Le Cameroun à  pas forcés vers la Cour des comptes
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Face à la résistance des autorités de Yaoundé, l’Union européenne a fait de la mise sur pied de cette institution une condition pour le décaissement des prochaines tranches de son appui budgétaire. Près de 40 milliards de francs CFA en jeu.  

A en croire le Premier président de la Cour suprême, la loi de décembre 2006 fixant l’organisation de la Cour suprême et celle de décembre 2007 portant régime financier de l’Etat et son décret d’application de mai 2013 instituant règlement général de la comptabilité publique ont élargi les prérogatives de la Chambre des comptes.

Au point où, soutient Daniel Mekobe Sone, «la Chambre des comptes de la Cour suprême n’est pas loin d’exercer l’ensemble des prérogatives dévolues à la Cour des comptes que les Etats membres de la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale (Cemac) s’obligent à instituer chez eux», écrit-il dans l’avant-propos du dernier rapport de la Chambre des comptes publié en 2017.

La sortie de ce haut magistrat tente ainsi de tempérer l’urgence voir la nécessité de mettre sur pied une Cour des comptes telle que prévue depuis décembre 2011 par les directives Cemac relatives aux lois de finances et au règlement général de la comptabilité publique. Cet argument, souvent repris par les forces au sein du sérail opposées à l’instauration d’une Cour des comptes, est battu en brèche dans le même rapport. Dans la partie recommandations, la juridiction rappelle en effet «l’urgence de la relecture» de la loi d’avril 2003 fixant ses attributions.

Cette nécessité qui fait l’objet d’une recommandation depuis 2006, a été à nouveau perçue lors d’un atelier organisé en 2013. «Cette atelier a mis en parallèle, les insuffisances du texte actuel avec les dispositions d’une juridiction financière conforme aux normes internationales et singulièrement aux directives Cemac», soutient l’équipe de rédaction du rapport dirigée par le conseiller maitre Pierre Kameni.

Impunité

C’est à la même conclusion qu’est parvenue la dernière évaluation du système de gestion des finances publiques publiée au mois de juin 2017 par le ministère des Finances (rapport PEFA 2017). «Le degré d’indépendance, au sens recommandé par l’Intosai (Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle), de la Chambre des comptes est limité. Ses compétences en matière d’audit sont aussi limitées par la législation et par la réglementation. Par ailleurs, elle ne peut exercer pleinement ses missions juridictionnelles en raison du manque de respect par les comptables de leurs obligations en matière de reddition des comptes», conclut cette étude financée par l’Union européenne (UE) et réalisée par le cabinet belge ADE (Aide à la décision économique) SA. Pour ces experts, «c’est essentiellement à travers l’application progressive des dispositions de l’ensemble des directives Cemac de décembre 2011 que les objectifs de modernisation de la gestion des finances publiques et, au-delà de celle-ci, de l’administration en général, seront atteints».

Et cela est davantage vrai pour «l’organisation de l’audit et de la surveillance externes», indique un conseiller à la Chambre des comptes. En effet, en conformité avec les normes internationales en la matière, l’article 72 de la directive Cemac relative aux lois de finances fait de la Cour des comptes «l’institution supérieur de contrôle de chaque Etat». Or, selon les experts du cabinet ADE SA., l’article 2 du décret de septembre 2013 fixant les attributions du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) confie ce rôle à cette structure. C’est donc à ce département ministériel que revient le contrôle des ordonnateurs de dépenses notamment des ministres. La Chambre des comptes, elle, est confinée aux contrôles des comptables publics.

Dans ce schéma, c’est en effet l’exécutif qui contrôle l’exécutif. Par conséquent, l’audit et la surveillance externes sont peu efficaces. «La Chambre des comptes ne bénéficie pas de la faculté de saisir le CDBF (Conseil de discipline budgétaire et financière) pour les fautes de gestion imputables aux ordonnateurs relevées lors de ses contrôles, faculté pourtant reconnue aux tribunaux régionaux des comptes. Ainsi, les fautes conjointes ou communes punies au niveau du comptable demeurent sans conséquence à l’égard de l’ordonnateur ou du gestionnaire», regrette l’institution judiciaire dans son rapport publié l’année dernière.

Conditionnalité

«Cette situation entraine un effritement du cadre de recevabilité, de sincérité budgétaire et comptable, et du respect de la règlementation», soutient l’UE dans l’appendice 1 de la convention signée avec le pays pour la mise en oeuvre de son appui budgétaire pour la période 2017-2019. Afin de forcer la main à Yaoundé, qui freine, depuis, de quatre fers, la transposition des directives Cemac dans la législation nationale, Bruxelles inscrit «la création d’une Cour des comptes financièrement indépendante et dont le mandat couvre l’ensemble des attributions d’un institut supérieur de contrôle», parmi les conditions générales de son appui budgétaire. Un don qui s’inscrit dans le cadre du programme d’ajustement conclu avec le FMI.

Après  avoir reçu près de 20 milliards de francs CFA en fin 2017, le Cameroun devra mettre en oeuvre cette réforme pour recevoir les près de 40 milliards de francs restant. A en croire le Fonds monétaire international (FMI), Yaoundé a transmis en fin d’année dernière, «les six projets de textes devant transposer les directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques de la Cemac de 2011 à la Commission de la Cemac pour avis de conformité». Mais ces progrès ne semblent guère rassurer l’UE. Selon nos informations, le discours de l’ambassadeur chef de délégation de l’UE au Cameroun, lors du lancement du séminaire de formation des magistrats et cadres de la Chambre des comptes sur les techniques générales de contrôle externes des comptes, visait donc à passer ce message à Etoudi: Bruxelles tient à la mise en place d’une Cour des comptes avec les prérogatives prévus dans les directives de la Cemac.

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