Rapport Commission Mixte Franco-Camerounaise (Suite et fin): Retour de Jean Mbouendé à Douala
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Rapport Commission Mixte Franco-Camerounaise (Suite et fin): Retour de Jean Mbouendé à Douala :: CAMEROON

Après la présentation de Jean Mbouendé aux populations et autorités de Bafang et pendant le tour de ville du 27 mai 1960, un élément de l’armée coloniale d’origine algerienne va souffler au nationaliste de s’abstenir de passer la nuit dans la ville pour se soustraire à un complot d’assassinat.
 
La délégation venue l’accompagner va donc rebrousser  chemin après cette information. Elle va passer la nuit à Nkongsamba à la demande du maire de cette ville,  le prince bazou Daniel Kémadjou, pour marquer sa satisfaction d’avoir revu Jean Mbouendé. 
 
Il va solliciter et obtenir du préfet du Moungo, la levée du couvre-feu pour permettre aux  patriotes du coin de venir le saluer. 
Ils furent informés et beaucoup vont  suspendre leurs activités pour venir participer à la fête à l’hôtel du Moungo.
C’est ici qu’il passa également la nuit après des cérémonies riches en couleurs.  

Le lendemain 28 mai 1960, le périple va continuer sur Douala avec un arrêt improvisé à Mbanga.  
Ici le sous-préfet Édimo Époh, vieille connaissance du nationaliste va arrêter le cortège pour l’amener à sa résidence pour témoigner aussi sa joie de le revoir.  
Cette pause va durer environs deux heures et le cap final est mis sur Douala. 

Trois jours après son retour dans la capitale du Littoral, Kanga Victor alors ministre de l’économie va appeler de Yaoundé pour dire qu’on le fasse monter à la capitale parce que le président Ahidjo a besoin de le voir. Il va ordonner à son épouse présente à Douala en ce moment de lui donner les moyens pour voyager en train. 
Ses amis vont s’opposer à cette offre et vont plutôt mettre à sa disposition  un billet d’avion.  

Le voyage va bien se dérouler le 31 mai 1960 et le ministre va envoyer le chercher à l’aéroport et le conduire à l’hôtel des députés où lui-même vivait avec sa famille. Il va y passer la nuit et le lendemain 01er juin 1960, il va conduire Jean Mbouendé auprès du président Ahidjo. 
Il faut dire qu’avant de rencontrer le chef de l’état, Jean Mbouendé avait la veille écrit une lettre  aux députés du groupe du front populaire pour l’unité et la paix  sollicitant :  
- Le retrait des troupes françaises  
- La suppression de l'auto-défense et le retrait provisoire de toutes les armes que détiennent les civils. 
- Le remplacement des troupes françaises et de l’auto-défense par les éléments de l’armée camerounaise. 
- Le remplacement de tous les préfets et sous-préfets par des fonctionnaires camerounais aptes et intègres. 
Points devant selon lui, sils étaient satisfaits, faire renaître une réelle détente dans le département bamiléké. 
Enfin il va dire merci à ces élus qui ont exigé et obtenu du pouvoir l’amnistie totale et inconditionnelle, toutefois il va leur suggérer de demander une prorogation à une durée au-delà d'un mois. 

Entretien avec le président Ahidjo. 

Le 01er juin 1960, le président Ahidjo reçoit Jean Mbouendé dans une grande allégresse. 
Il s’est étonné de la manière dont il avait disparu. Il a ainsi demandé où il avait pu être pour qu’on n’ait pas pu le voir. 
Jean Mbouendé lui a simplement répondu qu’il était dans ses exploitations agricoles à Kékem et qu'une fois installé, il n'en est ressorti que trois fois pour participer aux réunions du comité directeur de L’upc à Kumba et qu’en dehors de ces fois là, il est resté dans ses plantations. 
Il lui a également dit qu’il effectuait tous ces déplacements à pieds. Et que s’il pouvait le voir heureux, c’est parce qu’il a appris que l’indépendance est acquise et que les Camerounais ont pris le relais aussi bien à Douala qu’à Yaoundé où il le trouve à la tête de l’État. 
Le président Ahidjo lui a dit que selon les informations en sa possession, les gens à Bafang refusaient de sortir du maquis tant qu’ils n’auraient pas eu la certitude que Jean Mbouendé était en liberté et qu’il ne leur en aurait pas donné le feu vert. 
Il a donc instruit le ministre Kanga de prendre les dispositions pour informer les populations de ce que Jean Mbouendé était sain et sauf, parce que pour les gens au niveau de Bafang, l’indice qui pouvait montrer qu’il y avait l’indépendance, c’était sa présence. 
Le président va donc confier à Jean Mbouendé la mission de pacifier Bafang parce qu’il estimait que les 300 militaires qu'il y avait envoyés étaient dans l’incapacité de le faire. 
Jean Mbouendé lui a remis copie de la lettre adressée aux députés avec les propositions allant dans le sens de la décrispation du climat social. 
Il lui a également répondu qu’il ne voyait pas comment il pouvait rentrer à Bafang sur le coup parce ses maisons étaient encore en ruines, entièrement dévastées par le pouvoir colonial le 29 mai 1955. 
Le chef de l’État a immédiatement instruit le ministre Kanga de le conduire chez le ministre d’État chargé de l’intérieur, Arouna Njoya qui a dressé une attestation indiquant que Jean Mbouendé était sorti du maquis et était dorénavant revenu à la vie normale et qu’il ne devait en aucun cas être inquiété par les autorités civiles ou militaires. 

C’est par le biais de cette attestation que le premier-ministre Charles Assalé a également délivré un sauf-conduit et donné les instructions à l’autorité de Bafang pour qu'un logement administratif soit affecté au nationaliste. 

Jean Mbouendé prend donc congé de Yaoundé et retourne à Douala en vue de préparer le grand retour à Bafang. Il rentre effectivement et pacifie le département sans violence, profitant de son entregent exceptionnel.

7- Réunification du Cameroun

La page 554 du rapport dit ceci :« ….. Les ralliés upecistes comme Jean Mbouendé se retrouvent ainsi à financer , en partie, le Kndp pour cette réunification conçue par les autorités françaises… »

La note de bas de page n°524 de la page 544 vient en appui pour dire ceci :« Archives privées de Jean Mbouendé, contributions collectées par Jean Mbouendé en faveur du Kndp, 1960-1961.
La note contredit déjà le texte qui parle de financement du Kndp par Jean Mbouendé alors qu’il s’agit d’argent collecté aux populations fraîchement sorties du maquis.

Voici la réalité :
L'idée de la réunification est évoquée pour la première fois par l'upc dès sa création en 1948, et dans l'ordre, elle devait intervenir avant l'indépendance.
Mais le pouvoir colonial va l'inverser, ce qui est une source de la crise anglophone aujourd'hui et c'est ce que redoutait l'upc. 
Fontcha avait créé en 1955 le KNDP(Kameroun National Democratic Party) et a commencé à se battre avec Ndeh Ntumazah, chef du One Kamerun  pour la réunification du Cameroun. 
La présence de certains leaders upcistes en exil au Cameroun Occidental va créer une collusion opportuniste dans ce sens. 
Ce qui n'était pas du tout du goût de l'administration anglaise qui ne voulait pas de cet objectif. Cest pourquoi elle va forcer un nouvel exil pour ces upcistes hors du Cameroun

Après l'avènement de l'indépendance du Cameroun français en 1960, Fontcha va accélérer la lutte pour la réunification et pour la mener à bon escient, il avait besoin de subsides, ce qu'il n'avait pas dans son environnement immédiat. 
Il va donc se tourner vers des alliés de la cause au Cameroun francais..
Jean Mbouendé est ainsi saisi pour coordonner la campagne de collecte dans la subdivision de Bafang. 
L'organisation est donc mise sur pied par l'autorité et le nationaliste est secondé par Weladji Laurent comme secrétaire.
Les carnets de reçus sont également mis à disposition pour enregistrer les contributions pour cette cause et la caravane  va sillonner tous les villages de l'actuel département du Haut-Nkam. 

Jean Mbouendé va recruter les jeunes pour l'aider à remplir les carnets. 

Bilan de la campagne: Fcfa 500 000 remis à Fontcha à Loum le  19 décembre 1960 et Fcfa 200 000 remis à son représentant, l'honorable Sam Mofor à Bafang les 22 et 29 janvier 1961, soit au total FCFA 700 000. 

Le reliquat de la cagnotte, FCFA 70160 est remis à l'adjoint préfectoral du Haut-Nkam le 04 mai 1961 contre reçu, après audit des comptes.
Viennent alors les élections  municipales d’avril 1961, les populations, à l’aise avec Jean Mbouendé exigent qu’il pose sa candidature.
Il finit par accepter et devient le premier maire élu de la commune de plein exercice de Bafang, sous la bannière de l’Uc, ville à laquelle il donnera une âme, essayant ainsi à sa manière de relever le standard de vie des populations, après l’indépendance et la réunification, trois objectifs nobles de l’upc.
Mais le préfet de l’époque, Obam Mfou’ou Jérémie, va chercher à composer avec Jean Mbouende dans la distraction des fonds de la commune. Face au refus catégorique du nationaliste, qui argue que le budget communal a des objectifs sociaux qu’il faut satisfaire, l’autorité avec ses soutiens deviendra une pesanteur pour la commune et une menace pour le nationaliste.

Le président  Ahidjo, informé, sera obligé d’affecter le préfet à Douala comme secrétaire général d’inspection fédérale d’administration, une sorte de promotion au rabais. Et de Douala le préfet Obam, outré, va avec son frère Mfou’ou Nvondo, commissaire, fabriquer une fausse affaire de financement du terrorisme en disant d’un prêt que Jean Mbouende avait obtenu de la banque de développement à Dschang et qui a financé ses activités agricoles sous le contrôle de la banque, que le nationaliste avait plutôt remis cet argent à Ernest Ouandié.

Le maire est donc arrêté le 16 juillet 1965 et conduit à la Bmm de Nkongsamba où à travers l’épreuve de la balançoire, on va tenter d’obtenir son aveu. Mais c’est vain. il passera 07 mois dans les Bmm(Nkongsamba, Douala et Yaoundé) avec un dossier manifestement vide.
On l’enverra après et sans jugement au Centre de Rééducation Civique de Mantoum où il passera 04 ans et demi, sans aucune charge retenue contre lui.
Par arrêté ministériel, il est liberé le 31 décembre 1969.
06 mois après, toujours dans le cadre de l’affaire Ouandié, il est encore arrêté suivant les mêmes fausses traces et  subira les tortures les plus humiliantes. Il sera innocenté le 31 décembre 1970.

Concernant sa concession réduite en cendres le 29 mai 1955, le président Ahidjo avait instruit le premier ministre Charles Assalé en 1960 après l’entretien avec Jean Mbouendé de faire évaluer les pertes subies par le nationaliste.
La première autorité calerounaise envoyée à Bafang,  Meilo, l’avait fait et envoyé à Yaoundé. Le montant était de 7 000 000 FCFA soit 14 000 000 FF sans intérêts de retard(05 ans en 1960).

Dans une confidence reçue par Jean Mbouendé en 1970, le ministre Kanga lui dira que la France avait effectivement envoyé à Yaoundé en 1960, la somme de 70 000 000 FF soit 35 000 000 Fcfa pour indemniser la concession de Jean Mbouendé réduite par ses forces en cendres.
Le nationaliste n’a jamais reçu un radis, ni sa famille. Ahidjo était président et Charles Onana Awana était ministre des finances.

8- Les pages 900, 916 et 921 parlent de Jean Mbouendé et de son ouvrage autobiographique comme références des thèses et mémoires  

9- En termes d’index des principaux lieux, on parle de Mbouendé en renvoyant aux pages 238 351 352, 379, 417, 531, ce qui semble être une erreur.

10- La page 1017 parle des sources orales exploitées par la commission en mentionnant ceci : « Mbouendé Clément, volet « Recherche » de la commission , Bafoussam le 22 mars 2024» au lieu de : « Wensileudjam Mbouendeu Clément, volet « Recherche » de la commission, Bafang, le 22 mars 2024 »
 
Conclusion

Jean Mbouendé était un acteur historique transversal, qui est entré en politique riche et a utilisé sa richesse et son entregent pour la défense des couches les plus vulnérables.

Le volet « Recherche » de la commission était à Banka-Bafang et a touché du doigt la réalité. C’est pourquoi le docteur Cyril Kenfack, qui avait juste une connaissance parcellaire de Jean Mbouendé avant cette rencontre va conclure :
« Jean Mbouende est une figure syndico-politique emblématique, énigmatique et charismatique au vu de son parcours. 
Jusqu'à présent, sa personnalité a fait l'objet de nombreux écrits académiques ou livresques. Et il fera toujours l'objet d'étude et de recherche car il a mené une vie qui tourne autour du syndicalisme, de la politique, de l'économie, de la tradition et autres. 
Il a une multitude de facettes et attire toujours la curiosité de toute personne qui s'intéresse à lui.
Il a su faire preuve de détermination, de réalisme, d'abnégation et autres ».
 
Quant au rapport global, il ne peut pas être parfait comme toute œuvre humaine, mais peut être une base de travail pour la  perfection.
Le sexe et la couleur des historiens ne devraient pas être des critères pour juger un travail, mais le contenu du travail. Respecte-t’il la démarche scientique ? Juste une réponse cartésienne pourrait faire l’affaire.
Le rapport parle par exemple plutôt de l’utilisation des cartouches incendiaires pour terroriser les populations, c’est déjà un pas, aux autres historiens de démontrer scientifiquement que c’était du Napalm comme cela semble avoir été.
 
On pourrait également déplorer l’obstruction de la partie camerounaise qui à partir de la loi sur les archives de 2024, a empêché d'utiliser les archives de 1964 à 1971; et la fermeture de certains centres de dépôt d'archives.
SI le travail est mauvais, ce qui n’est pas forcément le cas, il faudrait retenir qu’à partir du mensonge, on.peut retrouver la vérité et savoir surtout que la lumière ne brille véritablement que dans l’ombre.

EN DEFINITIVE, LA France OFFICIELE ET L’ÉTAT DU CAMEROUN ONT EU LE COURAGE D’ABORDER PUBLIQUEMENT CE SUJET SENSIBLE, CE QU’IL CONVIENT DE SALUER.
LE RAPPORT LES CULPABILSE ASSURÉMENT, ILS SAVENT DONC CE QUI RESTE À FAIRE POUR UNE APOTHÉOSE DÉCRISPANTE.

Lire le début de cette reflexion sur ce lien: Rapport de la Commission Mixte Franco-Camerounaise: Éclairage sur le cas spécifique de Jean Mbouendé

La suite de cette série ici: Rapport Commission Mixte Franco-Camerounaise:La chasse aux sorcières après les évènements de mai 55 

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