballa Alam lui donnait des informations concernant les identités, les matricules de recrutement ainsi que les numéros soldes des bénéficiaires des salaires ciblés par le réseau. Les données reçues étaient transmises à M. Anounga qui était chargé de «monter les dossiers» en collaboration avec Elvis Embolo, un autre militaire lui aussi non mis en cause. Ces derniers s’occupaient du suivi desdits dossiers au ministère des Finances. L'info claire et nette. «Pour éviter d’être dupé», M. Ombie Ndzana révèle qu’il exigeait à ses acolytes de lui donner les cartes bancaires issus des faux dossiers. L’argent était partagé entre les membres du réseau.

Le juge d’instruction a renvoyé les trois accusés en jugement en disant qu’ils ont constitué des dossiers fictifs ayant abouti aux paiements litigieux au profit de leurs nombreux acolytes nommément cités dans l’ordonnance de renvoi, sans cependant s’intéresser aux concernés. Ce n’est pas la première fois qu’une affaire de perception de salaires indus par des militaires est soumise à l’examen public au TCS. Les précédentes fois, les juges n’ont pas souvent montré leur volonté à cerner la cause du mal, c’est-à-dire à démasquer toute la chaine de la supercherie, surtout quand les complices se recrutent dans l’armée… En attendant le hasard d’une autre dénonciation.

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