Le tableau sombre des routes camerounaises
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Le tableau sombre des routes camerounaises :: CAMEROON

Infrastructures. Elles se dégradent de plus en plus. Les investissements sont insuffisants. L’Etat peine à respecter ses propres engagements. "S’il faut doter le Cameroun de routes comme il se doit, les dirigeants de ce pays doivent accepter d’y mettre la moitié du budget de l’Etat chaque année."

Le vœu est formulé par un chargé d’étude du ministère des Travaux publics (Mintp). Un vœu pieux, avoue-t-il, car, face aux besoins formulés, les décideurs ont toujours la même réponse : « il y a d’autres priorités ». Même si les Travaux publics comptent toujours parmi les plus budgets, cela reste insuffisant. 

En 2016, c’est même la plus grosse enveloppe au budget de l’Etat : 403 milliards F.Cfa. Mais ce sont à peine 10% des 4 234,7 milliards F.Cfa. Plus qu’à ailleurs, les routes sont le secteur où l’Etat est pratiquement le seul à investir, sinon bénéficiet-il des appuis issus de la coopération internationale. « Les privés construisent des écoles et des hôpitaux, mais jamais des routes », note d’ailleurs un
cadre du Mintp.

Le ministère des Travaux publics consacre environ 87% de son budget à la construction, à la réhabilitation ou à l’entretien des routes. C’est dire qu’il s’agit là du cœur de métier de cette administration. Pourtant, c’est encore insuffisant tant il y a à faire. Le réseau routier national à la charge de l’Etat se chiffre à 122 108 kilomètres, avec tout juste 7 000 kilomètres bitumés.

Ainsi, à travers le pays, il y a tant de tronçons qui sont à l’image des quelques 70 km reliant Babadjou et Bamenda. La voie s’est dégradée au fil des années au point de devenir le calvaire des automobilistes et des voyageurs. Les 23 milliards F.Cfa nécessaires pour refaire cette route ne sont pas disponibles, avoue-t-on au Mintp. Le mal est bien plus grand, car c’est l’axe Yaoundé-Bamenda, vieux de 35 ans, qui a largement dépassé la durée de vie d’une route, estimée à 25 ans. « A cet âge-là, on ne peut plus faire de l’entretien, il faut réhabiliter la route, c’est-à-dire la reconstruire; sinon elle se dégrade de toutes parts et les colmatages faits çà et là ne suffisent plus », explique un ingénieur du civil (génie civil).

Retard

Le pointage effectué en 2014 sur le réseau routier national indiquait que celui-ci était plus dégradé qu’en 2013. Tout juste 18,1% des routes étaient restées « dans un état jugé bon », selon les termes du Mintp. Le réseau principal était à 53% dans un mauvais état, contre 28,6% jugés passables. 

Le constat était aussi celui des routes nationales, c’est-à-dire les axes majeurs qui traversent tout ou partie du pays. Elles se détruisaient alors plus vite, avec un taux de dégradation de plus 4% par rapport à l’année 2013.

Ainsi, seuls 33% des routes nationales étaient encore en bon état, contre 30% en mauvais état et 36% dont la pratique était encore passablement aisée. Les routes nationales les plus dégradées se retrouvaient dans les régions de l’Ouest (83%), l’Extrême-Nord (64%) et le SudOuest (44%).

Plus globalement, dans ce tableau sombre des routes camerounaises, l’Extrême-Nord arrivait en tête avec 87,6% des routes dans un mauvais état. Suivaient le Sud-Ouest (60,6%) et le Nord (57,5%). Les routes
principales en bon état se retrouvaient à l’Est (45,7%), dans l’Adamaoua (25,6%) et dans le Littoral (23,7%). « N’allez pas croire que ces régions ont le plus grand nombre de route bitumées.

C’est plutôt parce que celles-ci sont en terre qu’il faut être vigilant sur leur entretien », tient à préciser un cadre du Mintp.

La situation de 2014 n’a pas beaucoup évolué. L’Etat du Cameroun est encore loin des objectifs qu’il s’était lui-même fixé dans son Document de stratégie pour la croissance et l’Emploi (Dsce). C’est pourtant la boussole du développement du pays jusqu’en 2035. Depuis le lancement de ce document en 2010, le Cameroun stagne autour d’une moyenne de 200 kilomètres de nouvelles routes construites alors que l’objectif est de 350 kilomètres. A peine 156 kilomètres sont refaites par an sur les quelques 200 kilomètres fixés au départ.

La relance

Pourtant, le Dsce a prévu les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs, notamment les ressources financières. Mais un cadre du Mintp avoue qu’il s’agit bien de la théorie, que dans la pratique ces ressources financières ne sont pas toujours disponibles, soit parce que l’Etat ne les a pas, soit parce que les priorités sont ailleurs. Les autres causes du retard accusé sont la mauvaise gestion des contrats, la mauvaise gouvernance des projets ou encore la faible performance des entreprises.

L’objectif de l’heure est de corriger les manquements. C’est ce qu’a dit le ministre des Travaux publics, Emmanuel Nganou Djoumessi, le 14 janvier 2016, à l’ouverture de la traditionnelle conférence annuelle de son département. Les travaux ont permis de tracés des pistes pour améliorer la gouvernance des chantiers routiers au Cameroun.

Déjà pour 2016, il faut assurer l’entretien de quelque 16 000 routes et atteindre la moyenne de 400 kilomètres bitumées par an. Il y aura la part annuelle du plan d’urgence qui prévoit de construire 682 kilomètre de routes sur trois ans (2016-2018). Il y aura la contribution du programme classique du Mintp à qui il est demandé de faire toujours un peu plus.

Pour rattraper le grand retard pris sur le Dsce, il faut bitumer au moins 400 kilomètres de routes chaque année, au moins jusqu’en 2020. Et ce ne sera toujours pas suffisant.

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