Présidentielle 2018 : Qui pour mettre fin au règne de Paul Biya?
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Une frange de la population a soif d’alternance. Mais le président sortant est quasiment sûr de remporter l’élection présidentielle prévue l’année prochaine. La faute surtout à une classe politique sans audace.

«La CAN 2019, c’est déjà demain et le Cameroun sera prêt le jour dit, j’en prends l’engagement ». Ainsi parlait le président de la République le 10 août 2017 au Palais de l’Unité, lors de la célébration des médaillés des derniers Jeux de la Francophonie d’Abidjan. Pour ceux qui pouvaient encore en douter, le président de la République a ce jour-là trahi sa volonté d’être candidat à l’élection présidentielle prévue l’année prochaine, c’est-à-dire avant la CAN. En se portant personnellement garant des engagements de l’Etat, Paul Biya se pose déjà en vainqueur de cette joute.

D’ailleurs, des panneaux publicitaires qui ont aussitôt commencé à fleurir dans certains grands carrefours de Douala laissent l’impression que la campagne, qui devrait s’apparenter à une formalité, est lancée. Mais pourquoi le camp présidentiel semble si certain de la victoire de son champion, en dépit de son âge (85 ans en février prochain), de son long exercice du pouvoir suprême (35 ans) et du désir d’alternance qui anime une frange non négligeable de la population ?

Moins que le système électoral et le verrouillage des institutions en charge de la gestion des élections, c’est davantage le paysage politique qui, pour l’heure, fait de l’actuel occupant du fauteuil le seul véritable présidentiable en course pour sa succession. Non seulement sa candidature bénéficie du soutien du RPDC, la plus puissante machine électorale, mais aussi elle fédère pour toutes sortes de raisons.

« Les trois régions du Nord vont continuer à apporter leur soutien à Biya aussi longtemps qu’il souhaitera rester président », confiait par exemple Amadou Ali à Janet E. Garvey, ambassadeur des Etats-Unis, au cours d’un échange divulgué par WikiLeaks. Au-delà des adhésions, François Soudan, qu’on ne saurait accuser de ne pas connaître la scène politique camerounaise, écrivait il y a quelque temps à Jeune Afrique : « Le paysage politique camerounais étant ce qu’il est aujourd’hui, Paul Biya n’a pas (ou plus) d’adversaire à sa hauteur ».

Pour la prochaine bataille, une dizaine de candidatures pour le moins anecdotiques ont d’ores et déjà été enregistrées : Martial Bissog, ancien journaliste de Canal 2 ; Jean Blaise Gwet, un opérateur économique très peu recommandable ; Bernard Njonga, acteur plutôt bien connu au sein de la société civile dans l’arène politique, etc. La candidature de Maurice Kamto, juriste de haut vol, aurait pu constituer une alternative crédible. Mais ce dernier tarde à prendre de l’épaisseur et doit en outre compter avec certaines pesanteurs. D’abord les considérations tribales.

Amadou Ali, dans un échange avec Janet E. Garvey, ambassadeur des Etats-Unis à Yaoundé, divulgué par WikiLeaks, faisait savoir que « aucun soutien du Grand-Nord à une ambition politique bamiléké n’est envisageable ». Même si Mathias Eric Owona Nguini, politologue, note que « le Nord est très loin d’être génétiquement, religieusement, culturellement ou politiquement homogène ».

Et pour bien plomber cette ambition soutenue par un MRC très offensif dans l’arène, il n’y a pas mieux que les opérateurs politiques et surtout économiques de l’Ouest. Certains d’entre ces derniers, après l’amère expérience de leur soutien au candidat du SDF en 1992, ont tôt fait de regagner les rangs du RDPC, histoire de ne pas mettre leurs affaires en péril. La candidature annoncée d’Akere T. Muna s’inscrit dans cette logique. S’il a tout d’un véritable présidentiable, reste que la démarche de cet avocat réputé et se targuant d’un rayonnement international pourrait plombée par les contingences de l’heure susceptibles de laisser croire qu’elle est inspirée par la crise anglophone. Une manière de faire de lui le candidat de deux Régions. En tout cas avec les candidatures déjà déclarées ou envisagées jusqu’ici, Paul Biya semble avoir un boulevard devant lui.

Révolue donc l’époque où la présidentielle présentait un véritable enjeu pour l’électeur, comme en 1992 lorsque Ni John Fru Ndi a failli de peu ravir le pouvoir à Paul Biya. Depuis lors, tous les opposants susceptibles d’entrer au Palais de l’Unité ont pour d’aucuns été émasculés, d’autres ont ruiné leurs espoirs en s’alliant au pouvoir ou en s’illustrant par une gouvernance de leur appareil politique qui leur a fait perdre l’estime d’une frange majoritaire de leur électorat. La faute aussi à la classe politique aux affaires.

Pour rien au monde, ses tenants, parmi ceux qui peuvent légitimement nourrir ou nourrissent secrètement une ambition présidentielle, ne sont disposés à prendre un risque pour défier ‘’leur créateur’’. Marafa Hamidou Yaya, ancien secrétaire général de la présidence de la République et ministre d’Etat qui purge aujourd’hui une peine d’emprisonnement de 20 ans, constitue dans une certaine mesure une exception dans le sérail.

Celui qu’on présentait alors comme «  le favori de tous les ambassadeurs occidentaux accrédités à Yaoundé » passe pour être « le seul qui ait admis en privé avoir l’ambition d’être un jour candidat à la présidentielle ». Bien que, pour battre en brèche cette manière de voir, Dakolé Daissala parle de « dauphins putatifs sur la base de leurs seuls carnets à l’étranger, sans aucun souci de leur assise populaire nulle part au Cameroun ».

Alors qu’elles ne manquent pas d’atouts, pour autant les ‘’créatures’’ de Paul Biya ne sont pas prêtes à ressembler à Macky Sall, qui n’hésita pas à braver son mentor, Abdoulaye Wade, pour être aujourd’hui président de la République sénégalaise. En dehors de manquer d’audace, beaucoup trainent des casseroles qui interdisent l’expression de la moindre ambition présidentielle, au risque de passer à la guillotine. Du coup, le Cameroun est loin d’évoluer dans la même cour que des pays comme le Sénégal, le Bénin, le Ghana ou le Gabon, où l’élection présidentielle met presque toujours en lice des candidats pouvant chacun l’emporter.

Dans ce dernier pays, la présidentielle du 27 août 2016 a dès le départ mis aux prises des présidentiables comme Guy Nzouba Ndama, qui a longtemps présidé l’Assemblée nationale avant de démissionner quelques mois auparavant du parti au pouvoir pour passer à l’opposition, ou Casimir Oyé Mba, ancien Premier ministre et gouverneur de la BEAC, avant de se réduire au final à un duel de titans entre Ali Bongo Ondimba, le président sortant, et Jean Ping, ancien président de la Commission de l’Union africaine qui a construit sa trajectoire sous l’aile tutélaire d’Omar Bongo Ondimba avant de se dresser contre son fils et successeur.

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