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© Camer.be : Propos Recueillis Par Hugues SEUMO
- 20 Feb 2016 12:12:40
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Cameroun, Devoir de mémoire, Bethuel Kouatou: "Savoir ce qui s’est véritablement passé soulagera et aussi abrégera les souffrances des familles qui, jusqu’ici n’ont pas fait le deuil" :: CAMEROON
L’affaire des neuf disparus de Bépanda hante toujours les familles des victimes. Les responsables du C9 n'ont aucune intention de rester indifférents face à l'injustice et les crimes crapuleux qui continuent à être perpétrés en toute impunité par les autorités camerounaises. Le C9 sortira une fois de plus des casernes pour une autre action internationale. Camer.be en a profité pour rencontrer Monsieur Fabrice Kouatou, l’un des pères fondateurs du C9. Confidences...
Bonjour Monsieur Kouatou. 20 février 2000- 20 février 2016...16 après, les cicatrices du Commandement Opérationnel sont toujours là. En tant qu'initiateur de la grande campagne de revendication après la disparition de vos deux cadets Charles et Elysée Kouatou avec 7 de leurs camarades (Affaire des 9 disparus de Bépanda). Quelles ont été les retombées de cette mobilisation ?
A mon avis bien que celles-ci puissent paraître insignifiantes et surtout pas le but atteint, la lutte que nous avions initiée a eu des retombées plutôt modestes et sans précédent dans l’histoire des forces armées au Cameroun. Nous avons par exemple obtenu la mise aux arrêts puis en détention préventive pendant 18 mois de plusieurs officiers mais surtout des officiers supérieurs (Capitaine Abba et le Colonel Bobbo Ousmanou). Nous avons obtenu la tenue d’un procès retentissant bien que celui-ci ait été tronqué. Mais surtout nous avons obtenu la dissolution du commandement Opérationnel. Tous ces faits étaient sans précédent au Cameroun.
Pouvez vous nous donner les raisons et les circonstances de la création du C9 ?
Il faut dire d’entrée que lorsqu’en compagnie de mon Papa nous nous rendons à l’évidence que Charles Ruben et Herbert Elisée du même nom que moi ne sont probablement plus vivant, je lui suggère de rencontrer les autorités de la province (aujourd'hui devenue région) et ceux du Commandement Opérationnel, mon Papa qui est très croyant (Témoins de Jéhovah depuis plus de 40 ans) me dit que si ceci s’avère vrai il prendra tout ça comme une persécution semblable à celle que subissait Job. Je dois désormais faire cavalier seul. Tour à tour je rencontre le secrétaire général et le Gouverneur de la Province, le Général Mpay qui m’éconduit, le Capitaine Abba, le Colonel Bobbo, le Commissaire Spécial etc…. avec la même réponse ‘’nous sommes désolés nous n’en savons rien’’. Devant ce mur je décide d’organiser les familles qui acceptent de cosigner la plainte que nous déposerons au SEMIL (Sécurité Militaire). Celle-ci sera rejetée et classée sans suite. Les autres familles abandonneront les démarches à ce stade. Je décide alors de contacter tous ceux que j’avais vu et entendu dans une affaire précédente celle du jeune BASSILEKIN à savoir Ekane Anicet qui réunit son staff pour des réunions au quotidien devant notre domicile familial. Décision sera prise d’organiser des marches de protestations sous la coupe d’un Comité pour les 9 disparus de Bepanda (C9).
Seize ans après que des jeunes gens soient arrêtés par les forces de l'ordre à Bépanda, les familles dont la vôtre n'ont jamais vu les leurs ni retrouvé leurs corps. Qu'est ce que cette situation suscite chez vous ?
Une tristesse indescriptible. Surtout des parents brisés à jamais. Je peux encore aujourd’hui lire dans les yeux mes parents le désarroi qui les accable. Mes frères auraient eu 39 et 40 ans aujourd’hui. Le drame reste tout entier. Sans corps chez nous dans le NDE, le deuil n’est pas possible.
Selon le tribunal militaire de Yaoundé, qui a rendu son verdict dans cette affaire en 2002, les neuf jeunes gens interpellés dans la nuit du 23 au 24 janvier 2001 à leurs domiciles respectifs du bloc dénommé Black quarter au quartier Bépanda omnisports, se seraient évadés des centres de détention de Douala...
C’est du n’importe quoi. Nous l’avions d’ailleurs relevé au cours de ce prétendu procès organisé par les militaires pour juger des militaires dans un tribunal militaire. Le ton était donné dès l’instruction qui avait choisi sa ligne ignorant les parties et les faits tels que déroulés. Il faut dire ici que tous les avocats que j’avais sollicité pour défendre ma famille ( Nkom Alice, Charles Tchoungang, Gnie Kamga ) refusèrent à la lecture du dossier d’instruction et prédisant le verdict. Je profite pour remercier ici Maître Momo Jean De Dieu qui, seul a défendu les familles. Si les 9 s’étaient évadés comme prétendu par le tribunal, les familles auraient à ce jour eu des nouvelles d’eux même si ceux-ci s’étaient réfugiés sur la lune.
Vous nous aviez lors de la commémoration du 10è anniversaire de la disparition des 9 de Bépanda que vous croyez fermement que les neuf gens ont été exécutés par leurs geôliers et ensevelis dans une carrière militaire au village Logbadjeck, dans le département de la Sanaga Maritime. Cette allégation est-elle toujours à jour?
Ces informations restent vraies. Mieux encore nos recherches nous ont menés à une histoire incroyable. Mes frères et leurs amis ont été échangés le soir du 29 Janvier. Des braqueurs venus du Tchad étaient recherchés par la gendarmerie tchadienne. Le dossier avait été transmis au Secrétariat d'Etat à la défense (SED) qui a son tour après recoupage a transmis le dossier à la légion de gendarmerie du Littoral et précisément aux mains du Capitaine Abba en charge de la cellule antigang. Les malfrats s’étaient réfugiés à l’hôtel le Nde et furent arrêtés le 26 janvier par le Capitaine Abba qui les transféra au siège du Commandement Opérationnel (Garnison militaire de Bonanjo). Entre le 26 et le 29, la hiérarchie du Commandement Opérationnel reçoit environ 110 000 000 Cfa qu’ils partageront au nombre de 8. Le Capitaine Abba décide alors de relâcher les 5 braqueurs et à leur place propose les 9 jeunes de Bépanda. Jusque-là mes frères étaient dans les cellules de la gendarmerie à Bonanjo. Ils seront transférés par Abba le 28 à la garnison de Bonanjo en lieu et place des braqueurs.
La présidence de la République avait prescrit, le 20 mars 2001, une enquête approfondie qui a abouti au démantèlement du Commandement opérationnel le 6 avril 2001. Le colonel Bobbo Ousmanou, le chef de bataillon Pascal Yeremou Nyamsi et des capitaines Jean Jacques Aba Ndzengué, Apollinaire Onana Ambassa et autres hommes en tenue seront arrêtés. Le procès ouvert contre ces militaires et gendarmes aboutit en 2002 à leur élargissement. Les familles des victimes avaient, par le biais de Maître Momo Jean De Dieu, relevé appel. Depuis lors, vous attendez...
Avant le procès, les présumés coupables étaient en détention préventive de 18 mois. La sentence extraordinairement dérisoire était de 18 mois pour la plupart et donc tous ou presque furent libérés. Me Momo avait par ailleurs fait appel de cette décision qui à ce jour est resté sans suite.
Vous nous aviez également dit que vous avez une seule obsession : Traduire devant la justice internationale tous les meurtriers du commandement opérationnel. Où en êtes vous avec cette initiative?
Nous y croyons toujours bien que les chances soient réduites. Pour rappel nous avions porté plainte devant le tribunal belge qui, en 2008 déclarait notre plainte irrecevable après les pressions de Yaoundé. Nous travaillons depuis lors à la collecte des preuves, une tâche difficile qui se heurte au mutisme des militaires impliqués dans le Commandement Opérationnel
Vous souhaitez toujours que la lumière soit faite sur cette sombre affaire et que les coupables répondent de leur forfait.
Vous savez, rien ne peut valoir une vie humaine. Savoir ce qui s’est véritablement passé soulagera toutes les familles mais surtout permettrait de tirer un trait sur cette scabreuse affaire et ainsi abréger les souffrances des familles qui jusqu’ici n’ont pas fait le deuil.
Un dernier mot à l'intention de nos lecteurs ?
Qu’ils sachent que nous continuons de nous battre pour la vérité qui se saura tôt ou tard. Ne dit-on d’ailleurs pas que "quelle que soit la durée de la nuit le soleil apparaîtra".
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