Ces revendications sur lesquelles le président tranche personnellement contribuent à renforcer son pouvoir. Mais attention à l’effet boomerang. Faut-il que Paul Biya intervienne absolument pour que des sportifs perçoivent leurs primes et des militaires payés ?

Cette question coule de source dès lors que ces affaires peuvent être prises en charge par le gouvernement et réglées par l’administration, entre le chef de service et le secrétaire général de ministère, en passant par le sous-directeur et le directeur. 

Ces différents responsables sont eux-aussi des dirigeants de l’Etat, chacun à son niveau. A ce titre, ils peuvent exercer le pouvoir, c’est-à-dire prendre des décisions qui ont un impact sur la vie des Camerounais, à l’instar de ceux qui revendiquent leurs primes ou leurs salaires.

Mais aucun de ces décideurs présumés ne fait rien. Et c’est à se demander une fois encore pourquoi Paul Biya doit absolument décider. En plus, le président ne semble pas se plaindre, puisque d’une situation de crise à l’autre, son administration et son gouvernement continuent de l’attendre. 

La première chose à savoir c’est que le président détient le pouvoir suprême. Et dire que le pouvoir n’est rien de plus que de la domination, comme les spécialistes de la science politique, c’est dire que Paul Biya est le dominateur en chef. Nul besoin ici de dire si cette domination fait du bien ou du mal au peuple camerounais.Une chose est sûre, Paul Biya tient à son pouvoir qu’il a d’ailleurs inscrit dans un temps illimité. 

Alors l’homme doit paraître toujours plus fort,maître de son autorité, toujours accepté, jamais contesté, dumoins jamais par la majorité. On est bien là au coeur de la légitimation du pouvoir politique, un des thèmes favoris de la science politique. Paul Biya sait qu’il doit se construire un charisme et l’entretenir soigneusement. 

Il ne suffit pas d’avoir dépassé le score de 75% à l’élection présidentielle de 2011. Il y a donc de la grandeur à tirer dans ces affaires, petites à priori, que le président tranche lui-même.

D’abord parce qu’elles ont un retentissement dans la mémoire collective. Les Lionnes du football et celles du basket-ball revendiquaient leurs primes après avoir hissé haut le drapeau national à des compétitions, au grand bonheur de leurs compatriotes. C’était inédit, et naturellement dangereux pour le pouvoir de M. Biya, que desmilitairesmanifestent dans la rue à Yaoundé après avoir fait leur devoir de soldat dans un contexte sécuritaire précaire aux frontières du pays.

Stratégie du pourrissement

Ensuite, il y a tout le scénario avant l’intervention du président. Le problème éclate et personne n’agit. Le président laisse faire, jusqu’au pourrissement. Les militaires ont dû manifester devant l’Assemblée nationale elle-même muette. 

L’équipe nationale de basket-ball féminin a dû confisquer des chambres de l’hôtel Mt Febe, ameutant les médias. Les Lionnes du football avaient elles aussi résisté des semaines durant dans leur bras de fer avec la Fecafoot et le ministère des Sports.

Enfin, Paul Biya surgit au dernier moment et intervient en homme providentiel, en héros et même en messie, célébré par le peuple. Dès lors, il y a peu de chance qu’une voix s’élève pour contester un tel homme, sans être combattue d’abord au sein de la population. La voie semble toute tracée pour un pouvoir à vie.

Pendant ce temps, les enseignants peuvent crier leur malêtre, puisque même le peuple ne semble plus ému par leurs jérémiades.

La stratégie est payante sur le coup, car Paul Biya a jusqu’ici réglé des situations ponctuelles survenues l’une après l’autre. Mais attention, les revendications pourraient bien semultiplier et dépasser le président.

Il pourra toujours taxer son gouvernement d’incompétence, mais sa compétence et sa légitimité risqueraient de s’écrouler comme château de cartes.